Le dépôt
Présentation
J’ai eu la chance d’avoir un père extraordinaire (il s'était engagé à 16 ans dans la résistance contre les nazis en 1940, a été condamné à mort, et s’en est tiré par miracle. Sa vie a été une épreuve à cause de la maladie bipolaire (épisodes d’excitation maniaco-dépressive chaque année). Il aimait plaisanter. Il avait des amis. il aimait l’aviation et m’emmenait à l’aérodrome le dimanche. il était discret et honnête. il était entreprenant et travailleur. Diplômé en droit, il refuse un poste de sous-préfet en Algérie, offert par son père devenu député socialiste après la guerre. Il a vendu des assurances en allant de porte en porte et a ensuite fondé une entreprise de construction de maisons familiales appelée "Castors" où les gens humbles pouvaient coopérer à la construction de leur maison. Une place dans le quartier où nous habitions porte son nom. Nous avions l’habitude de dialoguer quand j’étais adolescent. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir un père comme lui. Il aimait la poésie de François Villon.
Pierre Lamarque, né le 24 mai 1949, est co-fondateur de la revue Lpb avec Constantin Pricop et Mickaël Lapouge, il a publié un premier recueil de Poésie édité en 2023 aux Éditions Lpb intitulé "Résidu ". Il fait aujourd'hui fonction de gardien du dépôt et s'occupe candidement de ses bancs et plate-bandes.
Pierre Lamarque : ancien médecin qui soigne par les mots, "un amour prononcé pour les profiteroles et autrui."
J’ai été docteur en médecine mais je suis trop vieux maintenant pour exercer la médecine générale. Je me suis intéressé à la relation médecin-malade, à la psychanalyse, à la psychologie, à la psychiatrie avant de me passionner surtout pour la poésie et à la littérature. Pour moi, la littérature et la poésie sont des médicaments... À prescrire notamment quant aux blessures liées aux non-dits, aux problèmes de communication, aux rejets de l'Autre.
Je fais lire mes poèmes à des amis, comme faisait Emily Dickinson dans son temps.
En prenant exemple sur elle, j’aurais mieux fait de ne rien publier en livre car en poésie ce n’est pas ça qui compte, ce n’est pas le livre, c’est le poème… (un recueil de poèmes en réalité n’est qu’un seul poème)…
J’aime l’attitude d’Emilie Dickinson et je crois que je la suis dans sa démarche, laisser la poésie vivre sa vie sans se soucier de son destin.
C’est d’ailleurs ainsi que j’ai commencé en poésie. Tout ce que j’écrivais était intime et je ne faisais pas lire ce que j’écrivais, sauf dans de rares occasions. Il y a quelque chose d’intime dans l’écriture. Un jour, va savoir pourquoi, j’ai écrit à Claude Roy - pas directement, j’ai écrit chez l'éditeur Gallimard pour proposer un poème…un peu plus tard grâce à l'ordinateur j’ai fait la rencontre de Constantin Pricop sur un réseau social de l’ambassade française au Canada qui publiait une page publique de poésie, et à partir de là la revue Lpb est née...
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QUESTIONNAIRE DE LPB - PIERRE LAMARQUE
1/ Pouvez-vous indiquer un livre que vous aimez particulièrement ?
La conjuration des imbéciles. (J. K. Toole)
2/ Pouvez-vous donner un vers, un mot, que vous aimez ?
Strophe extraite d’un poème de D.H. Lawrence (1885-1930) intitulé "Ballade d’une nouvelle Ophélie" :
J’ai eu jadis un amoureux clair comme eau courante,
Son visage jadis était ouvert comme le ciel,
Ouvert comme le ciel penché tout en rires
Sur les boutons d’or, j’étais les boutons d’or.
Traduction J. J. Mayoux
Éditions Aubier Montaigne
3/ Quelles sont vos lectures habituelles aujourd’hui et comment s’expliquent ces habitudes ?
Mes lectures habituelles sont variées… cette habitude de variété s’explique par ce que j’ai toujours lu en variant les genres … le livre que je suis en train de lire est Poèmes de D.H. Lawrence, traduction de J. J. Mayoux, éditions Aubier Montaigne, collection bilingue... Souvent je lis plusieurs livres en même temps, et dans le désordre, j'aime assez côtoyer le désordre...
4/ Pouvez-vous citer un support de diffusion de la poésie que vous affectionnez (autre que le livre) ?
— J’affectionnerais les soirées «slam» par exemple, mais je n’y suis jamais allé car trop loin de mon village ...
5/ Le monde lit-il toujours et quoi ?
Le monde ne lit pas assez… le monde ne sait pas ce qui est bon, et le monde passe à côté .. Je prends conscience grâce à internet que le nombre de gens qui s’intéressent à la littérature et à la poésie est immense.
6/ Quel est votre plat préféré ?
La soupe aux poireaux. Selon la recette de Marguerite Duras (La cuisine de Marguerite - Editions Benoit Jacob). « On peut ne vouloir rien faire et puis, faire ça, oui, cette soupe-là : entre ces deux vouloirs, une marge très étroite, toujours la même : suicide. »
7/ Quelle sont votre musique, votre film préférés
- musique Éric Satie : minimale mélodieuse calme berceuse
- film "e la nave va" de Ferderico Fellini
8/ Vive La Page Blanche !
9/ - Peux-tu parler de tes amours au présent ?
Oui, mais je préfère parler au passé
10 : - Dans le cours de ta jeunesse (16-25 ans), quels sont ou ont été tes principaux intérêts intellectuels ?
La poésie, le roman, la biologie, la séméiologie, la psychanalyse
11 - Produire est-il nécessaire ?
Vivre n'est pas nécessaire.; ce qui est nécessaire, c'est créer
(Fernando Pessoa)
12 - Pour qui écris-tu ?
Pour le cerveau
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SEPT POÉSICULES
Goûte-moi ça
Prends-donc une chaise
puisque tu es là debout
regarde un peu ce que j’ai fait
(sans vouloir trop te déranger).
À éviter
Éviter aux mots de polluer
éviter que les mots polluent
éviter de polluer par les mots
que les mots évitent de polluer.
Il faut...
il est bon mais il lui manque...
quelque chose...
il conviendrait...
il me semble...
À Dieu ne plaise
Si je ne m’abuse rien n’empêche
que rien ne tienne à rien
Je ne saurais dire plus
Je n’en ai cure.
Juste avant
Je crains que…
j’ai peur que…
à moins que…
Qu’à cela ne tienne
Vienne
vienne vienne la mort
elle n’est pas venue hier que je sache
si toutefois elle venait ce soir
(et qu’il ne soit pas trop tard)
nous dînerions ensemble.
Appui de conversation
Qu’il a fait froid
qu'il a même neigé.
MANQUE
Sans crainte devant l’absence
ne pas s’éloigner
et dans une mûre proximité au manque
à partir de cette relation au manque
tenir aussi longtemps que soit préservée
la parole inaugurale qui nomme le Haut.