Le dépôt
Robert de Passage
Robert de Passage
L’avion atterrit sans problème. À la sortie de l’aéroport, je trouvai un taxi. On roula jusqu’à destination. Je débarquai devant un hôtel au centre de la ville. Sur le trottoir, une femme m’accosta. Après quelques échanges, elle me conduisit vers une chambre. Un homme siégeait au salon. Il me reconnut; se leva. D’un geste adroit, il retira son déguisement. Il s’agissait d’une femme. Elle ouvrit l’ordinateur posé sur le bureau. Un visage sombre apparut. Elle parla avec lui, tout bas. Brusquement, la porte s’ouvrit. Deux hommes en complet entrèrent. Ils m’empoignèrent avec force. L’un d’eux m’asséna un coup à la tête. Étourdi, je me libérai et pris la fuite. Je dévalai les corridors jusqu’à la sortie, dans le hall. Dehors, se trouvait un vélo. Je le volai. Dans la rue, je pédalais au hasard. J’empruntai une rue, puis une autre. Au bout d’un certain temps, je sortis de la ville. Je me retrouvai en campagne. Des champs s’étendaient à perte de vue. Je continuai à pied à travers la végétation. S’annonçait déjà la fin de l’après-midi. À un moment, je croisai un coyote. Plus loin, il y avait une maison. Avant d’y arriver, un chien jappa. Quelqu’un s’affairait dans les hautes herbes. Je me cachai. C’était une femme. Elle cueillait des petits fruits. Je me découvris. Elle prit peur et s’enfuit vers la maison. Je la suivis. Elle en sortit avec un long fusil. Je m’expliquai brièvement. L’arme s’abaissa vers le sol. Finalement, j’entrai. À l’intérieur, il n’y avait personne d’autre. Elle m’offrit un verre d’eau à la cuisine. Je racontai ma brève histoire plus en détails. Tout à coup, un fermier arriva, menaçant. Il était en colère. Il me bouscula, ainsi que la femme. Il bredouillait une histoire incompréhensible. Je me saisis d’un couteau. Lorsqu’il s’approcha, furieux, je le piquai. Il s’affala sur le plancher. Il porta ses mains à son ventre en hurlant. Le sang coulait. La femme me regardait, ébahie. Je pris la fuite. Elle m’appela. Elle me supplia de ne pas l’abandonner. Je lui pris la main et l’entraînai dans ma course. Ses cheveux voletaient dans le vent. Je pris la direction du boisé. Elle suivait derrière moi. Nous haletions. Le bois devint de plus en plus dense. La marche devenait de plus en plus difficile. Les feuillages assombrissaient tout. Je ne voyais pas bien l’expression de sa figure. Devant nous, nous croisâmes une route. Nous pouvions reprendre notre souffle. Soudain, une camionnette arriva. Les branchages fouettaient sa carrosserie. Il n’y avait qu’un conducteur à l’intérieur. Il s’arrêta devant nous. Nous contournâmes la camionnette en écartant les branches. Le chauffeur nous demanda ce que nous faisions là. J’inventai n’importe quoi. Elle se taisait. Nous montâmes dans la boîte arrière. La camionnette repartit. Plus loin, nous nous aperçûmes qu’il nous ramenait vers la maison. Une autre camionnette y était déjà. Il fallait agir. Il s’arrêta et sortit du véhicule. J’en profitai pour bondir dessus. Je l’assommai d’un bon coup. Nous montâmes ensuite derrière le volant. Je conduisis à toute vitesse. La camionnette cahotait allègrement. J’empruntai les sentiers au hasard. Après plusieurs manœuvres, nous sortîmes du boisé. Une route asphaltée passait devant nous. Gauche, droite? Je pris la direction ouest. Une voiture arrivait en sens inverse. Petit à petit, nous nous approchâmes de la ville. Je demandai son nom à la femme. Elle s’appelait Judith. «Moi c’est Robert.» Elle n’avait pas d’argent. Je lui proposai d’aller chez un ami. Elle acquiesça. Lorsque je retrouvai mes repères, je mis le cap vers la maison de Luis. J’enfilai route, autoroute, boulevard, avenue et rue. Je traversai campagne, banlieue et ville. Avant d’arriver chez Luis, je garai la camionnette. Je choisis une rue éloignée. Je l’abandonnai avec les clefs dans le contact. Judith sur les talons, je la menai chez Luis. Devant la porte, je sonnai. Une femme ouvrit. Elle n’était pas la femme de Luis. «Luis, je vous prie.» «Il n’y a pas de Luis ici. Vous faites erreur.» Je ne pouvais pas faire erreur. C’était impossible. Je repoussai cette femme et entrai. Sur ma droite, j’aperçus aussitôt Luis. Il était ligoté sur une chaise au salon. Judith entra à son tour. Je maitrisai la femme. Je signifiai à Judith la présence de Luis. Elle le détacha. Avec la corde, elle ligota la femme. Ensuite, Luis nous expliqua: ça a sonné à la porte. Elle est entrée avec un homme. Ils l’ont saisi, puis attaché. L’homme a utilisé un ordinateur. Il parlait avec quelqu’un. Puis il est parti. La femme est restée. Il ne sait pas pourquoi. Je leur ai dit qu’il fallait partir à notre tour. Nous sommes partis. Moi, Judith et Luis. La voiture de Luis était là. Nous embarquâmes tous les trois. Nous partîmes en trombe. Une autre voiture nous suivait. Au coin de la rue, nous eûmes un accident. Un violent accident. Luis était mort. Son crâne fendu. Judith et moi décampâmes tout de go. Nous courrions sur les trottoirs. La voiture nous suivait toujours. Nous traversâmes un parc; passions à travers les terrains privés. Puis nous nous cachâmes sous un viaduc. Nous pensions l’avoir semée. Deux hommes arrivèrent cependant par derrière. L’un d’eux tenta de me surprendre. Je le cognai en plein visage. L’autre s’en pris à Judith. Je le frappai avec mon pied. Il tomba. Je lui bottai le visage. L’autre se releva et déguerpit. Judith m’enlaça. Nous nous remîmes en route. Mais où aller? Il y avait beaucoup de passants. Nous nous mêlâmes à eux. Il y avait une fête foraine en cours. Les manèges marchaient à plein. Nous entrâmes sur le site. Deux hommes semblaient nous suivre. Que nous voulaient-ils? Il n’y avait de paix nulle part. Je regrettais d’avoir entraîné Judith. Elle n’avait rien à voir. Je lui suggérai de disparaître. Elle n’avait qu’à se fondre dans la masse. Moi, je partirais. Discrètement, je lui dis adieu. Je lui demandai de me pardonner. Je m’éclipsai alors. Non sans m’assurer qu’elle soit hors de danger. Deux types me suivaient toujours. C’était bon signe. Pour elle, du moins. Je sortis hors du site. Je m’amusai aux dépens des deux types. Parfois je m’arrêtais et me retournais. Ils feignaient alors de lire le journal. Puis je repartais de plus belle. Je longeai un mur. Au coin, je tournai subitement. Caché derrière le mur, j’attendis. Lorsqu’ils arrivèrent, je me braquai devant eux. Au premier, je lui brisai le nez. Du sang humecta mes jointures. À l’autre, je lui donnai du coude au ventre. Il se tordit en deux. Je me sauvai. Une voiture passa devant moi, l’arrêtai. J’ouvris la portière et jetai le conducteur en bas. Je pris sa voiture et démarrai. Je roulais en fou. Je renversai un piéton. Je ne savais pas où aller. Je repassai près du lieu de la fête foraine. Je vis Judith sur le trottoir. Arrivé près d’elle, elle m’aperçut à son tour. Je l’enjoignis de monter. Elle monta. En conduisant, nous discutâmes brièvement. La police apparut dès lors derrière nous. Les gyrophares étaient allumés. La sirène retentissait. C’était bien pour nous. Je pris la direction de l’aéroport. Les sorties se succédaient. La police nous collait. Elle restait derrière nous. Je passai sur la banquette arrière. Judith prit le volant. En passant devant l’entrée, je sautai de voiture. J’entrai en coup de vent dans l’aéroport. Je sautai par-dessus les guérites. Derrière moi, les agents se multipliaient. Je réussis à rejoindre le tarmac. J’entrai dans l’avion. Je simulai une arme sous ma chemise. J’enjoignis poliment le pilote de décoller. Il obéit. L’avion s’envola sans encombre.
2 juillet 2025, Limoilou. Simon A. Langevin