Le dépôt
Le cri du froissement de journal
Le cri du froissement de journal
Un journal extime sur fond noir. Comme un journal pour recueillir tout le noir en moi. Chaque jour déverser un peu plus de noir dans l'obscurité ambiante. Et puis froisser la page et la jeter au vent, ne pas la retenir. Le noir aussi a le droit à sa liberté.
Froissements de journal, le noir chiffonné mais partagé. Des fois que mes errements pourraient intéresser quelqu'un, qu'à venir fouiller dans ses froissements on puisse les transformer en lumière. Des fois qu'une page blanche vienne à s'écrire...
30 décembre 2022
et c'est le lien entre le et la c'est l'addition de lui de elle en eux en nous encore et encore et c'est plus et c'est avec joints conjoints du fond des âges et de la langue le et du temps présent avec le & passé aussi le et ne disparaît pas avec la mort et toujours vivant
et tout autour une musique forte avec des vrais morceaux de mots dedans et moi avec les miens en silence en tête en recherche dans les replis de la langue ses commissures et l'effacement des artifices ne pas rentrer dans la danse juste tenter d'approcher la nuée ardente que l'on nomme inspiration
et puisque l'homme est victime de sa naissance victime et non coupable il arpente sa solitude attendant l'apparition d'un espoir à se mettre sous les rêves regardant les oiseaux pour ce qu'ils ne sont pas des messagers de joies alors que le monde trouve que penser fatigue et que le silence se pose sur ses maux
et maintenant que vais-je dire avec tous ces mots écrits à la hâte que je n'ose prononcer scander affirmer imposer que je n'ose assumer tous ces mots nés de mes illusions éteints dans mes désillusions il y a des mots qui disent mieux le hasard de l'écriture où je me laisse entraîner
et quelle est cette soif de chagrin cette envie d'explorer les cavernes les bas-fonds les vertiges aussi de nos histoires pleurer serait faire injure au chagrin alors se retrouver seul dans l'instant des lèvres parce que nous avons les mots et se dire à soi-même que l'espoir est l'avenir de l'humanité
et sinon et si pas et si non pas et si pas empêché entravé rompu si pas impossible si trop attaché pour avancer si pas sans chemin si pas si pieds si le mot pas ne fait plus avancer si passant trébuchant sur la pierre des mots si pas de côté égale chute et sinon quelle distance mettre en son pas
et ainsi plèvre péritoine péricarde toutes ces peaux intérieures ces enveloppes secrètes ce principe de parois qui vous séparent de vous-même pour mieux vous protéger de vous-même toutes ces peaux orientées vers l'obscur enfouies si loin vers les turbulences toutes ces peaux souffrent-elles de racisme ?
et qui sait peut-être qu'un jour la noble Académie dans sa grande clairvoyance reconnaîtra que les mots d'enfants sont les plus grands serviteurs de la poésie capables de couvrir de bleu l'interminable sarabande des jours gris
et moi ai-je un je un simple je sans ego un je d'écriture ou un vrai façonné dans les règles du jeu de modestie si peu de je en moi si peu d'ego en jeu si peu de moi et je dans tout ça si peu de tout ça en moi et si je n'était pas moi s'il était un autre Arthur au secours sauve-moi de tout ça sauve je de tout moi suis-je un je par mon corps par mes mots mais alors mes mots stockés sur mon ordinateur sont-ils encore je
et encore le jour et encore la nuit amassés dans l'ombre de mes pas et encore le monde et encore des morts et encore des corps qui n'avaient pas demandé de partir avant l'âge et encore des mots l'appel d'un ami pour dire le jour pour offrir à la nuit et encore vivre malgré ces encore
et comme la vie est ce pas si fragile vers l'inconnu et comme la vie est ce qu'il y a de mieux sur Terre et comme la vie est un chemin défoncé et comme la vie n'en peut plus de ce chemin qu'on lui fait emprunter la vie nous lâche va voir ailleurs pour changer de vie
et à mesure et au fur des mesures prises dans ma vie pour survivre il y a cette envie d'écrire d''écrire comme Jim Morrisson ou Patti Smith mais sans le talent ni la drogue peut-être une envie de Beat Régénération quelque chose de désespérément lumineux parfaitement dans l'époque bien que frôlant un horizon universel
et pourquoi pas enchevétrer nos gestes imbriquer nos sentiments partager nos médecines avec le monde animal plutôt que s'imaginer qu'une autre planète est possible investir dans une autre IA l'intelligence animale trouver un mot pour fraternité avec les animaux zoorité ?
et oui écoute le poète admire le vivant dans le mouvement des mots observe ce que le poème dit de toi du monde de l'intervalle entre toute chose avec l'émotion pas loin écoute le poète il te dira les déséquilibres éphémères qui font tenir debout la pensée
et alors on ne rêve plus la vie n'est plus qu'une façon de se hâter toute relation n'a donc vocation qu'à se disperser les sages n'ont plus la cote on leur préfère les puncheurs les paillettes les cyniques et alors les poètes ont-ils disparus pour autant ?
et voici de ce côté de la République un regard sur un pays de reine morte à l'occasion au revoir les chapeaux d'ici se délier du sang de tout règne que pèse le nom face à la mort Il n'y a pas de mort lumineuse et ce roi prisonnier de palais dorés regardant ses gens attendre comme seul privilège la noblesse n'a pas besoin de couronnes
et même que je n'ai rien trouvé à écrire de tout ce qui se passe dans le monde et ailleurs rien nada rien à la hauteur des combats qu'il faudrait mener rien au niveau de l'espoir des peuples opprimés quoi que je dise mes mots ne porteront pas que pourrais-je changer d'un regard furtif sur les erreurs du monde ?
et après la flaque une trace humide et puis plus rien le miroir à pie oublié le souvenir des chaussures éclabous sées de l'enfant effacé le poème sera-t-il cette trace humide survivant encore quelques instants avant ma totale évaporation
et forcément tu sais tout ça toi lecteur le silence que nous lisons dans les livres ces confidences de l'intérieur qui s'insinuent dans la nuit et dans le rêve ne sont que promesses et vent passant entre les lignes
et pourtant affleure de la plage l'œuvre d'un ciel dégagé se couchant sur le sable froid de la mélancolie pas un dieu n'est venu poser son pas ici et pourtant on jurerait y voir comme la description d'un paradis
et parce que ne peut que nous émouvoir l'image insensée d'un enfant avec tous les souvenirs d'un vieillard toutes ses blessures ses angoisses dans le sang et le cerveau toutes les cicatrices laissées par tant d'occasions ratées
et nous pauvres promeneurs au pas entravé par les chagrins et le désespoir lassés de tant de paysages marqués par l'inconscience humaine à salir la terre que faisons-nous à ne pas vouloir ouvrir les yeux à courir à rêver d'argent
et de ce temps qu'on croyait précieux qu'avons-nous gâché de conversations futiles et d'occupations vaines à laisser s'enfoncer nos certitudes jusque dans nos chairs qu'avons-nous accepté de s'abreuver de leur promesses
sans voir que cette nature frissonnante de fragilité souffrait de nos excès de confiance en l'avenir
et toujours ce sentiment de ne pas être là où il faudrait dans le mauvais wagon du mauvais train dans la mauvaise gare prêt à partir pour de mauvaises raisons vers de mauvaises directions seulement attiré par le mouvement vers l'impossible
et bien sûr s'effrite chaque mouvement vers l'autre quand de solitude se remplit l'espace des ombres dans la fermeture des fenêtres quand le regard commence à poser les verrous de l'indifférence et que le soleil renonce lui aussi à réchauffer les mains tendues
et cependant dans la seule joie du présent naissant trouver appui dans l'ombre douce d'un poème de Siméon voulant parier encore sur la beauté de l'âme humaine pour ôter les boues de nos regards aveuglés par tant de violence
et ceci de sérénité de bienveillance et d'espoir évidemment que tout destin y aspire seule la parole partagée peut réconcilier mais les cyniques de la torpeur ne veulent pas d'une autre histoire le ciel bleu pas pour eux les aigris les jaloux prennent le désespoir pour de l'intelligence
et toi aussi tu t'ennuies toujours un peu trop loin de tes rêves regardant les gens passer sans savoir qu'ils pourraient bien te sauver de ces jours gris perdus à chercher des mots pour dire le sombre le noir tous les mensonges de ta mélancolie
5 juin 2022
j'arrive des ronces que j'ai semées en moi pendant toutes mes années toute eau repliée dans le paysage de mes émotions les larmes balayées le désordre dans la bouche en cris de chiffons j’avais trouvé dans la distance le meilleur point de vue sur le petit monde que je porte en moi au fond de quel vide parviendrai-je à rebondir
10 avril 2022
Hautacam
le silence de la hauteur
la hauteur du silence
et le vent qui chuchote
du sable du Sahara
a sali la neige
les touristes partis
l'herbe fatiguée se repose
*
jour
ciel bleu nu
et pourtant
j'ai froid
de tant de détresses
dans le monde
s'épuisent mes os
6 avril 2022
Ukraine encore et toujours
au dernier étage du pardon
un sous-sol bien noir
tapissé de vengeance
une mémoire gravée au burin
*
une demeure isolée dans les gravats
le piège du silence
après le départ de la horde
*
qui trouvera les mots
pour ce roman de courage
une fois la vague noire en allée
Boutcha, rue des cadavres
la lecture d'une brûlure
à jamais dans les mémoires
5 avril 2022
Ukraine encore
des humains comme des débris
le mensonge des bouchers
tuer, torturer, violer, détruire
atrocités toujours
le monde indigné
le printemps est là
mais il neige encore des bombes
4 avril 2022
Boutcha boucherie
vaine indignation
devant ces corps
d'un côté le monde ému
devant ces morts innocents
de l'autre le mensonge
qui l'emp
orte encore
30 mars 2022
je pressens la révolte du jour
qui s'en va fâché
de si peu de lumière
dans l'esprit des hommes
*
la libellule connaît bien
la lassitude des ruisseaux
à survivre malgré tout
l'égarement des hommes
*
au jour des certitudes passées
se dire que l'on devient vieux
*
Bernard Chambaz :
"la poésie n'est pas faite
pour initiés
surtout pas
quels que soient les oiseaux qui y volent
elle s'adresse à tout le monde
à priori
même si elle paraît ardue
mais tout le monde doit comprendre
qu'il faut être prêt à plonger dans le vide pour voler"
*
Sarajevo
Alep
Marioupol
comment renaissent
les villes exterminées
sans les humains
qui ne pourront y renaître ?
*
chercher la méthode
le chemin vers
le chemin vrai
le on déshabillé de ses émotions
de ses croyances
de ses préjugés
égale un on objectif
pour sortir de la caverne des certitudes
ce que l'on dit = ce qui est
véritable équation de la vérité
mais si ce que l'on ne dit pas est ce qui est
est-il mentir ?
si ce que l'on dit est ce qui n'est pas
ou pas tout à fait
est-il mentir ou inventer ?
28 mars 2022
émerveillement matinal
tombé dans le piège de la lampe
qui se prend pour la lumière du jour
y traquer le poème
*
toujours cette ornière de la religion
ses œillères si solidement ajustées
en Russie un patriarche qui prône la guerre
contre les "forces du mal"
contre "l'occident décadent"
à souffler sur les braises des prières
des pauvres croyants qui n'aspirent qu'à la paix
*
Poutine aurait-il lu Arendt ?
"Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n'est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien (...). Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d'agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez".
A moins qu'il n'ait lu cette citation sur internet ? Quand internet donne de mauvaises idées aux esprits pervers...
26 mars 2022
"Je n'ai pas mal, je suis mal"
A mi-chemin dans son marathon des chimios. Le corps très amaigri. Le regard si las, rêveur devant son pêcher en fleurs. Au bord de l'adieu. Le pas lent. La lumière éclipsée par le mal. La voix affaiblie, les mots qui ne sortent pas. Même son sourire n'est pas joyeux. Et puis préférer s'asseoir et prendre son visage entre ses mains. Et se perdre dans des pensées tristes. Et nous de nous battre contre les pressentiments.
*
Le mal d'un ami ne doit pas faire oublier le mal d'un peuple...
Bernard Chambaz :
"Si par définition il n'y a pas de mot pour dire l'indicible, il peut en être (des mots) pour en approcher. Sinon nous n'écririons pas.
Quoiqu'il en soit, aucun tourment n'aura son équivalent en mots. Dès lors, autant penser la poésie comme raid dans l'inarticulé, route France avec les moyens du bord, expédition dans des territoires déserts où le poème tente d'articuler (ou rejointer) quelques mots ensemble.
Alors le moindre mot peut devenir rayonnant c'est-à-dire émettre un rayonnement parfois fossile comme les astres déjà morts dont la lumière nous parvient seulement qui s'étend au vers ou à la phrase.
*
Pourquoi écrire tout ça le malheur des autres la misère humaine la guerre si détestable recopier les mots des autres pour dire l'indicible la souffrance que cela peut m'infliger de faiblesse de lâcheté à ne pas me battre contre tout ce noir ce goudron qui me colle aux pieds cette envie de plus voir de fermer les yeux sur mon petit bonheur impassible j'écris des mots que je regrette que je froisse avant de les jeter très haut à tous les vents pour qu'ils ne me reviennent pas parfois cela fait poème parfois non ça se bouscule se télescope les mots en tous sens non triés juste expectorés vomis j'ai mal aux mots quand ils sont impuissants contre la guerre contre le cancer d'un ami mes mots me font mal et m'empêchent d'avancer caillou à jamais dans ma chaussure il y a pourtant le ciel il y a pourtant les arbres même le chant du rouge-gorge ne réussit pas à me distraire de ces moments tachés de noir
25 mars 2022
Svetlana TRAGOCKAYA, poète russe (biographie ici
https://avoska-gazeta.ru/news/08-12-2021-17-20-43-vyazemskoy-poetesse-svetlane-tragockoy-ispolnilos-75-let.html) que j'ai connue grâce à un concours de citations, m'a envoyé ce poème de Leonid Kisselev, poète ukrainien
Un poète ne peut pas mourir
À l'hôpital ou à la maison au lit.
Et même dans le Caucase, au duel
Un poète ne peut pas mourir.
Un poète ne peut pas mourir
Dans un camp de concentration,
en prison faisant écho à la peur grondant,
Et même dans les convulsions collantes du billot
Un poète ne peut pas mourir.
Les poètes meurent dans les cieux
Leur haute chair ne connaît pas la pourriture.
Comme étoile filante, un signe de feu
Les poètes meurent dans les cieux...
Je lui répond en écho :
dans les décombres
des villes d'Ukraine
sous les gravats
des immeubles effondrés
sous les bombes
parmi les milliers de morts
Il y a peut-être des poètes
un poète ukrainien peut mourir
et avec lui les mots
qu'il vient d'écrire
à son amour
à son pays
à ce printemps sanglant
à défendre sa liberté
dans les colonnes de blindés
dans les avions
russes en guerre
partout en Ukraine
il y a aussi
des milliers de morts
Il y a peut-être des poètes
un poète russe peut mourir
et avec lui les mots
qu'il vient d'écrire
à son amour
à son pays
à ce printemps sanglant
à défendre on ne sait qui.
*
une clarté
survivra au fond du puit
un espoir
sortira de ce sombre tunnel
*
Cet hommage de Xavier Grall à Georges Perros :
"Nous étions de ces frères pudiques
Qui ne sont graves
Que dans les lettres et les cartes postales
Je l'aimais bien
Il m'aimait bien
Ça suffit"
Me fait penser que je n'ai point de frère ou de soeur pas plus en poésie que dans ma famille. A m'éloigner de tout groupe, à me méfier de toute association, je suis plus proche du vieux chêne au milieu de son champ que de mes congénères.
24 mars 2022
cette histoire brûlante
sous les bombes et sous le sang
ce massacre aveugle
et le monde qui s'émeut
cette histoire s'endormira
après quelques générations
à moins que les images
continuent de brûler les écrans
*
terriens
terrés en sous-sol
dans la terreur des bombes
terre est devenue folie
*
pense à la ville martyrisée
à la ville courageuse
droite et fière face à l'ennemi
à la ville piégée, assiégée, bombardée
à la ville souffrante, implorante
à la ville en sang, en larmes et gravats
pense à elle et ne l'oublie pas
pense à tous ces morts
par la folie d'un homme
23 mars 2022
pelouse à tondre
jardin à bêcher
dos à casser
*
Fatigué après ce travail au jardin, je m'assoupis avec ces mots d'Ezra Pound :
"Chaque lecteur devrait être un homme intensément vivant, et le livre, une sphère de lumière entre ses mains."
et ce début de poème de T.S.Eliot :
"Nous sommes les hommes creux
Les hommes empaillés
Cherchant appui ensemble
La caboche pleine de bourre"
Et je me dis que bien que sympathisant avec les fascistes, ces auteurs de la Lost Generation méritent d'être lu.
22 mars 2022
c'est le printemps
une guerre au loin
ici la destruction
de la grande maison de l'ancien maire
là-bas des immeubles détruits
ici des immeubles à construire
destruction construction
le rythme des saisons
c'est le printemps
la fin d'un passé
20 mars 2022
J’atteste qu’il n’y a d’être humain
que celui dont le cœur tremble d’amour
pour tous ses frères en humanité
Celui qui désire ardemment
plus pour eux que pour lui-même
liberté, paix, dignité
celui qui considère la Vie
est encore plus sacré
que ses croyances et ses divinités
J’atteste qu’il n’y a d’être humain
que Celui qui combat sans relâche
la Haine en lui et autour de lui
Celui qui,
dès qu’il ouvre les yeux le matin,
se pose la question :
Que vais-je faire aujourd’hui
pour ne pas perdre ma qualité et ma fierté
d’être homme ?
Abdellatif LAÂBI,
Je rêve le monde, assis sur un vieux crocodile, Editions Rue du monde
17 mars 2022
Je vois l'eau qui défile lentement comme l'âge vers son estuaire mortuaire. Je vois que les problèmes demeurent les mêmes. La confiance, la bienveillance, la solidarité ne sont toujours acquises, ni plus ni moins. Qu'il faut des formations, des séminaires pour apprendre à écouter, respecter, prêter attention à l'autre. Apprendre et toujours réapprendre le bon sens du cœur.
*
Loin de toi, je repense à mon non-enterrement tout près de la petite chapelle de Notre-Dame des Flots. Mes cendres répandues dans les buissons d'épines au bord du sentier. Avec vue sur la mer de ma chère Côte d'Emeraude. Un lieu de joie et de légèreté à offrir à mes enfants à la place des corvées du cimetière.
Je veux qu'ils se souviennent des bons moments, qu'ils profitent des belles journées à chaque saison pour venir ici. Ce très bel endroit que j'ai élu comme terre mortuaire à défaut d'avoir été ma terre natale. Je veux avoir autour de moi que des lapins, des hérissons et des oiseaux. Des chiens viendront sans doute y lever la patte et ainsi j'appartiendrai à leur territoire. Je veux qu'ils vieillissent sans le poids de cette lourde pierre devant eux. Je ne veux pas devenir une pierre. Je veux leur promettre la légèreté d'un vol de goéland. Je veux me plonger dans l'immortalité du lieu. Je ne serai plus là pour leur tenir la main mais ne veux surtout pas leur tenir l'esprit, juste une présence légère auprès de la chapelle blanche.
Ils reliront peut-être mes poèmes, ou pas. Ils auront leur vie. Je n'y serai plus. J'espère que je les aurai rendu heureux.
16 mars 2022
poussière du Sahara
plus légère qu'un pas de merle
mais qui sait sa colère
d'abandonner son territoire ?
posée délicatement
sur nos villes et nos bronches
le mariage de la légèreté
et d'une fin annoncée
*
Je doute d'avoir de quelconques certitudes et suis certain de mes doutes.
15 mars 2022
mon terrain de jeu
entre jachères et pépiements
jachères de mon esprit
à la recherche de mots enfouis
recouverts par les ronces du quotidien
pépiements de passereaux
à tenter de déchiffrer
pour en écrire le poème
14 mars 2022
les masques ôtés
visages retrouvés
changés un peu
par deux années soucieuses
*
"Quand l'ignorance devient la norme, la vérité quant à elle devient un péché."
Kateb Yacine
13 mars 2022
"Ces mots que tu graves
sur la feuille
ils naissent des lèvres
de la blessure"
ici Charles Juliet parle au tu de lui-même. Un tu aux accents graves. Un tu de souffrance. Un tu à ne plus taire.
Un tu "pour plus de lumière "
*
& des hommes qui pleurent
& des femmes résignées
& des enfants qui garderont en eux
la mémoire des caves noires
et de leurs jouets perdus
laissés dans les ruines de la blessure
dans les gravats du désespoir
*
La guerre est (malheureusement) un sport traditionnel. Mais la tradition n'est qu'un tunnel noir vers le passé. L'espoir n'est que dans le chemin inverse porté par la lumière d'une sortie.
*
que pense le merle du retour des pâquerettes ?
12 mars 2022
Balade au soleil printanier pour penser à l'ami malade plutôt qu'a la guerre. Les fleurs adoucissent les pensées. Mais on le sait luttant en silence contre ce mal cruel entre doutes et douleurs. La peur de s'engager dans la voie du cesser-d'être.
11 mars 2022
Il a fallu allumer la lampe. La pluie a dérobé toute la lumière. Le vent la jette sur les vitres. Moment Einaudi-Bobin. Le livre et la musique pour dire l'en-dehors qui pleut. L'en-dedans de l'émotion. L'à-travers de la mélancolie. Bobin explore l'outrenoir de Soulages. Je voudrais fouiller dans cette pluie pour y chercher un rapport avec la mélancolie. La pluie n'œuvre qu'à l'arrêt du temps. Elle a déjà fixé les limites du paysage. Chacun stoppe son pas, retourne à l'intérieur de ses états d'âme pour laisser passer l'averse des larmes contenues dans les notes de musique. La pluie nous ramène à notre juste dimension : n'être rien. Ne pas être en mesure de stopper ou accélérer cette giboulée. N'être rien qu'un humain à trop réfléchir. Là-bas la guerre déverse sa boue plus sale encore que toutes les boues. Un noir sali par la folie des hommes. Et moi je voudrais bavarder avec la pluie.
Quel peintre pour la pluie ? Quel peintre pour le transparent ? Quel musicien pour interpréter la pluie sur la vitre ?
*
J'ai fini ma journée. Une journée ne peut se finir sans quelques mots écrits. Une journée ne peut pousser sans quelques poèmes semés la veille.
10 mars 2022
Les portes ne tiennent plus debout. Des pas hésitant traversent des portes qui ne tiennent plus debout. Des portes hésitent à s'effondrer sur les passants qui tiennent encore le coup. Les portes ne portent plus rien, même pas la lumière du jour. Ni même le son des cris et des pleurs.
Les fenêtres n'ont pas tenu le coup de feu. La lumière hésite encore. Son pas tiendra-t-il dans la folie des nuages ? Les fenêtres sont aveugles et pourtant voient bien le malheur entrer dans la ville.
Les murs ont délaissé les portes, les fenêtres. Ont délaissé le pas des vivants fuyant. Les murs aussi sont des victimes. Les murs en viennent à détester leur destin et même devenus gravats continuent à plaindre les survivants et à s'excuser d'ensevelir des corps.
9 mars 2022
"De quoi souffres-tu ?
De l'irréel intact dans le réel dévasté."
René Char in Le Nu Perdu, 1971
8 mars 2022
je regarde des images
des images sans le son
des images du chaos
des larmes coulent sur des gravats
et les gravats recouvrent les larmes
je ne vois pas la mort c'est pire
je la ressens
comme si j'étais sur place
dans l'agonie d'un espoir qui meurt
je ne vois que de l'encre noire
versée dans les mémoires
7 mars 2022
marie-pierre et sa météo
annonçant bise de nord-est
comment un mot est-il si froid
si chaleureux en même temps
*
qu'elles nous font mal en ce moment
les nouvelles qui viennent d'est
*
deux hommes fâchés aux cent mots
vérité absolue des causes
du mal insupportable
liberté écrasée au pied
*
ici les immeubles
tiennent encore debout
6 mars 2022
j’observe
j’essaye de comprendre
ce futur
que tracent les oiseaux
dans un ciel aussi chargé
*
voir des bombes
dans le gui des arbres
mon pas dérangé
par des images lointaines
*
la folie d'un seul homme
de quelle secrète enfance
a-t-il souffert ?
alors le bien prédit
s'est abattu
sur un pays martyr
*
la survie
n'est pas vivre au-dessus
ni vivre mieux
la survie
cette forme de
sous-vie
*
deux peuples frères
des relations reniées
tout un héritage
jeté à terre
*
ce soir pour m'endormir
j'attendrai ta main
ton corps contre le mien
pour garder confiance
sans rien te dire
de tout ce noir
5 Mars 2022
on n'imagine pas
les ruses d'une étoile
pour me parler de toi
trois vers de six
*
depuis des années
tes lèvres aux éclats riant
pour tout univers
t'embrasser dans le haïku
*
vieillir se désaccorder
les chutes et rebonds
de Jacques Roubaud
me prouvent que non
*
encore ce soir
le crépuscule se dérobe
derrière la guerre
3 mars 2022
Le sang ne fait pas un bon engrais pour la terre. Elle se gorge alors de ressentiments qui activent la poussée des adventices de vengeance et de haine.
*
Il y a la guerre, il y a la pluie. Il y a des larmes à la télé. Il y a Cat Power, May be not. Il y a la playlist Tristessances. Il y a la vie qui défile. Il y a l'âge qui envahit le corps. Il y a tout ça en moi. Tout ce dégoût des hommes qui placent l'argent et leur fierté au-dessus de l'humain et que j'essaye de combattre avec des mots, des rêves, les Océans d'Yves Simon.
28 février 2022
Plus rien ne tourne rond. Peut-être la planète Terre et encore, jusqu'à quand ? On a beau faire le tour de l'actualité, rien ne va bien. La guerre en Ukraine, une campagne électorale médiocre, une gauche encore plus médiocre, une droite pas mieux, l'extrême droite qui avance, le climat dont tout le monde se fiche, les prix qui augmentent, etc.
A quand l'occupation des rond-points pour dire STOP à la connerie ? Pour dire Place à la bienveillance. Intelligence, amour et paix. Hippie, hip hip hip hourra ! De la rondeur que diable dans les relations ! Si toutes les bonnes volontés voulaient bien cesser de serrer la main des semeurs de haine.
27 février 2022
Refuser de vieillir. Se croire plus fort que le temps alors qu'il est en train d'aiguiser sa lame. Se donner l'illusion que l'on reste jeune. Tous ces insurgés de l'âge qui s'habillent comme des jeunes me font pitié. Bien sûr mal vieillir et mourir font peur mais refuser le destin n'y changera rien. Refuser de vieillir ou se voiler la face pour ne pas voir la réalité en face. Refuser le combat. Fuir.
26 février 2022
Les vieux de ma jeunesse étaient toujours riches de pleins d'histoires. Ils avaient souffert, connu des guerres, des drames, eu des enfances difficiles, avaient fait les quatre cents coups. Ils avaient exercé des métiers pénibles, certains à la mine, d'autres en usine, d'autre encore à cultiver la terre, à arpenter l'océan. Ils étaient ridés et leurs mains auraient pu parler pour eux de leur passé de travail.
Ils racontaient des histoires de combats, de lutte, d'aventures, de douleurs, de peines ou des petits plaisirs dont ils se satisfaisaient faute de mieux. Ils n'hésitaient pas à formuler des conseils pour ne pas répéter les mêmes erreurs. Parfois, ils prenaient un air sérieux pour nous conter les légendes qu'eux-mêmes avaient entendu dans leur enfance. Ils avaient appris à tout faire. Ils savaient jardiner, bricoler, réparer, construire. Et tout cela avec jugeote et bon sens.
Nous les écoutions, satisfaits de n'avoir pas à vivre de telles difficultés. Leur courage nous impressionnait. L'aurions-nous été autant à leur époque ?
D'autres plus gâtés par la vie avaient travaillé dans des bureaux, avaient profité de leur argent pour s'aventurer dans des pays lointains où peu de voyageurs avaient mis les pieds. Ils avaient connu des gens célèbres, avaient lus des livres aux histoires extraordinaires, certains en avaient même écrits. Ils avaient vu des spectacles dont ils parleront longtemps à leurs petits enfants. Eux aussi savaient raconter. Ils avaient pu profiter du progrès en pouvant se payer les derniers appareils et matériels dès leur sortie.
Serons-nous à la hauteur de ces anciens ? Aurons-nous assez vécu de moments difficiles pour être en mesure d'apporter des conseils à nos petits enfants ? Ces générations futures n'auront peut-être pas la même vie facile comme nous. Oserons-nous leur dépeindre notre bonheur de vivre en paix, sans véritable drame, avec des joies de voyages, de spectacles, de restaurants ? Donnerons-nous envie à nos petits enfants de rester à nous écouter ? Qu'aurons-nous comme légendes à leur conter ? Aurons-nous assez vécu ?
25 février 2022
Je regarde l'heure. J'ai beau la regarder bien en face, je lui trouve un air fuyant, comme si elle avait quelque chose à se reprocher. Je ne parviens pas à bien capter l'expression de son regard toujours en mouvement, tout comme ces gens peu sûrs d'eux et complexés. Alors que ce n'est certainement pas le cas, l'heure est plutôt du genre à s'affirmer et à se sentir supérieure. N'est-ce pas elle qui fait se lever des millions de personnes le matin pour aller au travail ? Même si c'est en renaclant, tout le monde obéit et sort de son lit.
Je regarde l'heure. Je ne lui fais pas confiance. Elle veut toujours imposer son pas. Avec elle il faudrait toujours aller de l'avant, jamais s'arrêter ni même reculer. Trop rigide pour accepter le dialogue.
Je regarde le temps. Pourtant au beau fixe. Lui aussi me parait fragile. Il n'avance pas aussi franchement que je le souhaiterais. Je ne suis pas certain de pouvoir compter sur lui.
Je regarde l'heure. J'ai peur qu'elle m'échappe. Que, fuyante, elle me glisse entre les doigts. Je regarde l'heure et j'attends. J'attends l'heure mais je sais qu'elle ne m'attendra pas.
24 février 2022
Les mots ont perdu. Les mots n'ont plus aucune valeur. L'argent impose sa loi au mépris des valeurs humaines. La manipulation de l'information de totale mauvaise fois est à l'œuvre en Russie. Les premiers sangs coulent déjà sur les mains du président dictateur général. La guerre, la défaite de l'intelligence. La victoire de l'instinct primaire de l'homme.
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Je préfère aller marcher. Le ciel d'ici est bleu avec quelques nuages mais aucun missile en vue. La nature est le repos et le répit que je souhaite. L'air frais voire froid, huit degrés avec un ressenti de six à cause du vent de noroit, n'empêche pas les rouges-gorges de s'en donner à cœur joie, je devrais plutôt écrire à "chœur joie", pour chanter dans les arbres du parc du Chêne Joli. Pour peu je me verrais bien chanter avec eux pour faire sortir tout ça. Cette angoisse de vivre sur la même terre que ces cons.
23 février 2022
J'ai froid à mes idéaux
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La poésie évoque, invoque, convoque facilement, il lui reste à provoquer, combattre et survivre.
22 février 2022
Les vieux artistes vivent dans les mots. Ils continuent de créer avec de l'encre, de la peinture, de l'argile ou de la ferraille, du bois de la pierre, un piano, une guitare. Ils continuent de créer des objets avec les mots qu'ils ont dans la tête. Ils survivent par les mots qui les entourent. Dans leur maison, la lumière entre timidement, sans faire de bruit, sans vouloir déranger. Les étagères sont remplies d'ouvrages de littérature, d'histoire, d'art, de correspondances, de souvenirs. Aux murs des affiches, des gravures, des photographies encadrées, des souvenirs, leur oeuvre. Par terre, en désordre, quelques ébauches dans des cartons à dessin, des revues. Le désordre est leur compagnon dans la création. Toujours déranger les idées. Ne pas classer, se faire télescoper les étiquettes, ne s'interdire aucun accident.
Ils se lèvent tôt pour créer ce qu'ils ont imaginé dans leurs insomnies. La nuit ils sont libres de se lever pour admirer la lune. Les projets les maintiennent en éveil. C'est cela qui les fait tenir dans un monde qu'ils ne parviennent plus toujours à comprendre. L'important pour eux est de ne plus avoir à connaître la guerre et conserver leur petite santé. Un chat traîne certainement sa nonchalance autour du canapé. Les livres sont partout. La télévision est éteinte, elle n'est que rarement allumée. Ils préfèrent s'informer par leur journal auquel ils sont abonnés depuis cinquante ans. La nature en pleine ville ou à ses abords leur offre un meilleur spectacle propice à la création. Une mésange viendra-t-elle se poser sur l'épaule de l'homme qu'il redeviendra petit enfant avec ses crayons de couleurs.
Ils ont eu une vie difficile mais ne s'en plaignent pas. N'ont jamais eu d'enfants. Elle n'a aucun regret, considère terrifiant le destin humain. L'ombre est un moteur dans leur travail. L'encre noire vient éclairer leurs mots et dessins blessés. Tout leur esprit est tourné vers le futur. Créer toujours et encore, peut-être même plus. L'escalier pentu qui mène au grenier-atelier ne les rebute pas. La montée et la descente sont prudentes, la rampe fermement tenue. Pris par le temps qui leur échappe, ils baignent dans une frénésie de tentatives d'exploration d'espaces inconnus, de nouvelles pistes à défricher en eux. Ils ne craignent pas d'affronter l'ombre qui hante leur vie depuis la guerre. Ils la transforment en créatures oniriques ou bien en entrelacs de branchages entravant la vision.
L'art et la tendresse, la promesse d'une longue vie ?
19 février 2022
Des mots j'en connais. Des mots des noms j'en ai pleins. Des que j'ai appris de la bouche de mes parents. Des que j'ai retenus par cœur à l'école. Des que j'ai découverts dans le dictionnaire. Des que j'ai devinés dans les mots croisés. Des qui viennent d'autres pays. Des qui ont été prononcés à la télévision ou bien chantés à la radio ou bien écrits dans les journaux. Des que j'ai lus. J'en ai pleins qui viennent de livres. D'autres de l'internet. Des qui ont été joués au cinéma, déclamés au théâtre. Des qui ont été tagués sur les murs. D'autres sur des affiches déchirées ou des panneaux lumineux. Des mots sanglots longs, des mots fureur et mystère, des mots qui nourrissent et qui apaisent... Des mots tordus et des mots doux.
Des mots des noms j'en connais pleins. J'en ai même façonné. Des mots, des noms, nom de nom que oui j'en connais. Mon cerveau est rempli de mots. On ne se débarrasse pas des mots comme ça. Les mots sont collants. Ils s'accrochent à nous autant qu'on s'agrippe à eux. Les mots font des titres, des slogans, des manifestes, des courriers, des plaquettes de communication. On les pétrit, on les malmène, on les recycle, on leur fait dire le contraire de ce qu'ils pensent. On exploite leurs faiblesses pour leur faire dire n'importe quoi. Il y a même des mots qui ne disent rien d'autre que des mensonges. Les mots ne sont pas francs. Écrire c'est domestiquer leur fourberie.
Des mots j'en connais, j'en étale un peu partout. J'en perds souvent dans le désordre de mon esprit. J'en sème à tous vents sur les réseaux. Poèmes-bouteille dans l'espace pour les visiteurs du futur. Les mots ne seront sans doute plus les mêmes. La poésie sera-t-elle toujours poésie ?
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Je cherche en rond. Je cherche profond. Je recherche dans mes idées celles qui pourraient s'aligner en poème. J'explore, j'exploite. J'active mes neurones à expliquer le monde détraqué en moi. J'avance en cherchant. Je triture et torture les mots. J'arrange, dérange, rerange, ordonne, desordonne, coupe et colle. Je les fais tourner en rond, à toute vitesse, comptant sur la force centrifuge, pour en extraire l'essence.
10 février 2022
Que les vents soient sincères ou non ils portent en eux l'extrême souffrance d'être invisibles.
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Février et ses bouquets de vents se jouant des goélands, s'en prenant jusqu'aux pierres. Février et la pluie qui s'implique dans le parfum de la terre. Février et dans son combat contre la mer le vent n'aura pas triché.
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Un jour les hirondelles se fâcheront contre notre incapacité à ne pas polluer et iront voir ailleurs.
7 Février 2022
On découvre assez tôt l'esprit de compétition, la loi du plus fort, mais où apprendre la loi du plus bienveillant (un concept qui n'existe même pas), les sentiments d'empathie, d'amitié et de solidarité ?
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Qu'il en soit pour le soleil comme il en est pour tous ces noms qu'on grave sur la pierre mortuaire immortelle, qu'il demeure en nous plus qu'un souvenir, une énergie.
2 Février 2022
Quelques poèmes rétro-éclairés sur des petites tablettes qui servent aussi à s'informer sur le temps qu'il fera ici ou là, sur l'actualité des faits divers, de la politique et des faits divers de la politique, des petites phrases pour de grandes causes, des résultats de l'équipe de sports divers d'ici où là, des chiffres sévères de l'économie (la trinité infernale croissance - inflation - chômage), s'informer du monde qui va mal mais pas du voisin en mauvaise forme.
31 janvier 2022
La tourterelle sur la branche nue éternise son chant à trois syllabes. Est-ce appel, plainte ou prière
entendu en haut du cerisier ? Il y a bien longtemps que les dieux écoutent les oiseaux et déchirent toutes les prières qui lui parviennent des hommes.
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Retrouver cette joie de silence avec les mots qui coulent aisément au bout des doigts. J'aimerais que ne finisse jamais ce temps du plaisir à s'émouvoir d'un poème en construction.
29 janvier 2022
Je n'ai jamais rien compris aux mathématiques alors justement écrire un poème avec la théorie des grands ensembles bien ordonnés, un argument diagonal, des segments emboîtés, l'hypothèse généralisée du continu, la théorie des langages formels, congruentiels, des corps communatifs et des polynômes cyclotomiques... et tout çà pour ne rien dire... ou peut-être juste faire comprendre que les nombres ne sont pas ennemis des mots.
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aucun vent
les nuages sont chez eux
installés confortablement
à nous observer
se mettront-ils en colère ?
26 janvier 2022
être là figé
à consumer des poèmes
comme l'encens
autour du cercueil
de mon inspiration
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Prose avec rien d'ex dedans
A force de trituration les images deviennent des mots. L'effort est de plus en plus difficile. Les voitures qui passent ne font que me distraire. Elles passent et moi je les fais repasser pour distraire mes mots, soustraire mes pensées aux us quotidiens. Il me faut écrire ce besoin vital de rédiger des phrases insensées pour des lecteurs inexistants. C'est dans l'ardent de la fièvre que les mots trouvent un sens. Alors continuer à faire le tri dans mes tribulations trituratoires. Les voitures passent et ne me sont d'aucun transport.
Parfois j'attends. Parfois longtemps. J'attends l'heure où les images disparaissent en moi pour mieux les voir rejoindre la partie oubliée de mon enfance. L'enfance, cette seule piscine où j'aime à replonger. Rien d'extraordinaire là-dedans. Rien d'extra non plus. Les mots raccourcis s'amaigrissent de leur sens. On voudrait tout diminuer, tout résumer. Aller plus vite. Rien d'ex là-dedans. Rien d'ex dans ces mots qui ne viennent pas. Encore une enfance qui n'est pas au rendez-vous.
25 janvier 2022
quelques corbeaux
leur vol autour
désormais fulgurance
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devant le soir
la pierre seule
sait parler du silence
20 janvier 2022
Écrire pour attraper le monde par le col et le pousser fermement à ouvrir les yeux sur les dangers tapis dans les recoins du présent et prêts à jaillir.
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Écrire n'est jamais qu'une tentative de transhumance vers les mondes inconnus à découvrir en soi-même.
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Dans nos messageries, gavées de cordialement et d'amicalement, se perd la vérité d'un vrai dialogue avec les yeux comme juge de paix.
16 janvier 2022
Depuis hier la brume recouvre le paysage et masque l'église. D'ici, elle ne trône plus au milieu du village. Ce repére disparu, j'aime savoir cette direction ainsi cachée. Liberté de ne pas se laisser emmener vers la religion. Retour de la croyance à sa place : dans le brouillard, alors que la science elle mène à la lumière.
Toutes ces brumes ne donnent pas forcément le moral. Alors je me rapproche du peintre japonais Kawaï Gyokudo et ses paysages de montagnes sur soie. Chez les chinois, j'ai une tendresse particulières pour les pies de Xu Beihong (symboles du Yin et Yang) sur des branches de pruniers fleuries, plus que ses chevaux galopant qui pourtant ont fait sa célébrité.
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L. amaigri L. triste L. faible L. dans ses pensées lumière luxe absent dans son regard rythmique hebdomadaire (traitement traitement pause traitement) ne pas y échapper pas éviter et vitae et vital chimio
quel pas pour empr(einte)unter le chemin escarpé de la guérison guère d'espoir sinon guerre contre soi contre le corps encore souffrant prendre les mots amis pour argent comptant ou pas(mais quel pas?) gaiement rire guérir quérir le moindre espoir dans l'étincelle d'un œil ami courir après ce qu'on nomme destin
15 janvier 2022
Je m'efforce d'écrire des mots (les miens et d'autres). Mais une fois écrits, ils ont du mal à s'agencer, à s'organiser autour d'un thème unique. C'est comme si je n'osais pas, de peur de les affaiblir en les regroupant. Enregistrés ces mots me fuient, m'échappent, me débordent. Je ne parviens plus à dominer mon propos. Je ne trouve pas l'équilibre entre chaque poème, mais pas plus le déséquilibre qui en ferait un ouvrage à multiples entrées.
14 janvier 2022
Je me souviens l'avoir vue chez Pivot. Elle avait mon âge dix-huit ans. Et déjà publié un recueil de poèmes aux éditions JC Lattes. Sous son charme, j'ai acheté ce livre Premiers Instants et suis tombé sur une poésie moderne, inventive. Des mots que je n'avais pas l'habitude de lire. J'ai compris que c'était comme ça que je voulais écrire. Quelques temps plus tard je lui ai même écrit chez son éditeur pour lui dire que j'avais aimé ses mots. Elle m'a répondu en m'envoyant son second recueil A l'envers des jours. Elle s'appelait Perrine Bize. Et c'était mes premiers instants de poésie, ma période romantique.
Quelques années plus tard, grâce à internet, j'ai découvert qui elle était vraiment. Une héritière de la famille Bize-Leroy, bien connue en Bourgogne, propriétaire du domaine de Romanée-Conti. Je me suis interrogé, comment une jeune femme promise à un avenir si doré pouvait-elle écrire de cette façon si sensible ? Et je m'interroge toujours, continue-t-elle d'écrire ? A-t-elle un peu de temps pour sortir de ses affaires pour lire des poètes ? Pour ses lectures, doit-elle se contenter des livres de comptes ? Avec sa fortune, n'a-t-elle pas perdu sa capacité à s'émouvoir de "l'éclat des mots mots / en longs traits d'aube" et du "petit matin / flou de brouillard / et de sommeil" ? Ne regrette-t-elle pas de n'avoir pas continué à publier ses poèmes ?
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Juste en levant les yeux être avec son corps à soi, son être propre, ressentir le silence des sangs, l'essentiel
6 janvier 2022
Des mots en étincelles pour étouffer les cendres de la mélancolie. Il fait soleil et les mots m'arrivent en nuages. Je maudis cette encre grise qui se déverse en moi. Le cancer, la mort, qui nous entourent, y a-t-il un passe pour en réchapper ?
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Je veux une solitude entourée. Être seul dans la compagnie humaine. Seul avec. Avec les autres et avec moi-même et mes idées saugrenues qu'il m'arrive de transformer en poèmes. Une solitude partagée avec les mots mais pas que. Il me faut de l'humain pour me nourrir. Anthropophagie non, paroles ou pensées échangées oui. Regards muets, coups de gueule ou rires tonitruants. Et l'amour bien sûr. Tout ça source de mots dans la chaudière du poème. Sans carburant le moteur s'éteint.
Laura Vasquez évoque la poésie comme une forme de chimie, en ajoutant une "substance en contact avec telle autre". Moi je la vois plutôt comme une mécanique, quasi horlogère avec ses rouages, ses accélérations, ses détours, ses pannes aussi parfois. La solitude est l'un de ces rouages.
La solitude, dans la mécanique du poème.
3 janvier 2022
Retour au fondamentaux, à la base. Le pied, le socle, le lien à la terre. Le pied aussi, le rythme du pas, le pied du vers de poésie. Mes pieds ne sont pas assez puissants. Pieds d'argile et même pas colosse. Pieds trop fins, même pas capables de danser. Pieds mal-tombants. Instables, mal-assurant. Faisant s'écrouler tout ce corps poétique qui prend forme en mes cellules.
Cette poésie chevillée en moi, fixée solidement à ma colonne vertébrale, mérite un socle plus robuste. Muscler tout cela, assouplir les attaches. Revenir à mes bases pour me grandir.