Le dépôt
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Parole sphérique des hortensias
Aux pieds d'ardoise pilée
Ponctuée de lys
Rire incisif des feuilles
Langue à peine déroulée
En devenir
Sur l'écho de la pierre
Le soleil chauffe doucement
Tamisé de vigne
Les volets rouges
Nous regardons les heures
Nos voix se tissent
Invisible métier qui s’ignore
Veillée des millénaires qui s'étire au cercle faussement clos du clan
Un bois qui craque
Entre feu et faiseuses
Ce que la peau transmet au soir qui vibre
Deux enfants blondes
Tournent leurs cris en source claire
L'herbe est haute
Abri des mondes que le verbe a portés
Comme la chatte a mis bas
À l'ombre du sorbier
***
Des plantes
J'ai l'opiniâtreté chlorophyllienne
Croissance résolue vers la lumière
Malgré ce qui enroule ce qui Étouffe ce qui Tente
Extension expansion
De proche en proche
Filant
L'âme assoiffée
De boire une rosée solaire
Perlée de nuit
***
Reprends
Le tempo lent
Dort sous les souvenirs un blues inentamé
Reprise
La mélodie des jours
Les notes une à une sur le tissu déchiré du temps
Fil ténu la toile menace se défaire
Les articulations l'ennui
L'ont élimée
Forces de frottement invisible
L'air forme résistance
Fumée de cigarette
Volutes
Solidifiées
Autour d'un cendrier de bronze noirci et martelé
Fais-les fondre pour moi
Descendre au labyrinthe retrouvé ou perdu
Nos ombres en double-croche
Les parois
Partitions et refuge
Je ne sais pas jouer du piano
Mais l'ivoire synthétique saura chanter pour nous par charité païenne
***
Du papier d'Arménie
Se consume
Lentement
Mon infrangible ami
Je tanguais doucement quand tu jouais
M'endormais
Dans l'hiver d'une île plate
Veillé
Et mon âme dans le sommeil chantait
L'année tournait
J'étais heureux
***
Les rues là-bas sont étroites
Les murs pierreux à angle droit
Cherchent à nous retenir
Nous marchions aux marais
Eau rase sous le ciel ras
Encapsulant la brume et un soleil saigné
Héron sur un poteau
Migration intérieure
Et l'été dormait loin
N'était pas mort pourtant
Dans ce sel qui palpite attardé sur la peau
Pour nous être endormis
Sur les os
Des montagnes océaniques
Pour avoir respiré la mer
Par-dessus les remparts
Citadelle en étoile Herbes sèches
Tout revient en mémoire
Le corps n'oublie pas
Souvenir berçant un souvenir
Les saisons se surimpriment
Nous étions blonds je crois
***
La nuit s'invitait tôt
Tu lisais
J'écrivais
Le matin nous dansions
Et rêvions au goûter
Dessous les couvertures
Une vie de parenthèses
Tout calfeutrés de laine
***
Bien des étés plus tard
Le long du fleuve
Allongé face
Tutoyant l’onde
Je me suis endormi
Déshabillé enfin des exigences du temps
La Seine a emporté les scories
Du doute et l'égo
Sans artifice à colmater le vide son vertige
Et sur les pavés chauffés d'un clair soleil d’avril
Tout
Fut aboli
***
Quelque chose se vit qui n'est pas moi
Se détache – plus moi –
Le long du fleuve glisse · en allé
Ne plus s'inquiéter
Je sais · sans bien savoir · pourquoi
Aluminium froissé
Picoré de mésanges
L'eau le guidera où il faudra
Le retour ne se pense pas ni · l’arrivée
Nacelle d'osier
Lourde de mille vies · enfin · légère
L'eau accueillera cette parcelle
Détachée
Au silence de sépale
Ses cent mille bras
Méandres amants
Jamais deux fois
Je ferme les yeux
L'air s'écoule des poumons
Cristal soufflé poudré de sable
L'abandon tendre
Une trouée
Et demain sera clair qui nait · déjà Dans la chair ouverte de l’instant
Un murmure vibre enfin
Râpeux d'abord dans la bouche qui s'éveille · rincée de nuit · à peine
Et c'est alors · seulement · la piste retrouvée
– exsangue rendu muet dans l'asphyxie des jours
j'avais figé le monde au dedans
cousu ma peau comme un linceul
agrafé à l'envers de sourires vides –
La route était si longue
Si lente semée d'ornières
De peurs rapiécées dans l'attente –
Sur les flots · voguent · des poutres empaquetées
Jamais plus je ne marcherai dessus
Qui passeront sous des ponts
Qu'importent les carrefours fluviaux
Laisserai aux haleurs laborieux
Le souci La veille · incessante de l'allure
Comme il faut
Et d'un caillou poussé du bout de mon pied nu
Je fais des ronds dans l'eau