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blanche

Le dépôt

AUTEUR-E-S - Index I

52 - Johan Milan Heude

poème poème poème poème poème poème poème poème

Parole sphérique des hortensias

Aux pieds d'ardoise pilée

Ponctuée de lys


Rire incisif des feuilles

Langue à peine déroulée

En devenir 

Sur l'écho de la pierre


Le soleil chauffe doucement

Tamisé de vigne

Les volets rouges


Nous regardons les heures

Nos voix se tissent

Invisible métier qui s’ignore


Veillée des millénaires qui s'étire au cercle faussement clos du clan


Un bois qui craque

Entre feu et faiseuses

Ce que la peau transmet au soir qui vibre


Deux enfants blondes

Tournent leurs cris en source claire

L'herbe est haute


Abri des mondes que le verbe a portés

Comme la chatte a mis bas

À l'ombre du sorbier


***

Des plantes

J'ai l'opiniâtreté chlorophyllienne


Croissance résolue vers la lumière

Malgré ce qui enroule ce qui Étouffe ce qui Tente


Extension expansion 

De proche en proche

Filant

L'âme assoiffée

De boire une rosée solaire

Perlée de nuit


***

Reprends

Le tempo lent

Dort sous les souvenirs un blues inentamé


Reprise

La mélodie des jours

Les notes une à une sur le tissu déchiré du temps


Fil ténu la toile menace se défaire

Les articulations l'ennui

L'ont élimée

Forces de frottement invisible 


L'air forme résistance

Fumée de cigarette

Volutes

Solidifiées

Autour d'un cendrier de bronze noirci et martelé


Fais-les fondre pour moi

Descendre au labyrinthe retrouvé ou perdu

Nos ombres en double-croche

Les parois 

Partitions et refuge


Je ne sais pas jouer du piano

Mais l'ivoire synthétique saura chanter pour nous par charité païenne


***

Du papier d'Arménie

Se consume

Lentement


Mon infrangible ami

Je tanguais doucement quand tu jouais

M'endormais

Dans l'hiver d'une île plate

Veillé


Et mon âme dans le sommeil chantait

L'année tournait

J'étais heureux


***

Les rues là-bas sont étroites 

Les murs pierreux à angle droit

Cherchent à nous retenir


Nous marchions aux marais

Eau rase sous le ciel ras

Encapsulant la brume et un soleil saigné


Héron sur un poteau

Migration intérieure


Et l'été dormait loin

N'était pas mort pourtant

Dans ce sel qui palpite attardé sur la peau

Pour nous être endormis 

Sur les os 

Des montagnes océaniques

Pour avoir respiré la mer

Par-dessus les remparts

Citadelle en étoile Herbes sèches


Tout revient en mémoire 

Le corps n'oublie pas

Souvenir berçant un souvenir

Les saisons se surimpriment

Nous étions blonds je crois


***

La nuit s'invitait tôt

Tu lisais

J'écrivais

Le matin nous dansions

Et rêvions au goûter

Dessous les couvertures

Une vie de parenthèses

Tout calfeutrés de laine


***

Bien des étés plus tard

Le long du fleuve

Allongé face 

Tutoyant l’onde


Je me suis endormi 

Déshabillé enfin des exigences du temps

La Seine a emporté les scories 

Du doute et l'égo

Sans artifice à colmater le vide son vertige


Et sur les pavés chauffés d'un clair soleil d’avril 

Tout

Fut aboli


***

Quelque chose se vit qui n'est pas moi

Se détache – plus moi –

Le long du fleuve glisse · en allé


Ne plus s'inquiéter

Je sais · sans bien savoir · pourquoi

Aluminium froissé

Picoré de mésanges

L'eau le guidera où il faudra

Le retour ne se pense pas ni · l’arrivée


Nacelle d'osier

Lourde de mille vies · enfin · légère

L'eau accueillera cette parcelle

Détachée

Au silence de sépale


Ses cent mille bras

Méandres amants

Jamais deux fois


Je ferme les yeux

L'air s'écoule des poumons

Cristal soufflé poudré de sable


L'abandon tendre

Une trouée

Et demain sera clair qui nait · déjà Dans la chair ouverte de l’instant


Un murmure vibre enfin

Râpeux d'abord dans la bouche qui s'éveille · rincée de nuit · à peine

Et c'est alors · seulement · la piste retrouvée

– exsangue rendu muet dans l'asphyxie des jours 

       j'avais figé le monde au dedans

       cousu ma peau comme un linceul

       agrafé à l'envers de sourires vides –


La route était si longue

Si lente semée d'ornières

De peurs rapiécées dans l'attente –


Sur les flots · voguent · des poutres empaquetées

Jamais plus je ne marcherai dessus

Qui passeront sous des ponts 

Qu'importent les carrefours fluviaux


Laisserai aux haleurs laborieux

Le souci La veille · incessante de l'allure

Comme il faut

Et d'un caillou poussé du bout de mon pied nu

Je fais des ronds dans l'eau