Le dépôt
Hara-kiri d'un coup de plume (seppuku poétique)
Hara-kiri d’un coup de plume (seppuku poétique)
quand tu te tues
tue-toi
tue toi fort.
ailes déployées.
fait beauté de ton geste
hara-kiri d’un coup de plume.
tue ton poème
efface-lui le point final
son sanglot d'encre.
tu sais
la neige est parfaite ici
même en été.
montagne parfaite
tigre parfait
dents de sabre sur la gorge.
ne laisse que ton sang sur le blanc manteau
en signature
baiser du dragon.
baise(r) de la mort qui tue. Tue-toi comme il se doit
car l’on ne meurt qu’une fois.
l’on meurt plusieurs fois et dans plusieurs couleurs.
l'on fane de saison.
l'eau chaude du thé a ranimé le jour
le matin s'étire
la circulation du sang reprend.
la nuit titube sur le chemin
je la vois depuis le tatami. Une goutte
coule.
ci-gît
buée sur la vitre.
rayures d'ombres sur le volatile
c'est le soleil freiné par sa prison.
l’oiseau éteint dans sa cage
son corps muet déjà loin mélancolie
son tu s’est tué. Son
son s'est tu.
barreaux de bambous
graines parsemées
et le poing fermé sur l'or de l'univers.
le seppuku est d’époque
le siècle est à décapiter
le billot notre cœur.
et le bourreau aiguise sa hache. Tranchante
comme l’heure de la nuit.
tue-toi sous le ciel étoilé et tutoie les astres
la lame guérie
le katana console.
la larme à l’œil
l’arme à gauche
gratis.
le jour où ton cœur joue zombie
il est temps.
le sexe éclairé par un rayon de lune, las. L’amour
pendu au gibet des ruelles. L’amour
soupir.
palpe le palpitant là sous la chair
sous la douce brise d’avril. Déjà
on t’attend quelque part hors de ce monde.
on t'attend de la même façon qu'avant ta venue
sans t'en témoigner une once. L'engourdissement
est la marque de l'âme.
tue-toi un matin banal d’automne
pendant que le camion-poubelle passe et que
les feuilles mortes dansent dans le vent
malgré leur fin.
cadavres rouges sur les dalles amortissent
le pas des ombres qui fuient vers leurs
déjeuners
loin de la confidence de ta sortie.
tue-toi comme on mange une pomme
comme
on coud dans son cœur
sa propre chute.
rien ne nous attend de l'autre coté
de la plume.
rien.
mes rêves et mes boyaux
dans l’allée du jardin enneigé
telles les chaussettes sur le canapé
que tu me reprochais tant.
je
faute de gout
massacre l’harmonie des nuances.
le pinceau caresse ma carotide.
le pinceau caresse ce paysage que j'entrevois
par la fenêtre depuis plusieurs jours
prostré sur mon futon.
je ne peux rien avaler. Je me vide
et tu n'es plus là. Je rampe
sur le sol toutes les heures.
un tas de neige tombe, un oiseau
s'apeure et s'évanouit. Rien de plus
beau aujourd'hui.
le seul silence du monde se trouve
dans la chute des flocons. Tout le
reste n'est que bruit.
le souvenir de ta peau. Sa douceur
me meurtrit.
il y a dans le jardin un sage
cela fait quatre-vingts ans qu’il essaye
de peindre les nuages
quand je lui demande s’il sait
après toutes ces années
peindre les nuages
il me répond
j’essaye déjà de savoir peindre le ciel.
il y avait ton sein blanc sous le tissu noir
tes cheveux battant à plates coutures
la rivière.
tu as claqué la porte. J'étais dans une
fièvre d'hiver. Violente. Je me souviens
ma tête à failli exploser
puis plus rien.
un au-revoir dans un monde sans gares.
dans le silence un fruit est tombé. Il
était rouge et percé d’un trou. Il est
resté seul dehors dans le froid détaché
de son arbre. Crevé.
l’on ne ressent pas la santé malmenée dans
l'existence endormie. Les pas du fichu
crépitent sous la neige. Ou est-ce la neige ?
comme le soldat tombant au combat
tenant ses entrailles entre ses mains
je commanderai en dernier repas du condamné
un câlin de ma mère.
toux de sang dans le mouchoir. Corbeau blessé
sous la houppe des cèdres. Tout est à sa place.
vocabulaire : il y a sept types de neige au Japon.
neuf variétés. En français dans les synonymes on
tombe rapidement sur le lexique de la drogue.
ici le printemps est là
ni les neiges ne fondent ni mes oiseaux ne chantent
harakiri d’un coup de plume
oui
ici
l’eau du lac peine à refléter ton absence
mes oiseaux se sont tus
hara-kiri d’un coup de plume.