Le dépôt
Présentation
Mon nom est Iocasta HUPPEN et je suis née en 1971. D’origine roumaine je vis à Bruxelles. Je suis haïjin (auteure de haïkus) et poète. J’ai publié six recueils de haïkus (dernier paru, "Le Haïku à 5 Voix", Éditions Unicité, 2022), un livre qui regroupe des astuces et conseils en terme d'écriture ("Poésie brève d'influence japonaise - Atelier d'écriture et poèmes choisis", Éditions L'Harmattan, 2019), trois recueils qui mixent les genres littéraires (dernier paru, "Maison d’été", Éditions Partis Pour, 2021) et un livre de poèmes (acrostiches) intitulé "Viens, je t’emmène !" paru aux Éditions Partis Pour en mai 2023. Je compte également des participations à diverses anthologies ainsi qu’à des revues et quelques prix. Et pour finir, je suis aussi chroniqueuse littéraire (podcast "Aimez-vous les haïkus ? " sur Spotify), animatrice d’ateliers d’écriture et initiatrice du Kukaï de Bruxelles qui est un cénacle littéraire (haïku).
Questionnaire pour la Revue La Page Blanche (LPB)
1. Peux-tu indiquer un livre que tu aimes particulièrement ?
Tout livre qui m’apprend des choses, qui me fait réfléchir ou rire ou encore qui active mon imagination, est un livre qui devient un livre important à mes yeux. Et il y en a tellement. Pour faire court, je vais reprendre le dernier livre lu, découvert cet été 2023 dans une brocante dans le Limousin, près de Saint-Bonnet de Bellac. Le titre de ce roman est « Sparkenbroke » de Charles Morgan (Librairie Stock, 1952 (publié pour la première fois à Londres en 1936), la préface est de René Lalou). Voici quelques-unes des citations que j’ai retenues, en les inscrivant dans un de mes nombreux cahiers de citations :
« (… L’homme (…) par trois fois (…) devient clairvoyant (…) : dans l’amour, la contemplation et la mort (…) ; ces trois états sont à la fois mort et vie, transcendance ou extase, réconciliation de la souffrance et de la joie.» « (…) la vision subsiste dans la poésie, ainsi que l’héroïsme dans l’épopée. »
« Ce poème lui apparut comme écrit en rêve – des vers sans discipline et il n’y a pas de vérité sans discipline. »
« Aucun fardeau de l’inexprimé ne pesait sur lui. » « Vis aujourd’hui dans l’unique certitude que demain tu seras armé à neuf. »
J’ai été aussi impressionnée par certains détails (des descriptions) qui font que ces passages ressemblent à des haïkus :
« (…) tout en elle était neuf : sa voix, ses gestes et jusqu’aux dessins que formaient sur elle les jeux de lumière et d’ombre. »
« (…) les baigneurs, assis sur leurs ombres courtes, cabossées par les galets, semblaient des découpures d’affiche illustrée. »
« (…) le matin se trouvait en bordure de la mer, les broussailles étaient vernies de clarté et des arbres montaient les pointes du jour. »
2. Peux-tu donner un vers, un mot, que tu aimes ?
Ah, je remarque que j’ai répondu à cette question plus haut. Pour donner quand même une réponse, je dirais qu’étant d’origine roumaine, la langue française est une langue dans laquelle je me sens également chez moi. Et à ce titre, il y a un mot dont la sonorité me plait particulièrement ; il s’agit de « brique ». J’aime bien aussi « un paquet de nuages » (ou tout autre sujet, à condition que sa quantité soit évaluable en « paquet », pour ainsi dire).
3. Quelles sont tes lectures habituelles aujourd’hui et comment s’expliquent ces habitudes ?
Très bonne question. Mes lectures aujourd’hui consistent en des romans et de la poésie (au sens large) car, d’abord, j’aime lire et je suis attentive à dénicher des livres partout où je vais. Ensuite, comme je suis abonnée à la Revue LIBELLE et que la sélection effectuée par M Michel Prades est en résonnance avec ma fibre poétique, je lis encore plus de poésie. Sans oublier mes lectures assidues de haïkus pour les besoins de mes chroniques mensuelles (à l’exception de juillet et août) reprises sur mon podcast audio « Aimez-vous les haïkus ? » diffusé sur Spotify. Je présente et analyse des livres de haïkus écrits par des auteurs modernes francophones ou classiques japonais, traduits en français.
4. Peux-tu citer un support de diffusion de la poésie que tu affectionnes (autre que le livre)?
À part le support audio, j’aime aussi les vidéos de lectures. J’en fais de temps en temps ; elles peuvent être visionnées sur ma chaîne Youtube, « Les poèmes de Iocasta » (trois volets : Poetry On The Roof, Poetry In The Garden et Poetry In The Wild). C’est mon mari, Yves Huppen, qui les réalise. Je ne suis pas toujours à l’aise devant une caméra mais j’essaie de partager de mon mieux mon goût pour la poésie contemporaine (avec ou sans rime) à laquelle je cherche à apporter ma petite contribution.
5. Le monde lit-il toujours et quoi?
C’est une vaste question. Selon moi, les jeunes devraient lire davantage de romans. Sinon, c’est vrai que de plus en plus de jeunes s’intéressent à la poésie. J’ai un respect profond pour le public qui vient me voir lors des salons littéraires et ce public est varié. Selon moi, deux salons sont bien représentés de ce point de vue ; il s’agit de La Foire du Livre de Bruxelles et Les fugueurs du livre à Liège. Un vrai plaisir d’aller à la rencontre des gens de tous les âges intéressés par la poésie.
6. Quel est ton plat préféré ?
Si je dois répondre vite, ce serait de la polenta avec du fromage de vache ou encore avec des « sarmale » (à prononcer « sarmalé ») ; ce sont de petites boulettes de viande entourées de feuilles de choux. Ce plat me rappelle la Roumanie. Sinon, j’adore préparer de petits plats comme le ragoût d’agneau, les brochettes de poulet avec des bananes caramélisées et riz sauvage ou encore l’agneau caramélisé (un plat assez technique dont je suis fière d’avoir trouvé toute seule les bons dosages pour la sauce).
7. Quelle sont ta musique, ton film, préférés ?
En terme de musique actuelle, j’ai découvert récemment une jeune chanteuse d’Afrique du Sud, Kenya Grace. Le titre de la chanson est « Strangers » ; je l’écoute en boucle. Sinon, cet été, j’ai beaucoup écouté « Shining Light » d’Aime Simone, un chanteur franco-norvégien. J’aime aussi la musique classique ; j’adore le contre-ténor polonais Jakub Józef Orliński. Le jazz est aussi un genre musical que j’affectionne sans oublier la musique qui fusionne plusieurs genres y compris les musiques traditionnelles de partout dans le monde. Je pense aux premières compilations de Bouddha Bar. En terme de films, je dirais que mon réalisateur préféré est Stanley Kubrick. En dehors, de Kubrick, si je dois choisir un film, je pense à « Dolores Claiborne » qui est une adaptation du livre de Stephen King. La question ne porte pas sur le théâtre mais j’ai envie de l’évoquer également. J’ai deux pièces préférées : « L’effet des radiations gamma sur les anémones » de Paul Zindel (en anglais, The Effect of Gamma Rays on Man-in-the-Moon Marigolds) et « La maison de Bernarda Alba » de Federico García Lorca.
8. Peux-tu recommander un site de poésie et expliquer ton choix ?
Je pense au site Internet de la Revue Lichen. M Élisée Bec est un grand connaisseur de la poésie et ses choix étaient toujours très variés. Je parle au passé car j’ai découverts récemment qu’il n’est plus directeur de publication et qu’il a nommé à cette fonction Nadège Cheref.
9. Peux-tu parler de tes amours au présent ?
Avec le sourire, je réponds oui. J’aborde souvent cette thématique dans mes poèmes sans rime et surtout dans mes poèmes avec rime croisée, les pantoums (poèmes de forme fixe, dérivés du pantun malais). J’ai même intégré cette thématique dans un recueil de poésies brèves, intitulé « Pour que les étoiles ne s’éteignent jamais » (Editions Stellamaris, 2015). Ce recueil contient une histoire d’amour complète entre deux personnages. Cette thématique est également présente dans un autre de mes livres intitulé « États d’âme » (L’Harmattan, 2018). Il contient des poèmes sans rime et des phrases poétiques sur différentes thématiques (l’amour, bien sûr, mais aussi la philosophie ou encore la poésie engagée).
10. Dans le cours de ta jeunesse (16-25 ans), quels sont ou ont été tes principaux intérêts intellectuels ?
Sans attendre, je réponds : le théâtre, les revues poétiques et sporadiquement, la participation à un cénacle de science-fiction dans ma ville natale, Iași (à prononcer Iachi) en Roumanie. Le nom de ce cénacle était « Quasar » et était animé par Lucian Merișca, un journaliste-chroniqueur radio et aussi poète. J’avais écrit à l’époque une nouvelle de science-fiction qui avait été publiée dans un fanzine estudiantin par un des participants. Ce fut une très agréable surprise et une grande joie. Je suis en contact avec Lucian Merișca sur FB où il a créé une page consacrée à « Quasar », le cénacle.
11. Est-il nécessaire de produire ?
De produire de la poésie ? Oh, que oui ! La poésie est redevenue vitale car le monde va mal et ce même monde est en quête de beau et de positif. À ces besoins culturels, la poésie peut apporter des réponses tout à fait légitimes. Car il n’y a pas plus universel langage que celui de la poésie. À cela s’ajoute sa brièveté, sa facilité de lecture, ses mots qui doivent être choisis de la façon la plus claire possible, ses messages qui doivent être accessibles, sans oublier sa force de fédérer. Voici quelques éléments qui ramènent la poésie au-devant de la scène.
12. Pour qui écris-tu de la poésie ?
En fonction des thématiques que j’aborde, ma poésie change de cible. Avec des thématiques sociales, je m’adresse avant tout à mes semblables, à mes concitoyens. Avec des thématiques qui apaisent, comme la nature à travers les haïkus mais pas uniquement, je pense d’abord à moi dans le processus de l’écriture. Car, dans ce cas, il s’agit d’une forme de méditation. Pour la thématique des sentiments amoureux, j’installe une relation duale avec le public, même si des textes pareils sont écrits avant tout pour soi-même. Une relation duale concerne également mes écrits qui abordent l’humour ou l’ironie (le genre de poésie brève d’influence japonaise appelé senryu). Donc, vous avez là un aperçu de l’importance et de la force du langage poétique qui démontrent à nouveau la nécessité de produire de la poésie. (Iocasta Huppen, Bruxelles, le 13 nov. 2023)