Le dépôt
Ce qui palpite ( 3 poèmes extraits du recueil)
CANOPEE
Qui a senti sur son front la douce main de la canopée,
l’auréole de joyaux verts sous les rayons miroitants,
l’ombre étoilée dansant sur le visage,
la palme des larges branchages
éclaboussés de lumière,
Qui a marché entre les troncs grandiloquents,
palpitant de siècles contemplés et de vies minuscules
- monuments édifiés et chorégraphie mouvante,
auberges mansardées à fleur de ciel -
Qui a flairé la sève et l’humus,
caressé du regard les colonnes burinées,
savouré le chant sylvestre -
crépitement d’écorce, péroraisons des oiseaux,
onde bruissante,
Qui a foulé, sous la ramure vivante des voûtes,
le tapis merveilleux - pèlerin abrité de la pluie
qui, parfois, au détour d’un sentier,
croise l’âme sauvage,
Celui-là
ne craint ni l’érosion
ni l’aspérité des jours.
Il a goûté l’éternité
***
MEMBRANE
Au coucher à l’aube
À certaines heures creuses du jour et de la nuit
L’absence d’une empreinte sur la peau
Le négatif d’une étreinte
La solitude de mon corps dans l’espace
Le roulis vertigineux du train
Les forêts sombres et dorées
Les nuages moutonnants
Irradiés de lumière
L’atome de mon corps dans l’espace
Les regards fulgurants et limpides
Les chorégraphies invisibles d’arabesques enlacées
Les éclairs de pensées qui se croisent
L’aimant de mon corps dans l’espace
Les mots
Les sons
Les ponts dessinés entre les hommes
L’écho de mon corps dans l’espace
Les parures humaines
Les grâces les façades les gonflements
Les rôles les fissures les rayonnements
L’enceinte de mon corps dans l’espace
Le vert lumineux de l’herbe
L’haleine chaude du vent
Le bain de roses et de tilleuls
L’accord soudain d’un contrepoint d’oiseaux
L’empreinte de mon corps dans l’espace
De pas en pas
De boucles en boucles
Toujours je reviens
À ce point
Les contours de ma solitude dans l’espace
***
L’HEURE DES MERLES
Joie brûlante et lancinante
Le chant des merles
Déchire l’obscurité limpide d’avant-matin
Sur la rosée frissonnante les volatiles distillent
Clarté incandescente perçant
Le lourd manteau de ténèbres
Le chant des merles est un feu noir qui invite à l’aurore
Chant de solitude
Longs corridors d’insomnie
Conquête des empires déserts et silencieux
Il est la brume du sommeil fendue par les premières pensées
Le rite secret de qui devance les premiers bruits du jour
L’attente
Les braises rougeoyantes de l’espoir
La brûlure de l’absence
Il est le monde à venir et la fin de l’éternité noire
La blessure de l’au-delà
Le cri des écorchés joyeux
La voix de l’entre-deux-mondes