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Zoom 20 - BAKOUNINE

ZOOM SUR MIKHAÏL BAKOUNINE - INTELLECTUEL RUSSE ET HOMME D’ACTION


 Il y a des écrivains qui bâtissent des cathédrales de mots, d’autres qui en font des systèmes clos et des théories bien huilées. Bakounine écrit comme on lance des cocktails Molotov : ses textes sont des éclats, des fragments, des brouillons en feu. Il n’a jamais terminé un livre. Il a commencé des dizaines de manuscrits, les a abandonnés pour l’action, puis repris à la hâte entre deux barricades ou deux exil. Son style est un mélange de pamphlet, de confession, de manifeste et de lettre intime. Ses phrases sont longues, fiévreuses, pleines de digressions qui deviennent soudain le cœur du sujet. Il répète, s’emporte, se contredit. Il n’a pas le temps de polir : la révolution n’attend pas.


Ses textes sont des chantiers, pas des monuments. On y trouve des formules qui claquent comme le sloganpo ("ni dieu ni maître"), des analyses fortes et incisives . Bakounine est le fondateur de l’anarchie moderne . Il écrit en russe, en français, en italien, selon l’exil du moment. Ses œuvres majeures sont des fragments. "Dieu et l’État" est un manuscrit inachevé, "L’Empire knouto-germanique" un pamphlet interrompu, ses "Lettres à un Français" des appels à l’action écrits dans l’urgence. Pourtant, c’est dans ces éclats que se trouve la puissance de Bakounine. Il n’écrit pas pour les bibliothèques, mais pour les rues. Ses mots sont des outils, pas des ornements. Il veut brûler les idoles, pas les remplacer par d’autres. Sa prose est une machine de guerre contre l’État, la religion, la propriété, mais aussi contre les révolutionnaires qui veulent devenir des chefs. Il déteste les systèmes. Il préfère les questions aux réponses, les expériences aux dogmes, les révoltes aux révolutions.


Des extraits pêchés dans la bibliothèque des inédits de l’auteur permettront de capter l’énergie Bakounienne ( https://www.cras31.info/IMG/pdf/bakounine_-_oeuvres.pdf ). « L’anarchie n’est pas le chaos, c’est au contraire l’ordre le plus naturel, celui qui naît de la libre organisation des individus et des groupes, sans aucune autorité imposée. L’État n’est qu’une machine à broyer les hommes, une religion laïque qui exige des sacrifices humains au nom d’un prétendu bien commun. Mais le bien commun n’est jamais que le bien des dominants. La liberté ne se donne pas, elle se prend. Et pour la prendre, il faut d’abord détruire ce qui l’étouffe : l’État, la propriété, la religion, trois têtes du même monstre. »


 Dans "Dieu et l’État", un manuscrit inachevé écrit entre 1870 et 1871, Bakounine pose les bases de sa critique de l’autorité. Ce n’est pas un traité philosophique, c’est un pamphlet. Il y attaque l’État et la religion comme deux faces d’un même monstre : celui qui vole aux hommes leur liberté et leur propriété (leur travail) au nom d’un ordre supérieur. Le style est direct, presque oral. Il n’y a pas de structure académique, juste une série d’affirmations qui s’enchaînent comme des coups de marteau. L’anarchie, pour lui, n’est pas le chaos, mais l’ordre le plus naturel, celui qui naît quand les hommes s’organisent librement, sans maîtres ni dieux.


 « La révolution sociale doit être une fête, pas un deuil. Elle doit libérer les énergies, pas les discipliner. L’anarchie n’est pas l’absence de règles, mais la création permanente de règles provisoires, adaptées aux besoins de chacun. L’autorité est une maladie, et comme toute maladie, elle se soigne en supprimant sa cause, pas en changeant de médecin. Les socialistes autoritaires veulent remplacer les bourgeois par des commissaires. Nous voulons remplacer les maîtres par rien, ou plutôt par tout le monde. Chaque homme doit être son propre législateur. »


 Dans "Le fédéralisme, le socialisme et l’antithéologisme", écrit entre 1867 et 1868, Bakounine esquisse une société fondée sur la fédération libre des communes. Ce texte est un mélange de théorie et d’appels à l’action. Il y critique les socialistes puritains, autoritaires représentant du bien commun, ceux qui veulent remplacer les bourgeois par des commissaires, et défend une anarchie où les règles sont provisoires, adaptées aux moments, aux circonstances, et aux besoins de chacun. Le style est haché, comme le flux des pensées, sans prendre le temps de construire un discours. Les idées se bousculent dans l’exaltation du fédéralisme, du socialisme, du rejet de l’autorité. On sent l’urgence. Ce qui frappe le plus fort, c’est la méfiance envers toute forme de pouvoir, même révolutionnaire. Pour lui, la vraie révolution, c’est quand les hommes deviennent leurs propres législateurs.


 « La Commune de Paris a montré le chemin, non pas comme un modèle à copier, mais comme une expérience à répéter et à dépasser. L’anarchie, c’est quand les ouvriers, les paysans, les artisans prennent en main leur destin, sans attendre la permission de quiconque. La révolution ne se fait pas avec des théories, elle se fait avec des actes : des barricades, des grèves, des occupations. Et surtout avec cette idée simple : nous n’avons pas besoin de maîtres. »


 Les "Lettres à un Français", écrites pendant la guerre franco-allemande de 1870-1871, sont des appels à l’action directe. Bakounine voit dans la Commune de Paris un exemple à suivre, une expérience à répéter et à dépasser. Le ton est celui d’un militant qui parle à des compagnons : pas de jargon théorique, mais des mots simples, des images fortes. Il insiste sur l’importance des actes – barricades, grèves, occupations – et sur l’idée que la révolution ne se fait pas avec des théories, mais avec des hommes et des femmes qui pratiquent à la main leur destin. Ce qui frappe le plus fort, c’est son refus de toute forme de direction. Pour lui, la révolution, c’est quand les ouvriers, les paysans, les artisans décident eux-mêmes, sans attendre la permission de quiconque.


 « La franc-maçonnerie pourrait être un outil révolutionnaire, si elle cessait d’être une société secrète pour les privilégiés et devenait une école de liberté pour tous. L’anarchie, c’est la fin des mystères, pas pour les remplacer par d’autres, mais pour que chacun puisse voir clair dans les mécanismes du pouvoir et les démonter. »


 Le "Catéchisme de la Franc-Maçonnerie moderne" est un manuscrit inédit des années 1860, où Bakounine explore le potentiel subversif des sociétés secrètes. Il y voit dans la franc-maçonnerie un outil qui pourrait devenir révolutionnaire, à condition de cesser d’être une société pour privilégiés et de devenir une école de liberté pour tous. Le texte est court, percutant, écrit comme un manifeste. Bakounine y attaque les mystères et les hiérarchies, et défend l’idée que l’anarchie, c’est la fin des secrets, pas pour les remplacer par d’autres, mais pour que chacun puisse voir clair dans les mécanismes du pouvoir. Ce qui est fascinant, c’est sa façon de détourner les symboles maçonniques pour en faire des armes aphoristiques contre l’autorité et le pouvoir.


 « L’État n’est pas une machine neutre, c’est une usine à fabriquer des esclaves. La révolution n’est pas une réforme, c’est une rupture. Il ne s’agit pas de changer les dirigeants, il s’agit de supprimer les places de dirigeant. L’anarchie, ce n’est pas le désordre, c’est l’ordre sans commandeurs, un ordre qui naît de la coopération volontaire, pas de la contrainte. »


 Dans "L’Empire knouto-germanique et la Révolution sociale", écrit entre 1871 et 1872, Bakounine attaque l’État comme une "usine à fabriquer des esclaves". Ce texte est un pamphlet, une charge violente contre l’impérialisme russe et allemand, mais aussi une réflexion sur la nature de la révolution. Il y décrit l’anarchie comme un ordre sans commandeurs, né de la coopération volontaire. Le style est celui d’un homme en colère, qui écrit avec la rage au ventre. Les phrases sont courtes, saccadées, comme des coups de poing. Il n’y a pas de nuances : l’État est un ennemi, la révolution est une rupture. Ce qui frappe le plus fort, c’est son refus de toute réforme. Pour lui, il ne s’agit pas de changer les dirigeants, mais de supprimer les places de dirigeant. L’anarchie, ce n’est pas le désordre, mais le marteau sans maître.