La
page
blanche

Le dépôt

AUTEUR-E-S - Index I

34 - Bruno Giffard

Une faim de terre & autres poèmes

Sur quel pied danser


le gauche, le droit

le droit, le gauche?


petit peuple, gentry arrivent

s’installent aux chaises aux bancs sous les lanternes suspendues

aux comptoirs sonnent les sourires les pièces

guitares accordéons fondent leurs notes

crochets ondulations d’époques

qui conduisent

lâchent sur la piste


 paroles fronts et galbes

fièvre dans les paupières les chevilles


 les bandes se forment

des cercles mains jointes

formes souples carrures brutes se mirant se lissant

entre les plis du sérieux chante vire le rire

sur les tables apparaît à profusion

la fierté du labeur des guirlandes de splendide

bras bouches se mettent à battre


 rubis de joie sur la gorge

faces qui s’éclairent éclatent sous la lune

veines venant sertir

la puissance d’oraisons cachées

étoiles au creux des paumes des hanches


 telle montera en fleur contre les buissons

telle sur sa poitrine embrassera une nouvelle ambassade

une autre verra son sang courir

aussi fort qu’un rêve que se racontent les coupes


 le droit le gauche

le gauche le droit?


 maintenant la place se clairsème

sur la terre battue échouent étoffes fleurs

les arbres s’assombrissent

autour du grand feu de mémoire

avant que l’aube laisse planer ses teintes soupirantes

l’ombre des braises se pèle se pèse

discours délires se mêlent

d’autres lèvres rejoignent la rosée effervescente

la nuit impatiente accroche au corps un silence


 contusions confuses intarissable égarement

cœur entre ses angles fluides

insolvable énigme du pétale qui se trempe dans l’abandon des nœuds

pas qui repartent s’effondrent

simple niche d’un coup d’une chevelure

alors que l’oiseau reprend ses ailes lance son chant

certaines silhouettes marchent avec un goût de naissance

d’autres teints touchent la cire qui se fige

des regards s’ajustent faussés francs

les seins s’alignent sous le corset


 mille aspects flottent encore sur l’horizon plus neuf qu’un métal à effigie

chacun en somme éprouve son héritage de lumière

la danse laisse ses sentiers face aux constellations

éteintes mais palpitantes

sur des miroirs en baquet d’eau grasse chantonne l’avenir


 lisières falaises hauts chemins bas-côtés

se relaient répondent pour cet autre de l’impossible

qu’il essaie d’étreindre avec l’absence dans sa voix


 Deux billets de banque contre un ticket de cinéma

après les cases du trottoir la paroi du guichet

les lunettes carrées d’une ouvreuse à frange

dent tendre cendres d’acmé

des rangées de sièges rouges basculent

épaisseur dans l’air nylon mécanique

chaque rose témoigne au creuset dévalé de l’aurore

néon bleu sous l’arc embryonnaire

d’une tête à l’autre passent les bribes de conversation

le tapis qui s’élime ponctué de gommes et pop-corn

descend jusqu’au grand rideau

qui ondule entre ses plis contre l’écran cyclopéen

métropolitaine ampleur océane

une trame accompagne le ballet des poussières

tu t’accoudes des souvenirs vagabondent

les dents se serrent un peu

les poings entourent une rumeur de palpitation

sortie d’urgence calée au coin

l’obscurité tombe

qui enrobe sépare des autres

la surface quotidienne cède

un rayon haute-fidélité injecte sa houle

térébrante vibration éminence argentique

galop couvert des mots du sang

énigme d’ombres contre la racine des nerfs

idées et pulsions s’exposent au mystère sensible

l’histoire commence

main courante dans une clairvoyance d’espace

ton vécu se dédouble mimétisme statique

son velours beat obéit au mont synclinal

torche battante d’intrigue

viscères et lobes se larguent

par-dessus le pont des heures un calme s’impose

tracé d’hymne qui guidera vers le barattage d’une foule

dont tes larmes de cristal investi sur un damier de pas

repoussent l’écumante étrave profanatoire

aux murs travelling d’intelligence

chaque affiche te regarde essuie ta tempête d'yeux

d’une pellicule l’identité tas de scènes émane

de toi de personne

partout nul part à la fois

passé et futur se verrouillent

tes pores participent au lit d’éponge primordiale

ton souffle alterne entre secondes et étoiles

crise souveraine cabale

au plus fragile de tes élans armés



Courir après les flocons

pour s’affranchir du froid

ce cataclysme de griffes

qui s’accroche aux tempes

dérègle les pentes du rire


courir la gueule au vent

essouffler ses manteaux d’âges

fuir les cartouches de sel

ces mille segments d’une rue

souffle cloué d’éventail

étoile sous sa cime frileuse


dilacérer les ailes du calcul

ombre au nid d’aumône

rêves ouverts par le prisme

d’un lampadaire placide

sortir son cœur criblé d’atouts

au chemin des tempêtes








Calme vacarme

vagues que détache l’horizon


modeste et dérisoire dans la chambre du phare

infinitésimal

à éplucher les galops galactiques

je guette

sans relâche

mon front aussi ductile qu’une fleur de chandelle

mais chaque pensée écorce de pierre

dans sa différence immonde


la patience perd pied

tombe en prière

à attendre cette tempête qui prendra mon pouls

enroué

à son bord


une meute d’éclairs visitant mes tripes

recul d’expérience

recueil d’heures

saisis par une vendange de chocs dans l’air

chaque fenêtre écrasée

brouillée sous la pluie aux accents de méduse

chaque brique enfantée

au flamboiement de racines

liturgie tremblante


alors que je participerais à cet œil

caché par la peau des nuages









Peur moulante

seul dans un monde à en crever l’apparence


et si mon image : ce qu’il reste de moi

après la râpe des aveux

n’allait plus rien dire

à personne

mais restait dans sa coquille d’espoir

gorge barrée

ne se donnait plus la peine de transmettre

le jeu des eaux

alors qu’elles glissent

lourde transparence

laissant le miroir dans une nudité sauvage

de cadre sans état


Au bout de chaque sentier

la tranche d’une paume donne au ciel à retentir

un visage sort

de son coffre à lumière

une ville sonne cette constante alerte

d’ailes séduites

par le mirage des embaumeurs

d’ongles semi-lucides

épuisant la terre

pour tenir la musique d’un buste


à ras notre rage thoracique un précipice

se tourne

l’ange de sa voix téléguidée

approche avec une cage bleue

la succession d’instincts

dont la soif

repose avec le soleil dans des cathédrales

amorties







Intrigue

long jeu de ficelles

une fille

refuge simple mais complet

de gestes fonciers

dans l’incalculable présence

source frontière

hanche du pont


espoir franc

mise blanche

mire

dans sa brillance d’aile

épreuve du manque

inflexible maille

dans ma compacité de gêne








Mon cœur se pend

à tes lèvres tes pieds

se démet de bonheur

s’inarticule


auprès de l’âtre

traité d’herpès

avachi sur le lutrin

je reprise ma bosse

crache sur mon écu

mâche flammes


et parfois le goût te prend

de m’ouvrir

mécanique carrossable

survoler

mes pépites grenades

mollusque d’éruption

mettre myocarde sur table

chaque aigrette

à prix chanté







Virtuosité des nuages

blocs éponges

équilibre

déroulant

la terre

le tricot

de nos aspirations


chorégraphie tumultueuse


Loin en-dessous

un homme aux mille rides

autant de prières

basanées

garde le rire grégaire

des siècles qui paissent


et l’ombre passe

au dos des collines






Insondable contact du lit où couche ma mémoire

après le fourreau des lèvres

un horrible ressac donnera mes jambes

aux avenues transfuges


Lignes d’hémisphères collées au fard de la terre

langue d’arrêt sur la nuque


Paumes en petites coupures soufflet du seul feu


















À la plage

langue sur le sable

par échelons d’organes

descendre

sous la sueur des vagues


une femme assigne

dans son maillot abrupt

des lignes souveraines

alors qu’une mer

enroule aux jambes

par crochets d’étoiles

sa fréquence ondoyante


le cœur se balance

délire calme

là-haut par efforts réitérés

un cerf-volant

vise la stupeur bleue

les mouettes

se battent à coups de becs

dans la ouate des nuages


sous la clameur du soleil

chaque coquillage

s’invente une histoire

le ventre se creuse

mémorial de perles









Coin de trottoir

oreiller des feuilles

venues dormir

sous les années

au néon


lèvres du passage

paroles

entre les mailles

du filet à commissions


je cligne vers cette nuit

dont les ailes déposent

le seuil d’une perpétuité



Mon empire appartient

à l’étreinte du repli

rasade névralgique

active abrasion

fébrilement cousus


irrigation fidèle

d’une commissure

tête de manies

lissant la fumée


mes pas se foulent

au caoutchouc

d’ornières indolentes



























Une craie m’isole

dans ma peau


doigt sur la bouche

pleine de nuit

faim

en ressorts d’étoiles

source magnétique

des os

du sang

s’entend le trafic

grave roulis d’organes

qui pressent leur ruée

contre le macadam


et le temps chante

berceuse

sur des talons aiguilles











L’échine se bat

avec des rafales pensives

le désir s’essouffle

casse les vagues

dans sa crèche de peau


goût de mordre

la souche des vertèbres

ces flancs

d’à-vif soulevé


le sort gît

au pied du firmament

bâille la règle des blessures

une langue s’oublie

à l’opération des pierres









Une larme creuse mes traits

use la voie lactée

jusqu’au fin fond des gouffres d’astres

elle fait désespérer

d’épaules sur terre jamais

 

La clef du ventre hurle

lapidaires besoins abrupts

cordes à nerfs sous le manteau

ce barrage cellulaire rompu

marque nos scrupules

d’animal veillant sa place

au secret exclusif du tourment

nappe sur la bouche du feu


 

 





Casiers où cahute l’huile des heures

marche sur têtes d’aiguilles contre l’hure du train

 

notre corps se prend dans les plis du discours

mémoire trafiquée en pied de grue fanges d’incisives

 

la venue au monde épluche un diamant

sueur batracienne qui retombe tuiles linguales

 


 






 

La saignée du silence

procure une épaisse ligne noire

 

également cette ombre bouillante

dont plane le pli au ciel

 

front garrotté assénant

périlleux motus crépusculaires


 






 

Membres lacés dans leur socle

veines encore pleines du rêve fixe

d’installer l’azur

 

alors que les pensées fusent et s’enlisent

couronne de trafic

 

une jeunesse passe

entourée de rires forte de ses roues

frôle et rase

mon rôle déjà muet

ébranle la peau tirant d’effort

 

figé à l’ombre des arbres

 

regards battus par la mémoire

traits barricadés en poids d’offrande

place longeant dès lors

le solstice du maquillage

 

sous des plumes glissantes

d’aléatoires numéros de saison coffrent

d’une banquise la part de rides


 

 





Cette fenêtre

 

par laquelle tes yeux participent

à la sortie du second corps

tendu d’émancipation

liant crachés ses moindres pactes

 

ma conscience au milieu d’autres

ressasse en tas l’océan

rompue devant ton sourire

s’arrête de jouer faute de peau

 

sur vide

 





 


 

Survol des formes

montée des membres

propos d’empreintes

thaumaturgiques

 

la poussière soudain rideau

s’évapore quand

chaque note d’échine sangle sa prestance

s’allie au mercure

soute à cellules épaules fixes

 

une main dans nos cheveux

repêche mémoire









Insondable contact du lit où couche ma mémoire

après le fourreau des lèvres

un horrible ressac donne mes membres

aux avenues fugitives

Lignes d’hémisphères collées aux pas du ventre

langue d’arrêt sur la nuque

Paumes en petites coupures du feu seul









L’appui du bleu me manque

nerveuses sentences en pierre de taille

au plan desquelles je range mes cartouches grises

semences palléales

attendant de leur radiance

qu’elle me trace un pli d’éternité

doctrine filante

encoignure médiane découverte dans le tissu du jour


une nuit perplexe tranche plutôt mon profil

firmament détourné

effusion d’ombre sous le métier astral

la chair des sens baille vers un puits de stupéfaction

étude complice au dégoût inabouti

que pourchasse une meute d’algorithmes


Je gravite autour d’une planète rare

prononciation instable

vocable irascible au fond de sa loge

dont la transe parturiente impose ces chirurgies transfuges

chaîne d’incarcérations boréales

tandis que mon visage cherche influence

granit et flamme

encagoulés sous le vent

par différentes incantations du domaine :

abysse ouvert


Une agonie foncière s’affiche

inébranlable voracité précède l’existence

éclairage incisif sur les pièces au quotidien

dont la chair tourne en legs non reçu

étages d’anges entre les côtes

nuées d’os établies au moindre pas


l’adhérence du lendemain éloigne sa poigne

chaque coup de cœur vérifie une mort étanche

mes mains raclent l’aile

d’âges en banque

morsures de l’or au sourire tétanique

sans dégager cette clef d’envol

rigueur aguerrie

par sa seule déclaration au clocher

que froisse le gris des langues de feutre







Une faim de terre


 


jointures du rêve


cartes au tirant d’astres

à fleur d’espace


croûte meuble

membres pastel

éparpillés


 

pour les orgues de mon abattement


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


Un rire frappe contre sa boîte de fer blanc


elle penche toujours


vers la déchirure


cette curiosité abyssale


creuse les parois du ventre


vide


 


et demande que je tourne la petite clef


joue


dans le mécanisme du sommeil


des sardines que baigne l’or


en huileux regards d’écailles


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


Couleurs grondantes


à composer leurs torrents


lézardes libellées


sur nos palissades


en chair


flancs de commerce


épidémiques


 


emblèmes à arracher


pour que se montre


la rumeur du sang enfin


se fonde le délire


bras à l’encre de rage


sourdes épines


bannières d’atermoiement


d’un bâtiment à l’autre