Le dépôt
Poèmes
méduses
il apparait là
le lieu des suspensions toutes
là
le ponton
le lieu de l’entre-en-marche vers l’ignoré
au surgissement se laisser pousser en attraction
quitter le sable à mesurer le temps ordinaire
et depuis les pieds devenus les seuls guides entendre écouter
eux seulement
et happée oui happée en direction de l’interstice
celui de l’appel au ponton
les fibres tassées
suivre à l’aveugle les veinures du bois
elles sont le balisage éphémère le chemin chemin d’aller-voir
le chemin de la révélation
révélation là
là
oui l’entrebâillement
là où la lumière ne s’annonce là intervalle de la vision
vision en voûte inversée
des constellations aquatiques gélatineuses du par-delà-le-dit des méduses
elles viennent
altesses mutiques sans squelette ni poumon
pas de cerveau
leurs déplacements en agrégats toxiques
le silence fluorescent des globes visqueux
manifestation de leur persistance fossile
leur obstination d’organisme résistant à l’incommensurable
celui de tout avant de tout après des par-delà
à évider tous les possibles
là est leur révélé le sans commencement ni fin
sans extrémité
plus de centre
infinités
le dévoilé de l’espèce observatrice
entre deux planches
corde
tambouriner
les pieds
rêvez
allez-y rêvez à sa fin
par précipitation
sa pendaison incessamment l’exécution à bas coût
jamais vous ne les verrez tambouriner
ses pieds
leurs tapotements ceux de la traction de l’exécutée par gravité
gravité
gravité est bourreau
ultimes frictions au sol de la condamnée par nœud coulant
dernière gigue en suspension
danse secouée non vous ne la verrez pas
pas de ballet terminal
le grand ballet épileptiforme en trois actes asphyxie inhibition compression
non
ne scruterez
pas pas sa jolie tête cyanosée
pas la compression des carotides pas jusqu’au décès non
ni l’apparition des pétales violacés formant couronne mortuaire autour du cou
privés
vous serez privés du grand final son raffinement tant attendu
privés de la discrète oscillation du cadavre
sa chute pesante celle de la brune tragique exemplaire
pas d’exhibition à vos fourches patibulaires votre fierté
non-aligné son corps
le sien ne se placera pas dans l’axe des par-vous-châtiés
parce que non
n’espérez pas la très attendue
il y a annulation
annulation de la redite redite tragique d’Antigone
car celle-là n’est plus l’Antigone aux cheveux d’impasse
peroxyde d’hydrogène
elle est la peroxydée antigone
l’antigone aux cheveux de corde
de corde à jeter par-delà les enceintes
à enjamber les murailles
corde à déserter vos potences à répétition
blonde-antigone-au-monde
belladone
tu l’as bien voulue l’ingestion au premier baiser mal dosé
ça t’a bien grisé tous ces baisers à excaver ta propre tombe
baisers
des baisers
que de baisers
et de creuser insistants encore
lors te voilà l’entreprenant autofossoyé
c’est bien fait
tu ne l’as pas volé non franchement pas volé
autocouronné épris
autoproclamations désirantes
et tous ces mots
les mots aveugles de tout le monde
tes pensées salivaires glaires amourachées
tu ne t’es pas méfié de la fille des friches
oui toxicité toxicité annoncée oui
ses rétines à la convexité photogène leurs concavités brunes
la densité suspecte des ondes olfactives
la ligne d’épaules cloches hermaphrodites resserrées refermées
elles ploient
tout le corps s’affaisse
empoisonnement massif à sa totalité alcaloïde
Sandrine Cerruti juillet 2022
charnier
il est avibratoire
il est inchanté le chant de l’oiseau des charniers
pourtant c’est celui que l’oiseau ne cesse de chanter
il est l’éternel imperçu
le chant dont nul ne peut attester
chant-tu-au-monde
parce que son chant en forclusion est celui du premier charnier
celui du charnier fondateur
syrinx tu aux ondes humaines
syrinx impotent aux alarmes
alerte invalidée au premier chant tu
sonde des charniers
sonde à stratigraphier le charnier
charnier mesuré à l’aulne de l’humanité désertée d’elle-même
humanité autoexterminée
humanité pendue-perdue-suspendue aux rebords mutiques de ses charniers
de la totalité des charniers depuis le premier tout premier charnier
charnier mère charnier originaire
celui aux êtres précipités
être décimé
être exterminé
être génocidé
son chant que nul ne saura percevoir c’est celui des hécatombés
c’est l’inchanté de l’oiseau veilleur
oiseau ton chant mort-né
chant renversé au rebord du premier des charniers
nul n’entend la grande ode muette
très grande ode au non-être
c’est parce que son chant est disparaître
Sandrine Cerruti Juillet 2022