Le dépôt
Brume, printemps, aube
"From SUN STEP BACK LAKE (Broken Sleep Books, Wales, UK, 2023)".
https://www.brokensleepbooks.com/product-page/allan-graubard-john-welson-sun-step-black-lake
Brume printanière de l'aube
Depuis plusieurs jours, j’ai du mal à accepter mon inaptitude à esquisser ne serait-ce que brièvement les vastes implications que trois substantifs imposent : brume printanière de l'aube. Même leur minutie m’échappe dans des clichés qu'il vaut mieux oublier mais qui peuplent cet air que nous respirons, vous et moi. Si je peux trouver un réconfort, il vient de ce que j’ai trouvé un moyen d’échapper au stress de l’incapacité, cette absence qui tombe au creux de l’estomac et qui absorbe, vite ou lentement, qu'est-ce que ça change, les paliers physiques et émotionnels qu'instille la faim. Et pourtant, comme je suis attiré par ces mots, je deviens des glyphes peints à fresque à la craie blanche flottant dans le ciel bleu – une simple image, oui, mais enfin une image – j’écoute la musique qu’ils renferment : le dur ‘g’, la quasi-onomatopoétique siflante qui colle au non percussif, et le dernier diminuendo qui ouvre légèrement ses lèvres pour chuchoter une note finale. Et de cette partition, des missions aériennes se détachent jusqu’à leurs os végétaux quand des gorgones à gorge argentée en jupes rouge vif poudrent leurs joues hérissées.
La musique peut parfois jouer là où le sens n'atteint pas. Le premier infecte le second jusqu’à ce qu’ils s’accouplent, insensibles à leurs différences ou distinctions, heureux d’avoir enfin trouvé cette danse intempérante qui les marque, et nous, miroirs que nous sommes l’un pour l’autre.
Brume printanière de l'aube... Le trio s’évanouit, les mots se découplent, leur musique s’attarde tant qu’on les entend et puis, feutrée, la pièce porte sa dernière vibration en ‘n.' Une fin.
Allan Graubar
Trad. G&J
Spring Mist Dawn
I have for several days now struggled to come to terms with my inability to sketch even briefly the vast implications that three words compel: spring mist dawn. Even their minutiae escape me in cliches that are better forgotten but which populate the very air we breathe, you and I. If I can find any solace at all, it comes because I have found a way to elude the stress of failure, this absence that falls to the pit of the stomach and which absorbs, slowly or quickly, what does it matter, the physical and emotional plateaus that hunger instills. And yet, drawn as I am to those words, become chalk white frescoed glyphs floating in the bluing sky – a simple image, yes, but finally an image – I listen to the music they hold within them: the hard ‘g,’ the near onomatopoetic sibilance that dovetails to the percussive ‘t,’ and the final diminuendo that slightly opens its lips to whisper an end note. And from that score aerial missives strip down to their vegetal bones and silver throated Gorgons in bright red skirts powder their bristled cheeks.
Music can sometimes do this where meaning cannot. The former infecting the latter until they couple, unfazed by their differences or distinctions, happy at last to have found that intemperate dance, which marks them and us, mirrors that we are to each other.
Spring mist dawn...The trio evanesces, the words decouple, their music lingers for as long as we hear them and then, hushed, the room carries their last vibration in ‘n.’ An end.
Allan Graubard