Le dépôt
Pars,
(Christophe Lalanne, série des Marcheurs)
le voyage ne finira pas avec ton dernier pas
chacun de tes pas invente un espace
détruit un espace
il n’y a pas de chemin
le chemin c’est toi
il n’y a pas de destination
la destination c’est toi
il n’y a qu’un mouvement de toi à toi
cela ne doit pas te troubler
continue de marcher vers cet ailleurs que tu n’atteindras jamais
fais de la marche de tes idées le cheminement de ton corps
de l’itinéraire de ton corps la trajectoire de tes idées
le sentier que tu suis est unique
mais peut-être l’as-tu déjà suivi
le suivras-tu encore
chacun de tes pas est un acte qui se suffit à lui-même
n’a besoin de rien qui le justifie, l’explique
en soit la cause
suivre une route n’est pas à la portée de n’importe qui
il n’y a pas d’acte plus libre
pas de plus ardu
cheminer soulève la poussière que tu as dans la tête
il te faudra marcher seul pour découvrir la multitude
ne crains pas de te perdre
être dérouté, l’essence même de la route
le vrai sens des chemins peut demeurer caché
ailleurs a la densité du monde
la ténuité des songes
il est le vocable vide
à combler
quand ici déborde d’évidence
on n’atteint jamais l’horizon
bien que tous les sentiers y mènent
s’y rejoignent sans doute
on ne peut suivre plusieurs chemins
autrement dit
la voie que tu suis est celle que tu t’es choisie
ailleurs il n’y a personne
il n’y a que toi
puisque tu y vas
tu es un pont entre l’origine et l’infini
tes trajectoires et tes regards
autant de lignes de fuite
tangentes à l’horizon
tout horizon souligne une fuite
annonce une suite
que ton regard ignore
mais que ton cœur espère
le lointain appelle le lointain
et de proche en proche tu t’éloignes de toi
te rejoins ailleurs
laisses des paysages pour d’autres paysages
le voyage est une spirale qui te propulse du centre vers la périphérie
inversement
parcourir les contours du monde te redonne un centre
le voyage mène toujours plus loin que prévu
au-delà
dont ailleurs est le plus proche synonyme
l’horizon est l’axe de symétrie du voyageur
n’espère pas retrouver un jour l’ivresse du premier départ
tout au bout du monde
tu seras enfin
juste au milieu de toi
partir te fait revenir au point où tu en es
on ne revient pas
le dernier sentier est celui que tu ne suivras jamais.
(Christophe Lalanne, série des Marcheurs)