Le dépôt
Dialogue entre Philippe Bray et Matthieu Lorin à propos de l'évolution de Lpb
-- Tu me demandes pourquoi je ne me reconnais plus dans ce qu’est devenue La Page Blanche. Je vais te répondre simplement, sans détour.
J’ai vingt ans d’écriture derrière moi, que j’ai aussi laissé reposer vingt ans. Ce recul m’a permis de voir autrement. Je ne cherche plus à “appartenir”. Le poète ne se reconnaît pas dans une revue, mais dans ce qu’il écrit, dans ce qu’il vit. Il écrit à partir de lui, pas à travers un collectif. La revue peut accompagner, pas définir. Elle est un espace de diffusion, pas un miroir.
Ce qui me dérange aujourd’hui, ce n’est pas une question de style ou d’ouverture, mais un glissement que je perçois vers plus d’intellectualisation, de catégorisation, de positionnements implicites (comme ce que j’ai entendu à propos de Greta Thunberg, par exemple). Trop de comités, trop de cases, trop de structures pour quelque chose qui devrait rester poreux et vivant.
Pour moi, la poésie a une fonction essentielle. Elle doit nous sortir du mensonge, de la fabrication médiatique, de l’idéologie. Elle doit nous élever, nous harmoniser, nous sortir du marasme mental, et réveiller une intelligence plus profonde — non intellectuelle, mais intérieure. Quand elle advient, les mots viennent d’eux-mêmes, naturellement.
Amicalement,
Philippe
Bonjour Philippe,
Et merci pour ta réponse, que je comprends bien. Ta vision est assez juste - je crois - sur ce qu'est devenue la poésie et sans doute par ricochets la revue. A savoir:
- une sorte de communauté (qui, je l'espère, ne vire pas au commutarisme et sait s'ouvrir aux autres)
- une structure lourde (comité de lectures pluriel, des rôles très définis)
Le dernier point me semble encore valable aujourd'hui ceci étant. Sans doute la revue a-t-elle perdu une forme de fraîcheur. Mais, elle y a trouvé d'autres choses.
Que doit faire la poésie? Vaste question. Je l'aime quand elle me propose une nouvelle vision, quand elle arrive à se faire homme des cavernes qui s'aperçoit que deux silex font étincelle. C'est cela que je recherche, une imbrication particulière des mots pour proposer un nouveau sens.
Toujours est-il que je publierai ton retour avec plaisir dans un prochain numéro. Avec l'aval de Pierre que je joins bien entendu.
Amitiés
Note de Pierre Lamarque
Depuis l'an 2000 et jusqu'en 2021 la revue Lpb fonctionnait à trois, Constantin Pricop et moi-même pour la fabrication de la revue, et Mickaël Lapouge pour sa réalisation technique, papier et numérique. Philippe Bray a été poète invité dans la revue Lpb en 2004 à 7 reprises comme en témoignent les archives de la revue déposées dans le grenier du dépôt...Ensuite, à partir de 2021, presque tout notre fonctionnement a changé grâce à la création du dépôt, au passage à la fabrication de la revue par Matthieu Lorin et son comité de lecture et à la création des éditions Lpb par Jérôme Fortin.
Depuis le commencement la revue Lpb s'est développée sous la houlette de Constantin Pricop qui rédigea les bases solides d'une sorte de manifeste de Lpb écrit dans ses éditoriaux, billets et points de vue pendant les cinquante premiers numéros. A partir de 2021, à partir de seulement trois amis formant leur noyau, la revue, le site, les éditions sont devenus une communauté de poètes qui s'agrandit sans cesse grâce au dépôt. Grâce au dépôt se créent des dialogues, des liens, des possibilités. Le dépôt est devenu le nouveau moteur du site Lpb.
À propos du livre Poétique d'un désastre annoncé, contenant dix discours inédits traduits en français de Greta Thunberg - une jeune fille dont l'intelligence est profonde, il suffit de la lire pour s'en rendre compte - discours mêlés à des textes d'invités au dépôt de Lpb; il faut connaître un peu l'histoire de ce livre publié aux éditions Lpb : Mickaël Lapouge a acheté le livre des discours de Greta Thunberg publiés en anglais dans une librairie de Budapest et me l'a fait lire - Sachez que Budapest est une ville démocratique moderne à l'inverse de la Hongrie dans son ensemble - et une capitale européenne. Remi Drobycheff, dit Air, et moi avons établi la traduction des discours et Air en a confectionné le beau livre que vous savez. Il s'agit d'un travail qui a mon sens trouve tout son intérêt en tant que livre collectif des éditions Lpb. Ce livre contribue à la lutte pour une prise de conscience générale de la situation climatique actuelle. Quoique certains inconscients manipulateurs puissent dire, il fait chaud ici de plus en plus et nous sommes tous concernés par cette lutte qui est un combat pour la sauvegarde de la planète et qui est aussi un combat contre l'éternel obscurantisme.
Après cette digression sur le climat et Greta Thunberg, je finis mon propos sur l'histoire de Lpb : le passage de la première phase historique de Lpb à la deuxième phase s'est effectué en harmonie et sans grumeaux, comme allant de soi. Je tenais à en témoigner. Et pour achever ma petite note, je tiens aussi à remercier au nom de tous notre réalisateur, créateur du site Lpb, Mickaël Lapouge.
amitiés
Pierre Lamarque
P.S Et maintenant je vous propose non pas une explication du concept po mais tout de même une approche ...
Je vous propose un poème non pas pour répondre à la question sur le concept po, mais tout de même pour continuer à s’ approcher de la connaissance du po , des po … de ma poétique du po .
PO
soixante douze images successives empreintes sur les rétines
d’un type modelé dans l’argile blanche de Theophraste le divin parleur
selon ce qu’il reste de ses traces de pas
jadis sur les sables d’océan
telles que la durée d'une respiration
ou les marques faites par la copiste convertie
sur une proposition universelle affirmative et nécessaire
rentrent dans les universelles ma proposition particulière
et déterminée
celle de la relation poétique d’un semblable à d’autres semblables
dont la tâche est de choisir les mots les plus beaux
dans leur dictionnaire de la beauté
les opinions peuvent être paradoxales, consensuelles ou douteuses
premières limites de l’enveloppant
P.
L