Le dépôt
Amours
I
j’aime le flou de ma mère,
au-dessus de mes âges bas.
ce gravillon cousu sous la peau,
la cicatrice sacrifiée au soleil.
les dunes dans le sable dissous.
ce continent monstrueux que nous étions, tous
lovés dans la pondération de nos tiédeurs.
et aimer. j'aime et
j’aime ne plus aimer.
les règles cruelles de ce grand cirque.
les films en noir&blanc et
le monde en couleurs.
notre jardin qui a été rasé,
je l’aime de chaudes larmes.
je n’ai plus de chats
pour lécher mes plaies.
ce contingent de petites gravités
sur leur socle brûlant.
le passé qu’on rapièce,
le vécu qu’on anoblit.
il me reste quelques croutes
sur mes genoux d’enfance.
il me reste quelques gouttes
dans ma gourde des chemins.
est-ce cela aimer,
en garder un peu.
est-ce aimer
que tout vouloir.
nos blancs cheveux,
je les aime dès le matin,
juste avant le miroir, je
le sais
ils sont là.
j'aime le temps perdu
et cette seconde dévorée.
les miettes boudées par les oiseaux.
l'odeur du purin
quand les vaches sortent.
j'aime
comment l’eau épouse la terre
comme mon corps
épousera un jour aussi la terre.
j'aime
être fou, j’aime
la folie de cette pièce qui ne se déplace qu’en diagonale.