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AUTEUR-E-S - Index I

76 - Alexandre Poncin

Paroles Mendiantes - recueil de poèmes, notes et fragments

PAROLES MENDIANTES

miellées de nuit noire


(poèmes, notes et fragments)







Avant-chant




Bien des évènements et des rencontres ont le pouvoir de nous

ramener à la scène d’une violence native, qui est notre héritage le

plus profond. Nous nous hissons, tant bien que mal, hors de cette

postérité.


Le cœur, s’il ne veut s’éteindre, doit garder intacte sa

propension à se briser.


Je dus m’accrocher plusieurs fois à ces mots dans l’humilité

de mes défaites pour échafauder à nouveau ce qui me semble

aujourd’hui être un chant.


Le dénuement premier que la violence nous révèle, je ne

veux plus y échapper et je crois pouvoir dire qu’en certains instants

à coucher dehors, sans la protection d’un toit, ni l’assise d’un nid, je

pus voir les étoiles aussi clairement que la nuit qui les portait.


Voici des paroles sans lieu propre où loger – qui ne peuvent

atterrir.



***

**

*







ouverture






Qui a goûté l’aube

à peine prononcée

— odalisque Alecto


saura


ce qu’il faut de nuit

pour que s’entiche

un coquelicot


Atteins-moi

dit la fleur

guerrière



*



la pointe graphite de la nuit

racle le papier gondolé

les pores du ciel nôtre


la fenêtre est lointaine

ce qu’elle masque

plus encore


au petit matin

nous chanterons nos morts

qui ne sont plus nôtres

l’aurore à l’or tiède

ne se marchande pas


toute vie définitive

comme une présence



*



mon carnet noir

mon encre noir

mon cendrier noir

mes lunettes noires

mon humeur bleue



*




parfois j’envie l’immodestie radieuse

de celui qui chante



*



Moineaux aux basques. Je n’ai pas de miettes.

RIEN ne vient en miettes.




Sous mes ongles, quantités de crasse

assez peu de trésors.



*



j’épouse la gravité

des astres pesant

sur ma vie

atterrir un jour

ou ravir à Icare

son record



*


avec ma frêle cigarette

roulée en toute hâte

nous jouons à qui se consume le plus vite

mes mains fripées se dénudent



*



je peux me targuer de pressentir

qui porte au-dedans la pluie

cela n’empêche pas d’être

trempé




puisque les gens que j’aime

sont d’une extrême imprécision

— flottent presque,

j’opacifie



*



prendre appui

sur les plaies vives

l’entrée en paysage de nos corps

leurs cimes mouvantes

au vent jamais éteintes

montre-moi la source

d’un sourire entier

j’abonderai



*



une pluie battante

interpelle ton impréparation


les amours transies

resteront innommées

élague donc

parmi les branches

celles qui ne savent plus

ni recevoir

ni donner



*



j’égrène ces quelques paroles mendiantes

à la façon d’un chapelet de prières

les perles riantes glissent entre mes doigts

impriment le mouvement de la roue

qui cahote, hasardeuse, sur un chemin

de terre mal aplani


il ausculte l’aspérité d’une ronde durée



*



mes pensées adressées à demain se resserrent

en prières

c’est la même salive qui macère la même

faim

jamais assagie

dites comment le jour fait-il pour se hisser

au dessus de la nuit qu’il a engendré



*



polis par la brume

matinale

crânes émergents

des pavillons

pâle figure

perchée là-haut

la vie

remplumée de bonne heure

qui guette

l’écharde noire

le regard crevé je me tins

coi

avec l’oiseau — ou bien

la girouette



*



il y a aussi les heures glissantes

à tromper ta vigilance

de journalier


quand le soleil descend

faire face

daignes-tu voir

ta journée est faite

mais il reste un peu de temps

une eau lente

des ombres fraîches

le hautbois qui s’allonge

et toi avec



*




pluie de laurier rose

s’affaisse sous nos yeux

laisser infuser patiemment

dans la tiédeur la grâce

rude beauté des corps

baignés dans les pollens

tu y goûtes tout autant toi

qui te pensais inhabité



*



on tape sur la frénésie de l’ordinaire

sur les touches froides des pavés lissés

marelle d’une ancienne lave défaite


la mauvaise chanson nous fredonne

nous le connaissons tous cet air


d’heure en heure la forêt pourtant demeure

la pulpe bouillie de l’arbre recueille

notre sang de bœuf qui s’acharne

à dégager le passage au réseau de sève



*



la blessure du soleil

n’en finit pas

de suinter

je n’ai pas renoncé

non

au soin qui t’es dû

le ciel mi-bleu mi-rose

mi-moi

mi-toi

peux t-on panser l’outrance

d’une rencontre et

revenir à nous-même



*



depuis l’éclair du train

l’orée du bois couverte de cendres

netteté blanchâtre


...

septembre octembre novembre se ramassent à la pelle

la première ligne de la phalange

se serre épaule contre écorce

l’épais mystère se frotte les mains

flash révélateur

hagard, pris au piège de l’image

photographique, trace vitreuse

d’absence incrustée

...

et les rails battent en retraite tandis

que la chouette hèle



*



sourire tordu du fil

barbelé

s’effiloche devant le sérieux de l’oiseau

les vies sur le fil



*



Les prunes jaunes et bombées que je croque

me rappellent mes parties molles.


L’abricot, lui, m’indiffère.





je lézarde en rêve

et le mas endormi

fait ses vieux os

dans la trêve du soleil

mes joues de tomettes

et les poutres qui craquent




Non loin de Vannes, pointe du Bile


la vague inlassable

infinie réitération du même

épanchement lancinant

d’une intangible tristesse

comme des corps lointains à eux-mêmes

et qui s’accouplent




*



toutes ces choses oubliées si vite

en délaissant l’enfant sur le quai de gare

la justice dans l’âtre qui brûle d’impatience

la rigueur harmonique du paysage

l’avancée intraitable du lierre



*



corneilles et

bulles savonneuses

diurnes pensées

soufflées, peureuses,

au devant de la nuit

parvenus à sa pruine

nous nous sauvâmes

face aux yeux mi-clos

de la pourpre bruine

du monde en veilleuse

nous laissâmes sauve

l’accoucheuse des songes



*



les préparatifs

quelques certitudes

élémentaires

un sac à dos

l’outre à peine pleine

un grand vent

l’ourlet au cœur outré

là l’impréparée

la bête curieuse

irrigue en sa foulée

les sillons délaissés



*



la vie par à-coups

dans le pli d’une vague

d’une paupière dont le mouvement

t’échappe


rêveur l’eau ne dort pas

le sel de ta journée

gravillon sans scrupules

s’entasse


embruns des visages

qui ne sont pas tiens

respire et chante

avec la houle


hors la rade

navigue à vue



*


j’irai puiser mon eau

avec la lourdeur du grès

logeant dans la simplicité

d’une peau ensoleillée

sans épuiser sa chance


risquer d’y vivre

sans salut



*



logeant dans la simplicité

d’une peau ensoleillée

sans épuiser sa chance

risquer d’y vivre

sans salut

je poursuis

incessamment

le galbe d’une rivière

nappe de brume

d’eaux emmêlées

saboteuse tranquille

qui s’écoule sans fuir

sans trahir le défilé

de ses pas discrets

quand tu le voudras bien

je dirais ton nom

afin qu’on sache

que tout n’est pas immobile




*



obstine-toi à gagner ta journée plutôt que ta vie

escalade les soleils l’un après l’autre



*



la voix rauque et la gorge

rouge à chanter

du jour au jour

fleur d’entre les épines

s’adoucit dans l’ascension

reprise à jamais


l’espace d’une saison



*



eau froissée d’herbes

patiente

verte instable

foin de toi

sencha porcelaine

d’ardeur d’ondée

fin de journée



*



au creux de ta main

des buissons d’impatience


où des couleuvres subtiles

fourbissent leurs armes


sur nos défaites saillantes

des rêves foulés par centaines


peux-tu encore soupeser

la figue éclatante


sans la faire hurler

suave de sucre chaud


ta prise est-elle assez tendre

pour ne pas précipiter les ruisseaux timides


affreuse sécheresse

l’été de ton impatience



*



à n’en pas sortir indemne

d’herbes folles irrités

la rencontre

nos jours se finissent

et nous qui débutons

ensemble au sortir du champ



*



l’automne n’est pas arrivé

je tairai le nombre

de pétales tombés



*



traîne vapeur

perce brume

chant malaisé

s’échafaudant

arc-boutant

ses rayons

ossature

Ô matin !



*



pourquoi tu t’épuises

le ciel, lui, va sans virgules

ta cime au mieux

ta victoire

sera celle du double vitrage


merles et nuages tapent au carreau


paladin vitrier

ta foi transparaît

sans mystère



*




longue avenue droite

foulée

de pas perdus presque

effacés

maraude nue la ville

aimée

ce soir s’est tue mais

en premier



*




je voudrais chérir

l’idée que tu te fais

de nous

semblable à la fleur

d’amande

dans son hiver

de fragilité

dans son printemps

de bonté

périr dans des mains

gourmandes

la coque cédante

y donner un fruit

à la faim



*



tu pris ton temps

pour emplir mes poumons

désormais tu t’appliques

si tu viens à ma rencontre

c’est à ta guise

porte pour toi

entrebâillée

astre monstre

lucidité

es-tu permise



*


d’amour agir enfin

non pas assagir

nos meurtrissures


nuages communiant

entrelacs de foudre

qui vaincra l’horizon


à la coulée venimeuse

d’un lierre massacreur

répondra la brûlure


muscle débutant

fruit rond de colère

d’amour démesure


battre enfin la mesure

d’amour armons

la fanfare


d’amour agir enfin

honnir le malaise

les mains qui l’assurent


nos mains peu sûres

d’amour agir enfin

désherber l’horizon



*




laisse aux psychiatres

le soin d’asséner

les saines colères


saisis bourdonnant

à bras le cœur

l’essaim d’aimer l’éclair projeté

de radieuse colère


la saillie du désastre

nous enfantera



*



depuis que le vent vint s’abîmer sur ma face

je tiens ferme mes raisons


qu’est-ce l’âme sinon

une respiration partagée



*



à la poursuite des premiers rayons

des vers de la bonne chanson

la plaie des pluie la nouvelle saison

gâte les pommes les moissons

à la poursuite des derniers rayons

de pollens et de frondaisons



*



ma conne de joie hurle toute la nuit


laisse faire, va !


qu’elle réveille le chien qui n’attend que ça

au risque du faux départ


qu’elle réveille les voisins qu’ils sachent

de quoi j’ai l’air


qu’elle relève l’astre enfin,

car mes roses sont grasses d’amour

en colère d’éclore



*



ta flamme vacille

et l’automne est d’or

volutes en trilles

ma chanson à clore



*



tu me parles d’évidence

et tu as les mains étrangement propres


tu me parles de beauté mon ami

et tu as une sale mine


tu me connais si bien l’ami

la porcelaine pâlit

à la vue de mes gros doigts roses


délire de bris



*



magnolia bougon

magnolia poupin

magnolia en neige

magnolia en fleurs

magnolia en pluie

magnolia en flaque

magnolia en boue

Alexandre en fleurs





Suite de la sente des ronces



la joie non plus n’est pas tienne

accepte-la, accepte-le

ce bras de ronce qui t’égratigne

l’exécution, longue et pénible

à peine un sourire jalonne et fait

frisonner les vallons

aux contours vaporeux



*



où que tu sois, elle t’épie

épaule colombe

nez de ronce

horizon charnu mais pincé

ta leçon sur le bout des doigts



*



quand tu vas aux mûres c’est la ronce

qui cueille tes gouttes de sang

qui prélèvera l’amour vermillon

la colère d’émeutier

quand il n’y aura plus de mûres




*



ne te fie pas à cette moue d’enfant

potelé


ces sourcils souverains

connurent les jours de suie les jeux d’ombre



*


Solitude : exposition plein soleil.



*


jachère du salon


l’ébréchure excède le verre couché le miroir brisé l’orchidée fanée


toutes les surfaces sont coupantes

solitude comprise



*



dépôt blanchâtre

sur un bloc musculeux d’angoisse


glaçage acidulé

le sexe aux bords émoussés

dépression.



*



Pour J.


à tes pieds ce cœur chaud

mâchonne et mordille

une brindille à l’articulation raide

puis un bout de menthe parfumée


ce cœur chaud confond parfois tes orteils

avec son trophée


est-ce invitation au jeu


toujours est-il que tes pieds saignent

qu’une huile glaciale coule et se répand

sur la terre



*


Pour Talou



chaque été, au moment de sa belle mort

de son déclin attendu (parfois espéré tant la saison s’accroche à son

miel)

je m’offrais aux baisers de ronces


et tout ça pour quoi


pour des poignées sanguinolentes, pour sentir la rage

colorer la commissure de nos lèvres


dans mon panier de chair, mes mains liées en geste d’aumône,

accueillaient des baies charbonneuses


et tout ça pour quoi

des mûres



*



les baies grelottent tout bas

pendues aux doigts crispés de froid

d’un rouge de lèvres pincées


rouge prêt à éclater


vent de nouvelle année apposant

sa promesse sur l’épaule

d’un terrain encore vague



*



il y a des fossés qui chantent

des idées de ronces mûrissantes


et des mains sanglantes

pourtant épargnées


la beauté sans doute

donne à l’eau maigrelette

l’envie de s’écouler jusqu’à nous

la soif demeure intacte




Transit des ombres





Tristesse de contre-basson. Note mouron.



*



sur la crête des nuits

sans lunes

ne sachant plus quelle position

adopter


le chemin est un mauvais souvenir


un pain de patience

se consume

et l’engourdie qui remue

tient son ventre

arrondi



*




reste le son de tes pas

après le réveil

un long étirement

ronde mollesse

de basson


reste le son de tes pas


sortant de la chambre

ces petites notes

martelées

sur le tapis

reste le son de tes pas

pizzicato

qui trotte en moi



*



Chemin de Vacqueyras



escalade de noirs cyprès

la cordée périlleuse des gardiennes

à l’assaut des collines


veillée des femmes

écharpe subtile

tient à distance


ce que les hommes

apprirent et retinrent du loup



*



Rennes, 2021


la lumière aujourd’hui

n’a pas daigné

saluer mon salon


je n’en garde aucune

rancœur

— sinon pour moi


qu’ai-je fait pour

être si sérieux

si vérace

— impénétrable


je pensai à mon enfance

moi qui fut rivière

allant sans rien savoir

des transports minéraux


le soleil y barbotait

goulûment

ses rayons clapotaient

tout y était chair de poule

autant dire clair et humble

nous riions sans crispation


je n’ai pas été fidèle

à moutonner mes colères

mes contradictions froissées

mes petites pétrifications

mes calculs et mes autres

lâchetés faites au monde


ce jour

je ramasse humblement

ma poussière

demain me dira bien

ce que je suis

ce que je ne suis pas



*



la poisse aujourd’hui dense

des bras ballent lentement

comme ces branches lourdes

de noisettes trop vertes encore


la poussière de craie fait crisser

toute l’étendue du ciel où rien ne glisse

mais ici tout s’accroche et s’agrippe

les vêtements et les remords



*



il ne distingue plus

l’étoile filante

de l’éclat d’obus

le gosse courbatu

et la mort aimante

son quignon ardu

il pousse rêche et dru

tandis que s’aimantent

aigreurs et rebuts



*



moi c’est le trèfle qui me cueille

me surprend sur les routes prises

m’arrache à l’infertile glèbe urbaine

— aubaine terreuse


ah ces mains savonneuses, ces saluts pressés

ce compte juste des jours

cette trace chiffrée


ces mains précieuses et graciles

— ces donneuses d’ordre !

qui craignent les entailles qu’avive

la caresse venteuse


sentent-elles encore

je veux dire Saignent-elles encore

sans stylet à tenir ferme

sans même gratter la page jusqu’au sang

— vite caillé et noirci


restera toujours

(peut-être)

des basses œuvres


mais seuls les écorchés

pourront de droit ouvrir

le livre d’or et y parapher

la trace de leur vies



*



je fumais pour savoir jusqu’où mes soupirs

pouvaient se répandre



MARE NOSTRUM


marée noire



*



longtemps je me levais après le soleil

ne voulant rien entendre de l’origine

du poème


je vivais en une époque de fils et de filles

sous la dorure de la mollesse

sur une terre reliquaire


vint l’entraperçue

les insomnies en plein jour ;

malaise s’insinua


le locataire de mon corps devint

matinal — les lettres tout contre la voix

dans l’angoisse luxueuse du temps



*



les frênes familiers perdent leurs feuilles

à l’occasion de fines branches


naguère le vent

n’aurait pas suffi


ah mais le sentier se hérisse

la torche embrase au passage


les regrets

et la voie ferrée



*



paraît-il qu’on ne repêche que des corps

sous les bandages gris bleus de la Méditerranée


chaque jour ou presque un peu plus salée


MARE NOSTRUM



*



le sel de mes larmes

jamais ne me fera boire la tasse


MARE NOSTRUM


tandis qu’ils sombrent

dans l’azur de notre indifférence



*



l’azur raison fait raser les murs aux ombres


les cernes des martyrs sont des auréoles inversées

et nous tendons nos bras de noyade


MARE NOSTRUM




Reprise du chant






c’est la poitrine d’un jour plein

du même bleu de songe

qui se lève et s’allonge

puis qui revient


des collines

à la lande nue

à perte de vue

la fessée du vent

et l’on s’aime

pour moins que ça




un merle surpris file droit

galet ricoche

et la forêt avale tout

jusqu’à mon nom




l’instant intime d’une brise

lui viendra

des papillons traçant des perspectives

malhabiles et chancelantes

reste frêle avec les frêles




*



il vente à en défroisser nos cernes

je crois voir, heure présente

que la cataracte du lierre

n’accapare que mes pensées

les moins souples

les plus raides


taillez le bois mort

vous me surprendrez

tendre




dans la venelle hivernale

de notre passé


l’aube et l’amour captifs

dans une vague idée


portée par une tête lourde

quand vient le soir


l’impossible arrive, il

est bruyant dans sa marche


l’air comprimé passe en trombe




je n’ai pas su bien lire

l’écriture hésitante des racines

à fleur de marche


à qui appartient ce cri

ce rêve de fougère


la butée m’interpelle

faisant jaillir des volatiles

aux noms oubliés


d’où vient l’unisson de nos

corps disparates




quelques branches éparses

l’éclat de la cerise fendue

ton appétit d’enfant


à vol d’oiseau se plaisant

tout est là, tout est nu


sans rien toucher

la beauté encombre

tes mains




*




d’après Geneviève Asse



harpe au tendon

foulée du feuillage

marches automnales

déliées à notre passage

bruissement du jour

attendre, en nage,

legato irréparable

banc de nuages

tu cours l’amour

chante l’âge

sur le parterre du ciel

aux bleus d’Asse




*



Pour Julie


soeur de mars

louée l’averse en elle

qui n’a le luxe

du cristal

rien ne s’additionne

tu me succèdes

la pointe du bourgeon

à la gorge

je me rends




inombragée

une seule et même pièce

la vie passée dehors rétive, à l’évidence

rétive

la buse épie l’en-bas

se méprend-elle parfois

sur notre allure vive




l’étreinte de l’eau fraîche

rameute les sens égarés

revenus de leurs fausses pistes

au foyer glacé de l’attention


présence du poème

la traque

du lit ardent de l’union




marche quotidienne

suivre le poème à la trace

la joie éparpillée

livrée à elle-même

l’énergie papillonne




remuement inaudible du branchage

tamis d’une idée fixe

jours durant


et ce râle continue de la circulation

empêchée des automobiles


tache noire : fatigue ou corneille

point de fuite

défenestrée


franchit-on jamais le seuil et surtout

peut-on s’y reposer un moment


improbablement

imperturbablement


comme le mendiant horizontal dans la rue

sa poussière dans l’œil



*



confiance en la branche qui te retient

allant sans crier garde

sur les pistes rebattues


confiance en la racine qui te plaque

au sol meuble et frais

la terre palpite horizontale




il n’y a plus de chemin

et la neige n’est pas fautive

reste l’ombre de tes pas

et le chemin à tracer




soleil céramique au matin

la face aplatie : tant de grandeur

hors les murs

l’infortune

ni chaud ni froid

je tends les bras

pour un monde préférable

tendresse tenue jusqu’au fêle




la surface argentée de l'étang

recueille, vase funéraire,

une pluie de feuilles frissonnantes





lente agonie du beau

spectacle et flanelle de fleur fanée


qui s’effare

qui a l’idée de la courbe


ligne de partage

tristes mathématiques




un ciel de vaincu

éclabousse la tôle

et le zinc des toits


fenêtre ne dit mot


qu’importe en silence

je me pencherai

sur mon ouvrage


lampe au chevet


une araignée pour fraternelle

animale



*



si ce jour parmi tant d’autres

j’ai pu dire je

c’est grâce à vous


je sais mon poids

me sais vulnérable et veux être ainsi


panier tressé accueillant

des fruits


poterie un peu gauche

obèse aimante


arracheur de lierre dans les

haies


galet mordoré tétant l’eau

lové dans une rivière au nom coquet


où seuls les enfants, à la peau

d’ocre, au grain fin et gras

vont se baigner — les sauvages

tandis que leurs parents flairent

la fugue à la trace


je suis le galet empoigné

suant en filets limpides

d’une eau claire opalescente

pour être balancé

d’une rive à l’autre

d’une demeure à l’autre


il vit ainsi de ces transports

hôte muet de tant



de mains


par ces ricochets

il pèse si peu, alors,

peu importe où

il retombe





***

**

*