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AUTEUR-E-S - Index I

74 - Luc Loiseaux

Mameluck des rêves d'alcool

Mameluck des rêves d’alcool


1.


L’éclatante victoire sonne sur Mamelück dont les flamboyantes armées sont trépassées sous des feux très roses./

En un seul flacon, l’adversaire est rompu et les tambours dorés sonnent un hallali au grand désert de feu./

Mon ami anéanti sous la mitraille et les cohortes, les chassepots en pierre, la vermine des fûts et les plaintes moroses./

Crie encore « Vive ! » sous un brouillard d’alcôve qui est tiré ainsi qu’un rideau sur sa pauvre vie et lui qui voulait être heureux./


2.


Impavides et fiers, les rêves ont gagné lentement avant d’emporter le parfum sombre de leurs espérances./

Drapeaux funestes, arches maudites qui sentent bon la lune et nappes de soie : ces emblèmes anciens ont péri./

La défaite a fleuri, le triomphe est sous la vague que nul n’impressionne car la nuit est sa mère et l’audace l’élance./

Ses yeux divins ouverts sur l’automne des hommes psalmodie en un flot triste une ode qui murmure : venez vous abreuver à l’ivresse bénie./


3.


Voyagez avec ferveur en ce clos fabuleux, mais n’en sortez jamais : la frontière du noir raisin est ainsi que la rive des panthères rousses./

Je l’ai franchie invisible et fantôme, la nacre entre les lèvres, je la franchis encore calmement ainsi qu’un homme berce un taureau./

« Ne la franchis jamais car passé les limites, es-tu recommandé de Zeus, de Daphné, d’un miracle enfin ?"./

Dans l’ornière qui murmure, ma jambe gauche halète, je réclame de l’air ou mieux une parque amère et tout ce que l’on m’offre est une bicyclette sans frein./


4.


Un seul azur prétend réunir les derniers de la troupe, qui crient Ariadné, Eulalie et Marianne./

Eux vont au front de Zeus porter, étinceler les parades d’opale, vers eux glissent des blancheurs d’occidents./

Leurs sombres bras se sont élevés au néant ainsi qu’un arbre mort, Héraclès dompte seul la fleur qui fane./

Mameluck, tu mourras d’un seul seul trait, ainsi que l’on berce en enfant dans le flot qui murmure au sein du firmament./


5.


Très tôt, dès le matin règnent dans les ornières, les immenses aurores, les corps nus dévorés par l’ivresse et le feu, la fuite et la frousse./

Très tôt, même en juin, épave sur la grève, tu contemples en riant les étoiles qui prient et le long bleu du ciel qui pourrait t’inspirer./

Un vitrail d’église planté dans ta poitrine serait un bien certain face à la souffrance qui t’achèves, bien à plat sur la mousse./

Tu as assassiné le matin de tes rêves, tu as brisé le brocart des espérances sur les falaises blêmes d’où tu voulais te jeter./


6. 


Fuyant toute morale, des litres dans son coeur, brave et anéanti, l’Empereur désire sincèrement manger le goût de son âme entre deux tremblements./

La rue n’est pas un lit, ni la vie un wagon, il n’est jamais riche et beau de s’étendre au dedans en dévorant la vertigineuse sève./

Mameluck lève-toi de ton rêve égaré, Mameluck ta force élevée en lueurs étranges que nul ne comprend./

C’est ta chair, ton partage et ta foi : c’est un diamant, alors verse aux considérations religieuses ce qui est bref ainsi que ta vie que tu abrèges./