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AUTEUR-E-S - Index I

64 -Lucie Boulangé

Génération UpBeat

Dérive(s) : journal de la génération UpBeat

 

Je suis « Up Beat ». Et vous ?

***

 

« D’où vient ce mal-être ? »

 

Il a fallu laisser tomber. Laisser vieillir jusqu’au cancer, laisser ternir jusqu’au suicide de l’âme, laisser tromper jusqu’au désamour de l’Amour-même.

Laisser pourrir jusqu’au burnout inévitable de l’Humanité.

 

Pourtant, écorchés, marginaux, éphémères, tendres esthètes et poètes de la crasse et du néant, hissons la grand-voile ! Ce ne sont plus les routes de Californie mais les rues glauques de la capitale, Paris embrasée par nos rages-foudres comme par nos amours passionnées. C’est Noisy, Champigny et Saint-Maur, peinturlurées de Bacchanales sans origine et sans objectif. A coup de mégots, à coup de toxines et d’évasions sérotoninergiques, ces chantres désabusés crient « Liberté » par-delà les vitres des RER, eux qui furent élevés à la dopamine, et éduqués aux benzos.

 

Dans leur errance, ces marginaux auto-proclamés s’illustrent par leur(s) dérive(s). Les dérives bleues de la nuit d’abord, ces excès, ces aventures, qui causèrent la perdition de certains tout en prouvant leur existence à d’autres. La dérive qui nous fait prendre le large ensuite. Celle qui nous laisse espérer, quittant d’hostiles rivages, trouver un mieux, soi-même, ou simplement quelque chose qui nous rendrait croyant. En un Dieu de vertu, d’humanité ou d’opprobre, qu’importe puisqu’au moins, il aurait le goût de dépasser nos (sur)vies sacrifiées ? La dérive poétique enfin, qui comme la musique libère l’âme tout en dissociant l’esprit, nous laissant un répit, un espace pour rêver. Au milieu des décombres. Un lieu secret pour (se) réinventer.

 

La génération « Beat » accoucha ses « clochards célestes »[1] dans les années cinquante : celle que je propose aujourd’hui de nommer “Up Beat”, engendre à son tour ses vagabonds existentialistes et chimériques. Je prends le pari d’affirmer que, comme pour leurs ancêtres, le mot “Beat” signifie battu, perdu, paumé, mais renvoie également à la béatitude et à la recherche d’un nouvel idéal. En outre, et comme pour eux, je pense que ce terme nous renvoie profondément, inexorablement, à la musique et à son caractère sacré. Car elle réunit, car elle libère. Car elle nous dépasse, là où la transcendance n’est plus.

 

Et si ce n’est plus au son du jazz, c’est au tempo révolté de l’acid, de la transe, de l’indus, de la psy, et souvent de la Techno que nos cœurs dropent le « Beat ». Un « Beat » fort, tranchant, haut, brutal. A coups de poings et de pieds déliés de leur Fléau. Des hommes et des femmes à six cordes campent dans la cale de caveaux oubliés, où le Rock incandescent décoiffe encore quelques mèches rebelles. Branchés, nous sommes “Up Beat”. Vaincus, terrassés, les crises d’angoisse font battre nos cœurs plus vite. Là encore, nous sommes “Up Beat”.

 

Un instrument du réveil, enfin ? Evidemment ces exutoires, ces cérémonies aux encensoirs de néons, exorcisent notre perdition et laissent croire qu’un Tout nous rassemble. Oh corps évaporés, combien de voyages transcendantaux avez-vous parcouru devant les caissons, combien de danses chamaniques s’improvisèrent peau à peau, combien d’extases à l'unisson ?

 

J’ai vu l’astrale volupté des « nuits sans jours », et elle possède ses disciples plus égarés et plus sublimes que jamais : à tout prendre sans attendre, ils révolutionneront à nouveau le monde.

 

J’ai décidé par cette série de poèmes, cet ensemble de « dérive(s) », de brosser le portrait de cette génération, de ce mouvement que j’imagine : errez sans crainte dans notre sillage, et dispersez sans retenue notre message. 

 

La paix s’accroche à nos iris vibrants et éplorés.

 

La génération "UpBeat" s’inspire de l'errance et de l'excès, de la rébellion et de l’espoir. Elle appelle des artistes qui, à travers des formes poétiques variées, sont à la fois des créateurs de chaos et des témoins de la sensibilité humaine. Leurs œuvres font écho à l’angoisse existentielle et à la recherche d’un idéal et d’une forme de transcendance, dans un monde moderne souvent aliénant. A travers leurs mots, leurs visions et leurs sonorités, ils incarnent cette quête de liberté, ce « beat » qui vibre dans les marges de notre époque.

 

Voici une proposition de poètes et musiciens français contemporains, qui pourraient incarner l’esprit de cette génération : VASQUEZ Laura ( « Le livre du large et du long », 2023, Editions du sous-sol ; « Vous êtes de moins en moins réels, 2022, Points), BATTAL Rim (« Les quatrains de l’all inclusive », 2021, Le Castor Astral), JOHANNIN Simon (« Nous sommes maintenant nos êtres chers », Points, 2020 ; « La dernière saison du monde », Allia, 2022 ; « Nino dans la nuit », Allia, 2019), BARBARANT Olivier (« Séculaires », Gallimard, 2022), MAZUE Ben et Grand corps malade (« Les correspondants », J-C Lattès, 2022), BAROS Linda-Maria (« La nageuse désossée – Légendes métropolitaines, Le Castor Astral, 2020), CLERC Thomas (« Poeasy », Gallimard, 2017), BOUQUET Stéphane (« Vie commune », Champ Vallon, 2016), SIOEN Laeticia (« Errance », site Poetica, 2016).


https://open.spotify.com/playlist/2X8ZGlT8umYFoKgZwJy85c?si=GsK-VyYpQP2V3CJi6w2Kmg&pi=e-Q7nAhromSgq5


[1] Jack Kerouac, 1958