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COMMUNIQUÉS DE PRESSE DE LA REVUE

Revue n.66

 

« Les anciennes formes ont vieilli, elles sont devenues des automatismes. Il est temps de leur redonner du sens et du souffle. Nous sommes entrés en poésie dans l’ère du lifting. » Pierre Lamarque


Des vers libres de Jérémy Semet à la prose de Rémi Letourneur, en passant par la transprose de Patrick Modolo, la revue La Page Blanche met à l’honneur les formes dans toute leur diversité. Ainsi, le lifting en poésie reviendrait non pas à lisser les aspérités, les différences, mais bien au contraire, à les valoriser pour mieux les dépasser. Mais quel élément permettrait alors de distinguer le genre poétique ? Pourquoi La Page Blanche serait-elle une revue « de poésie » ?

S’agirait-il des sujets abordés, comme on associe souvent le genre poétique à l’épopée – qu’elle soit géographique, métaphysique ou sentimentale ? Le temps du mythe est révolu, place à l’extra-ordinaire. Alors parfois, certain(e)s se fondent dans l’onirisme, et leur tête « se renverse dans la perpétration du bleu » (Bruno Giffard), quand d’autres, au contraire, prennent le parti de l’ultra-réalisme, se rappelant « nés provinciaux, grands banlieusards, nous logions dans de vastes hangars anonymes que nous n’habitions pas » (François Audouy). Mais sur le fond, les auteurs de ce soixante-sixième numéro nous invitent quasi-unanimement dans ces moments tragiquement anonymes de l’existence, avec leurs errances, leurs brèves illuminations, leur vulgarité toute entière. Ainsi, si « la crise fait le choix des gyrophares » (Anne Barbusse), si « le ciel bleu est un gros con » (Heptanes Fraxion), si « toute ville a ainsi son mur frappé d’un amour naissant », au final, « il n’y aura eu que le temps » (Philippe Blondeau).


Mais si ce n’est la forme, et si ce n’est le fond ? A coups de bistouris, dans son lifting, la poésie aurait-elle perdu de sa singularité ? Bien au contraire. « Qui tient la salière de nos vies ? » questionne Tom Sajat. Sans pouvoir lui répondre, je pense néanmoins pouvoir faire le constat que le sel ne s’explique pas, il se goûte. A la lecture de ces textes, quelque chose d’étranger au domaine de l’intelligible se produit. Nos poètes, ainsi émancipés, sont liés par une forme de transcendance : en donnant vie à l’ineffable, ils créent le sentiment. Et c’est là, que surgit la poésie.

Le message n’est alors pas compris, il est vécu. C’est ainsi, et ainsi seulement - sans « poétiser », sans « poémiser » - que véritablement, l’on écrit de la poésie. Phénomène intime, souvent cru, et parfois violent. Car provoquer la sensation est une violence et une épiphanie : quelque chose d’occulte, tout en étant profondément humain.


« Et tout le reste est littérature. » (P. Verlaine, Jadis et Naguère, 1884).


Lucie Boulangé