Le dépôt
Poems
For Carolyn
I am a ghost, phantom, fiction
from you I draw flesh, gesture, presence
from stone, tree
grass, sky, clouds,
rivers, light which lifts, light
which flashes
this your strength
this your shadow
from which
I am born again, again, and again
present, composed, vibrant
because you
because I have become the man
you want
because in love life drinks
because this, this kiss,
lips to air to lips to light …
Allan Graubard
Pour Carolyn
Je suis un revenant, un fantôme, une fiction
en toi je puise chair, geste, présence
la pierre, l'arbre
l’herbe, le ciel, les nuages,
les rivières, la lumière qui se lève, la lumière
étincelante
c’est ta force
c’est ton ombre
d’où
Je renais chaque fois, encore et encore
présent, calme, vibrant
grâce à toi
parce que je suis devenu l’homme
que tu veux
parce qu'en l'amour la vie s’abreuve
Parce que ce, ce baiser,
des lèvres à l’air aux lèvres à la lumière
Allan Graubard`
Trad. G&J
World Without End
for David Gascoyne
There he is again
Silver hair, high-toned sibylline reading his last poem
Or not so last but left in these last days of Corinth silence
Neglected ruins pitched to the sky
Hopeless fantasy still on the sly straddling narrow banks, a mill wheel for grinding wheat
And the surging Potomac on hotter days sparkle fleet as if Mercury in yellow reruns
Chanced this way
I run aground
Seeking solace in frail, wind-tipped images
That have as much of life as a breath might glean from midnight’s moon
scudding tin-tinged clouds
And now the silence settles in his voice
That vision years back, the sudden grainy gold of dusk
Floating in viscid air
Mimicry in March years later, but this in snow and sun above a late winter Hudson
Where Spring had come ashore in quick green infant buds and gulls roamed, perhaps a hawk higher up and higher still a jet
Only this fragment, Gascoyne
Today
The late afternoon levels me
Some ill adaptation to the current disaster
The usual mull of traffic distended verb crowned with spurs of laminate
However insubstantial …
And still your voice in shaky tremolo, arthritic fingers curled around the edge of the book, not lament but epilogue to askesis,
For those of us
who listen, now
the whirlwind …
“for that which is above … as that which is below
For the perfecting of the One Thing, which is
As it shall ever be, World without End”
Allan Graubard
Monde sans fin
pour David Gascoyne
Le revoilà
Cheveux argent, élégant sibyllin lisant son dernier poème
Ou pas si dernier mais laissé dans ces derniers jours de silence à Corinthe
Ruine négligée dressée vers le ciel
Fantaisie pour toujours sans espoir sur des rives étroites et bancales, roue de moulin à moudre le blé
Et le Potomac en plein bond aux jours les plus chauds faisant briller sa flotte comme si Mercure en replay jaune
Courait le risque de cette façon
Je me suis échoué
Cherchant du réconfort dans des images fragiles, agitées par le vent
Qui ont autant de vie qu'un souffle pourrait glaner à la lune de minuit
des nuages d’étain teintés filant à toute vitesse
Et maintenant le silence s'installe dans sa voix
Cette vision il y a des années, l'or granuleux soudain du crépuscule
Flottant dans l'air visqueux
Mimétisme en mars des années plus tard, mais cela dans la neige et le soleil au-dessus d'un Hudson de fin d'hiver
Là où le printemps avait débarqué en rapides petits bourgeons verts et des mouettes erraient, peut-être un faucon plus haut et plus haut encore un jet
Seul ce fragment, Gascoyne
Aujourd'hui
La fin d'après-midi me nivelle
Quelque mauvaise adaptation à la catastrophe actuelle
L'habituelle mousseline du verbe au trafic distendu couronné d'éperons de stratifié
Cependant insignifiante…
Et toujours ta voix dans un trémolo tremblant, tes doigts arthritiques enroulés sur le bord du livre, pas lamentation mais épilogue d'ascèse,
Pour ceux d'entre nous
qui écoutent, maintenant
le tourbillon…
"pour ce qui est au-dessus ... comme ce qui est en bas
Pour le perfectionnement de la Chose Unique, qui est
Comme elle le sera toujours, Monde sans Fin"
The garden, an apparition
Where is that garden of sweet pea
That once embraced us?
That iridescent mist
That rose from the flesh
Those first frail stars
And vanished time
Intimate clarities
At summer’s end
Ariadne’s thread
And slow swirling gyres
Redolent lust
Without hope, without end
*
In each brief breath
It is born and dies and lives again
Allan Graubard
Le jardin, une apparition
Où est ce jardin de pois de senteur qui nous a embrassés une fois
Cette brume irisée qui est sortie de la chair
Ces premières étoiles frêles et le temps disparu
Clartés intimes à la fin de l'été
Le fil d'Ariane et ses tourbillons lents
Luxure odorante sans espoir, sans fin
*
Dans chaque bref souffle elle naît et meurt et revit
Alain Graubard
Trad. Gilles&John
THE TANGO
Because the tango wants to tear your heart out and leave you breathless
At the edge of the river
Where cypresses bend low in the summer heat
White drifts coiling languidly in the burning blue
Dragon flies with tiny jade shovels sprouting from their eyes
Lifting mossy baubles in homage to the light
Muddy totems from an ambient death 1873 tornado weaving quick biers of splinter and ash
Because the music wants to cast its spell over these febrile words
While dancers trade geometries of shadow for encrypted kisses, sheer nylon bands that lift us from the armpits to glissando transits
Because the music wants to combust cradles from deveined wintry wampum scattered across the table at dawn
Because in their empty pockets sidereal monuments brush fleeting faces in dusty windows that, once ingrained, fondle distraught mementos, meeting you
that last magnetic station
those flags of mucous and blood
eruptive ballerinas caged in dice armadas
Because the music sifts islands through its clichéd pirouettes
And it just doesn’t matter how many times it does it
Because the music wants you here, not there or then but where you are and ever are
Fabulous ancestor viscous windy bust
Nightingales charmed by Thyrsus dips and turns
Because the tango dresses us
In moist slivers and leaf-lush falsetto
Stripped thighs
Ankle hands
Pendulum legs
The tango
-- Allan Graubard
LE TANGO
Parce que le tango veut t'arracher le cœur et te couper le souffle
Au bord de la rivière
Où les cyprès se courbent dans la chaleur estivale
Du blanc dérivant langoureusement dans du bleu brûlant
Un dragon volant avec de minuscules pelles de jade qui lui sortent des yeux
Soulevant des babioles moussues en hommage à la lumière
Totems boueux d'une tornade de mort ambiante en 1873 tissant en vitesse des linceuls d'éclats et de cendres
Parce que la musique veut ensorceler ces mots fébriles
Tandis que les danseurs échangent des géométries d'ombre contre des baisers cryptés, des bandes de nylon transparent nous soulevant les aisselles en transits glissando
Parce que la musique veut brûler des berceaux de wampums d'hiver déveinés éparpillés sur une table à l'aube
Parce que dans leurs poches vides, les monuments sidéraux effleurent des visages fugaces dans des vitres poussiéreuses qui, une fois enracinées, caressent des souvenirs désemparés, à ta rencontre
cette dernière station magnétique
ces drapeaux de mucus et de sang
ballerines éruptives encagées dans des armadas de dés
Parce que la musique tamise les îles à travers ses pirouettes de clichés
Et peu importe combien de fois elle le fait
Parce que la musique te veut ici, pas là ou là mais où tu es et où toujours tu es
Fabuleux buste venteux visqueux d'ancêtre
Rossignols charmés par les plongeons et virages du thyrse
Parce que le tango nous habille
En lamelles humides et falsetto aux feuilles luxuriantes
Cuisses dénudées
Mains chevilles
Jambes de pendule
Le tango
--Allan Graubard
traduction de Gilles&John
FOG
Fog, sun
Wisps of cloud
From the sea she comes, chimeric
Long low whitecaps, her bangs
Bass horns, her lips
In fog I call you
In sun you return, singing
Red coral eyes
And thick black lashes
Tell me your name again –
Thrush, Robin, Mockingbird
-- Allan Graubard
BROUILLARD
Brouillard, soleil, mèches de nuages
Depuis la mer elle arrive, chimère
De longs et bas chapeaux blancs,
Sa frange en cors de basse, ses lèvres
Dans le brouillard, je t'appelle
Au soleil tu reviens en chantant
Yeux de corail rouge
Et cils noirs épais
Dis-moi encore ton nom -
Grive, Robin, Oiseau Moqueur
--Allan Graubard
Traduction de Gilles&John