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blanche

Le dépôt

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Sans dessus dessous

Poèmes inverses, par Philippe Minot

Ces poèmes de Philippe Minot, presque oulipiens, proposent un aller-retour dans la lecture, dans un même mouvement. Le sens s'en trouve donc changer. Bouleversé? Renversé ! Un sens inverse, qui laisse parfois le lecteur interdit.


Ab oculis


Nous ne verrons plus jamais

La houle qui chavire

La lame qui s’effondre

Les vagues qui refluent

Le jusant qui s’allonge

Nos valses qui s’élancent

Nos danses qui s’enlacent

Nos corps qui chaloupent

Nos désirs fantômes

La douceur et le vent

Et la beauté des roses

Et l’amour qui s’efface

Et l’amour qui s’efface

Et la beauté des roses

La douceur et le vent

Nos désirs fantômes

Nos corps qui chaloupent

Nos danses qui s’enlacent

Nos valses qui s’élancent

Le jusant qui s’allonge

Les vagues qui refluent

La houle qui chavire

Nous ne verrons plus jamais


*****


Vanité


De nos vanités que reste-t-il

Des lettres à deviner

Ta peau de porcelaine

Les brûlures du jour incendié

Quelques chemins ardus

Quelques bracelets qui ne tintinnent plus

Quelques taxis pressés

Quelques voitures tachées

Quelques gamins grandis laissés en chemin

Un voilage flottant au vent frais d’aube

Une sonnette malmenée

Une porte fermée

Des clés à échanger

Des entêtements muets

Des entêtements muets

Des clés à échanger

Une porte fermée

Une sonnette malmenée

Un voilage flottant au vent frais d’aube

Quelques gamins grandis laissés en chemin

Quelques voitures tachées

Quelques taxis pressés

Quelques bracelets qui ne tintinnent plus

Quelques chemins ardus

Les brûlures du jour incendié

Ta peau de porcelaine

Des lettres à deviner

De nos vanités que reste-t-il


*****


A l’écarté


Se tiennent à l’écart

De vagues immensités

D’anciennes cités d’or et d’orichalque

La rareté du riche

Et la pauvreté des rôles

Et les corps suppliciés

Et d’ardents bûchers

Et le rire édenté des drôles

Des peaux desquamées

Des majestés de corps allongés alanguis ou rongés

Des peaux à caresser

Le silence des regards échangés

Et les égards muets

La paucité des paroles

La douceur des intimités

Dans le torrent des tortures

Dans le torrent des tortures

La douceur des intimités

La paucité des paroles

Et les égards muets

Le silence des regards échangés

Des peaux à caresser

Des majestés de corps allongés alanguis ou rongés

Des peaux desquamées

Et le rire édenté des drôles

Et d’ardents bûchers

Et les corps suppliciés

Et la pauvreté des rôles

La rareté du riche

D’anciennes cités d’or et d’orichalque

De vagues immensités

Se tiennent à l’écart


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Souffles


Nous aurions besoin d’une voix

qui parle aux marins

qui fredonne l’air de rien

qui siffle comme le vent

et souffle d’un évent

qui crie comme mouette au large

qui murmure aux feuillages

qui coule sous la porte

qui roule comme un torrent

et susurre comme un ruisseau

qui prêche les oiseaux

qui démâte les bateaux

et démonte les flots

qui murmure quelques rares mots

qui murmure quelques rares mots

et démonte les flots

qui démâte les bateaux

qui prêche les oiseaux

et susurre comme un ruisseau

qui roule comme un torrent

qui coule sous la porte

qui murmure aux feuillages

qui crie comme mouette au large

et souffle d’un évent

qui siffle comme le vent

qui fredonne l’air de rien

qui parle aux marins

Nous aurions besoin d’une voix


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Paucité


Le peu qu’il reste

Décombres gris des cendres

D’une cité foudroyée

Héron cendré zigzaguant à son nid

Héron rare des fastes augures

Haruspices

L’antienne

Du bal ancien

La balancielle

Qui baille au ciel

Un rien de jeu dans les contraintes

Remords regrets

Rejets des contraires

Quelques cartes mal données et tôt gâchées

Une esthétique qui se revendique et s’étrique

Un plâtre de poulbots enlacés qui gît à la table de nuit

Une Velléda parmi l’odeur fade du réséda

Aux vêpres du jardin affraîchi

Quelque Velléda rouge ou vert au caniveau du tableau

Des souvenirs de poudres de craie au costume étriqué

Quelques poutres qu’on se refuse à croire

Quelques ombres surgies des années

Des bouquets fanés de fleurs fatiguées

Ton prénom d’amour fantôme

Le soleil noir de ton œil hagard

Tes essoufflements

Sémélé ton foudre

La bière des passés

Sémélé ton foutre

Le feutre d’un ou deux chapeaux noirs

Le feutré de nos espoirs

Récit du glacis

Si peu qu’il reste


*****