Le dépôt
FORME –– DÉSERT [poèmes]
comme un poisson sur le pont d'un bateau
voyant sans voir ces minutes interminables !
le caoutchouc des bottes une plaque de fer un filament de ciel
nos têtes enfoncées au fond de la nuit
dans la maison qui change de rêve ––
des formes troubles passent dans les couloirs
des chats huant traversaient ton sommeil
la pluie encre sale boueuse
une lumière infirme
effaçant la lune un crachat
accroché au ciel
l'idiot –– son œil clair
les araignées formaient un cristal
les miroirs
le sommeil muet ––
creusant cette noirceur du temps
brûlure
cette ligne de sang sur le mur
le crâne du chien
le couteau sur la table
la bouteille d'alcool blanc
ciel ––
comme
une plaie
sans bords
les cils brûlés
la tête dans la poussière
l’œil comme un lac noir
souffles
chuintements des cheminées ––
les usines pétrifiées dans le brouillard
les grincements des engrenages –– des lueurs fantômes
les carcasses rouillées
les flaques d'huile
tu songeais à ce sommeil
qui autrefois te rendait
semblable à un tas de sable mouillé ––
des hannetons
des assiettes –– à présent
les paupières comme cousues
par la nuit blanche –– nuit aride du cœur
monde sec le jour dur comme la pierre
l'alcool des heures
la vitre trempée
le feu qui s'éteint
un goût de cendre sur les lèvres
tu te retournais dans ce lit froid
l'orage crevant la nuit comme un couteau l'oreiller ––
l'orage ses lueurs –– que mimait l'ampoule
les insectes grouillant sur les murs –– sur les mains
le bossu qui t'aimait
le chant grinçant des corneilles
la poussière des routes
des arbres nus écorchés
tendus vers le ciel ––
une incompréhensible prière
tête déserte
de la sœur
au dedans muette
la main blessée ––
ses douces paupières
sans lumière
s'enfoncer dans cette plaine
pendant des jours et des jours
l'horizon noir
comme téter un maigre sein
longer ces rivages ces lambeaux de boue
sans fin marcher
une ligne d'erre s'effaçant ––
puis laisser le sommeil
nous mordre jusqu'au sang
chant du singe
ce masque troué
la lèpre des murs
des visages
la lumière partant en poussière
la noire mélancolie des cœurs automates
la lune éclairant la morgue
les vrilles un lent désert
des agrégats de corbeaux ––
vertèbres arbres secs
plus de lit
les champs désolés
ta sueur évaporée
une lame rouillée
au seuil du sommeil les flaques
ce rêve de pluie
dans l'air boueux saturé ––
le port détruit
l'odeur de l'huile
dans l'obscure poussière du temps
les araignées ainsi que de mornes tisseuses
continuent leur besogne ––
malgré l'alcool la crasse
les nuits vides –– viendra le temps du rêve /
ce cœur de chien
ces cigarettes
pour
avancer dans la nuit
les poignets entaillés
l'ampoule suspendue
les cendres
quelques mots
le ciel tournant comme le lait
revenir vers tes mains ––
cette pauvreté des visages
l'eau la table la lenteur
aride des lignes
te voir dans la poussière
muette entre les tiges noires
des arbustes
si décharnée –– ce trou dans la terre
les ongles cassés les larmes
cette fièvre sentant le sang