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blanche

Le dépôt

AUTEUR-E-S - Index I

6 - Jean-Michel Maubert

FORME –– DÉSERT [poèmes]

comme un poisson sur le pont d'un bateau


voyant sans voir ces minutes interminables !


le caoutchouc des bottes une plaque de fer un filament de ciel





nos têtes enfoncées au fond de la nuit


dans la maison qui change de rêve ––


des formes troubles passent dans les couloirs


des chats huant traversaient ton sommeil





la pluie encre sale boueuse


une lumière infirme


effaçant la lune un crachat


accroché au ciel





l'idiot –– son œil clair


les araignées formaient un cristal


les miroirs


le sommeil muet ––


creusant cette noirceur du temps





brûlure


cette ligne de sang sur le mur


le crâne du chien


le couteau sur la table


la bouteille d'alcool blanc





ciel ––


comme


une plaie


sans bords





les cils brûlés


la tête dans la poussière


l’œil comme un lac noir





souffles


chuintements des cheminées ––


les usines pétrifiées dans le brouillard


les grincements des engrenages –– des lueurs fantômes


les carcasses rouillées


les flaques d'huile





tu songeais à ce sommeil


qui autrefois te rendait


semblable à un tas de sable mouillé ––


des hannetons


des assiettes –– à présent


les paupières comme cousues


par la nuit blanche –– nuit aride du cœur


monde sec le jour dur comme la pierre





l'alcool des heures


la vitre trempée


le feu qui s'éteint



un goût de cendre sur les lèvres


tu te retournais dans ce lit froid


l'orage crevant la nuit comme un couteau l'oreiller ––



l'orage ses lueurs –– que mimait l'ampoule


les insectes grouillant sur les murs –– sur les mains


le bossu qui t'aimait





le chant grinçant des corneilles


la poussière des routes


des arbres nus écorchés


tendus vers le ciel ––


une incompréhensible prière





tête déserte


de la sœur


au dedans muette


la main blessée ––


ses douces paupières


sans lumière





s'enfoncer dans cette plaine


pendant des jours et des jours


l'horizon noir


comme téter un maigre sein


longer ces rivages ces lambeaux de boue


sans fin marcher


une ligne d'erre s'effaçant ––


puis laisser le sommeil


nous mordre jusqu'au sang





chant du singe


ce masque troué


la lèpre des murs


des visages


la lumière partant en poussière





la noire mélancolie des cœurs automates


la lune éclairant la morgue


les vrilles un lent désert





des agrégats de corbeaux ––


vertèbres arbres secs


plus de lit


les champs désolés


ta sueur évaporée


une lame rouillée





au seuil du sommeil les flaques


ce rêve de pluie


dans l'air boueux saturé ––


le port détruit


l'odeur de l'huile





dans l'obscure poussière du temps

les araignées ainsi que de mornes tisseuses

continuent leur besogne ––

malgré l'alcool la crasse

les nuits vides –– viendra le temps du rêve /

ce cœur de chien

ces cigarettes

pour

avancer dans la nuit

les poignets entaillés





l'ampoule suspendue


les cendres


quelques mots


le ciel tournant comme le lait





revenir vers tes mains ––


cette pauvreté des visages


l'eau la table la lenteur


aride des lignes





te voir dans la poussière


muette entre les tiges noires


des arbustes


si décharnée –– ce trou dans la terre


les ongles cassés les larmes


cette fièvre sentant le sang