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SOLIDITÉ DES LUMIÈRES - POEMES
SOLIDITÉ DES LUMIÈRES
l'embrasure entre les pins . odeur de cendre enfant à même la voix . grain
rugueux dru . corps d'épines encore poussière . la peau . craquelée . cosse . au bord le calvaire .
sous ce pays d'air noir se trament durs des miroitements .
d'insondables grumeaux . plaine elliptique des enfants. gravant des cendres . la forme.
un cône granitique que rase une rumeur de soleil . des abeilles vibrant bas . soyeuses dans le coton jaunâtre-terreux . tournesols .
dislocation des masses . ciel d'écorce . veines . de molles limaces goûtent leurs entrailles . suie du jour . chevaux dans l'oreille . le mors . naseaux épais dilatés . boitant . le vent léchant la paille .
à l'os la grise morsure . plaie blanchie à cette carne de soleil . d'un cratère rêche . des brindilles . craquements par saccades . vieilles mottes . fument et meurent au bord de ce soleil . brûlent leurs peaux tannées .
broutant la suie à sa bouche . l'âne lent . près d'un mur blanc sale . chardons qui doucement déchirent le ciel . l'œil du mouton . ça meurt ici . linge au ventre .
solstice . ciel cassé brut . plaie hantée du désir de l'herbe . dort la laine sous l'épine du souffle . brouter . sabots contre le roc . ventre muré . parasites gavés encore . puits de boue . celui qui chercha l'eau .
grommèle le feu . d'un lourd crâne venté une chèvre laiteuse . désert où il soliloque . brimant le feu . souche de laine blanche . le sel sur les doigts .
sol si blanc . en son delta vaporeux . soleil de bois . ocre arpent . roux nénuphar . serpentant . doux d'argile pur . l'embrasement dur . bref sommeil des troupeaux .
corps nageant pataud dans cette mélasse éblouie . souffle brisé sous la caillasse . chevreau tendre l'œil jaune . lait chaud du sang . ça crache une glaise lourde . beau ciel glaireux . mains durcies . frottées aux noires racines du jour .
s'écarte le fruit . pulpe rougie d'une femme . bave sa teinte au bord . saigne un peu . halète .
salive âcre . sueur laineuse près du sein . la bouche maculée tétant blanc l'aréole . liqueur d'été . l'amertume .
désert que sonde le feu . graines d'eau sous la langue . l'écorce rêche . l'assagie . lit d'orties . le pré profond .
d'un ravin bref cette fleur rapprochée . méandres des hanches . bouche fermée . béate . un bras de terre . cire de l'os à l'ombre cassée .
jour pauvre . langue rauque . durcie . sourde . un troupeau brossé noir . mur encore que brasse étouffée la cendre . théâtre du veau glissant vers une ligne de mer .
mains courbées des vieilles . l'abîme du champ jauni . masques noirs luisants des scarabées . maïs sépia et pain dur . de tendres porcs . ce bruit de silex dentu .
bois qui craque d'un sol noir. libellule écorchée . ondulent ces lueurs que murmurent les fauves . vignes et chèvres endormies sous les lins nuageux . chants gelés du soir . l'aube lèche les graminées ployant sous les vents noirs .
épaisseur granuleuse . flamme épaisse du pot . sillons . épaule tordue dans la terre . lampe brisée par endroits . cette couleur aride d'un cri d'insecte . le noir se boit . strident . cassant le gris de l'eau .
cornes . écailles . ligne grise des étangs . tissu dense de fumées laineuses . la forme chenue du coteau . aigre fluet le lin . le sang des amours . maigres chevaux dans ce lit de pierre .
torsions . sans fin s'écoulent épaisses leurs textures noirâtres . bourdonnements . au dedans . une voix effondrée . plâtreuse . visage mort de cette boue . le pâtre défait . nuit des écorchés . sous le crâne pluvieux quelque chose rôde encore . fore . à perte . comme sous ton sternum cette fleur .
voix basse du désert . à ses crissements gris ce silex . poussières . braises . une tour de détresse . claquements secs en nous . de nouveau la mâchoire ouverte . peine l'embrasure d'ombre de la voix . nuée massive du sang . l'œil à nu .
que disait la voix . seul . ou sors du visage . puise dans cette épaisseur . et mâche un noir goudron . voix morte à présent . sa glaise nourrit le linceul .
ça . une tempête . fixée en cri froid . fœtale noce du printemps . grince le gris sec du roc . schizoïde brame d'enfant . craque l'armature d'hiver des mots . sinus . seule poutre tenant le triste néant de l'os . lambeaux de mer noués de noir encens .
en toi coulure . linge vieux du mort têtu . simple lumière que tète l'englouti . germe l'insecte au creux de son crâne sans mots .
désolation des simples jours . morts usés sous le vent . ce visage blême du cerf . l'instant durci . le froid noir et compliqué de l'oreille .
ce lourd sommeil des saintes eaux . agrume âpre de l'incendie . carapace chenue . pierre et fer sous la main . mur d'os de la mère sous la peau dure du temps . cette bosse au sommet du dos .
l'escargot sur le mur . le cirque confit . lagune au bord grisé du monde .
je suis agneau . fragments . encore les mains violentes . porcelaine brisée . dans la terre meuble des autres voix .
le lac sans vent . le bel âne ridé de blancheur meurt dans l'herbe . là . y voir clair enfin . cette brûlure de l'intestin . poussière rêche dans les reins .
âme-cafard près de l'os . museaux humant la moelle humide du matin . soleil broyé . quelques grains de millet . mains sèches du vieux .
cierges finissant en germes lourds . parfum terreux du cloporte . grouillements de gestes dans l'ombre de la chambre . bruit la glaise râpeuse des draps .
regard . l'œil céleste et noir du poisson . mer et roches d'où sourd ce bleu froid . une hase dans un buisson . tremblante . son poitrail plexus et peau . là le noir d'une plaie grêle . du sang pâle. sa mort à l'aube . un freux . cancer du chien . l'osier craque sacs d'os . pétri dans ce morne désert . la faim .
la dévorée . fille sans voix . poumon mort l'enfant couleur de truffe . cœur battant faible . greffon dans le bocal . vertèbres et encore la neige grise du cerveau . grès gris au dessus de l'âne . s'ensevelir dans l'air caillouteux . l'œil chevalin . orage fibreux . songe dur de la mer à peine remise .
route . un corridor de rocs . de neige . attendre . cette chambre d'amibe . la mer hivernale . forme liquide de la solitude .
plaine d'ardoise . craie . mottes l'herbe touffes battues d'air . gestes en rasoir . à l'écart . le dehors .
fleurs sèches . une effluve de sommeil . tête du chat dans ta paume . paupières . pliures raides . langue minéralisée . failles . au-delà du vacarme brut de ton cœur . billes noires . la grêle . un soleil éventé .
ORAGES DU FROID
à l'angle du champ stellaire
la lumière aveugle au vide de l'image ––
hors des voix : le cri du sang –– bêtes sourdes,
les compagnons de la poussière,
la langue soudée
aux lueurs carbones des routes –– tunnel, enfin
cargo que tète l'image brisée ––
ce tourbillon de ligneux sarcophages,
cette masse mécanique d'hommes
et de chevaux d'acier prompt ––
lame écaillant le vol impeccable d'une vrille
loin, le navire-animal –– une étoile froide ––
les blessures d'une autre guerre ––
la neige recouvrant les os du frère
souvenirs du présent –– de cette boue dure comme l'os ––
cheminer vers le lac que la bête avait halluciné;
malgré ton sternum brisé,
la bouche pleine de ronces,
elle aussi connut l'enfer
une écuelle, ce songe de douleur
les barbelés, les entailles dans la terre anonyme
étoile surgelée, l'ampoule
palpe sa lumière en sang –– la plaine
et ses lions froids –– formes naines –– grès, silex, chants d'os ––
leurs langues sur ta peau –– l'hiver dernier,
il y avait sous ta main la froideur austère des abîmes; un noir rasoir
pour la lampe délivrée
lumière d'alcool aveugle à la
chair du sein mûrissant; cratère blanc, granit,
masques de cuir –– ciel ouvert au feu ––
coudre où cheminent –– lentes –– les douleurs,
ces plaies brunes, sur tes mains –– le cheval le chien
les sanies du feu
amer haut sable; noir le grain d'où
s'épure la lèvre fantôme; femme au
nombril des autres nuits –– souvenir
d'une ombelle charnue sous le feu,
d'un chant minéral cet écho obtus :
un tunnel creusé sous la montagne aux pentes livides;
ventre dur du roc –– excavateurs aveugles;
vrilles perçant le front du champ ––
d'ocre sourd le masque à gaz d'un cavalier ––
on voyait sa monture sans joie; l'œil sanglé dans les obus,
ainsi fait cheval psychopompe; l'abattoir brûlant enfin
comme en rêve,
c'était l'ami d'un jour sans éclat,
drainant la blanche poussière
d'une étoile de cendres
dans l'argile sans lumière
les funérailles froides des soldats
la montagne éteint ses feux
un troupeau s'évapore dans le lointain
ce grain cobalt du regard
l'homme se tient droit face au vent
[le cheval perpendiculaire]
il faut franchir le col le temps s'embourbe
puis un village une étable quelques chèvres
la lumière délabrée des enfants
une grappe de cendres des herbes rougies
les traces d'un renard des neiges
cette couronne de sang séché
tu la porteras jusqu'au rivage
avec ce front de bête lourde
sur la terre exténuée
l'été broie ses insectes
du linge rêve dans les cercueils
tu y dormiras avec ton cheval
GERMES
chenu pantin de terre noire étoile de pluie l'agneau blessé une bouteille de sang le frère mâchant les ronces d'anciens chemins d'hiver où tombent dures les ombres des îles épines cassées visage décomposé du hérisson tête et cils du veau doux volcan l'œil brassant le calme brut des roseaux murs à la lisière des peupliers grand vent les feux roses en vols noirs cruches tuiles cèdres apparitions des épis papillon-momie le soir brûlant les laines sombres freux dans les pins sous le roc chant des profondeurs liquides le baleineau dans sa boîte d'ombre sang de fer songe rouge sur les champs marins petits rats aux yeux de terre l'asile semé de fleurs froides cierges grillages chiens tétant les rêves la rouille enfantine des cerveaux sel noir aux lèvres
ces sardines aux écailles de cendres
une maison blanchie
bordant les lueurs bleues
désert de la forêt paume grise
sel froid du matin
l'échine sourde jardin sans mur
chevaux aux yeux arrachés
dans ce vide blanc
pylônes gris voix crayeuses
hommes de poussière
sous les eaux le front du bœuf
une statue de sainte à genoux
le bois ligneux de son cœur
ses mains cassées
le ver enfant
le chaton peureux
l'odeur sèche du chemin
les tendons de l'âne
un jeune poisson écarlate
les moutons aux yeux d'or
la paille chaleureuse
cette lame du matin saignant leur doux sommeil
le linge souillé des heures
sillons noirs des fumées
fleurs-enfants
ânes que brouille la nuit tombante
poussière d'une voix cuite
comme venue de l'âge des feux et des fenouils
truies humant le cœur vieilli des roses
jeunes carottes sous les nuages désossés
vieilles rates goûtant des endives
les têtes de pissenlit des pères
roche que fore le vent cassé
dents à ce mur mâche le cœur
en leur blanc cercueil
par le jardin retourné enfant
bouche violette :
trahir ainsi la voix du cafard
encore le père : l'étoile rongeant la plaie
truie mourante amie
nuit rauque dans l'abîme du sein sanglé
sa lumière de fer
ventre où grandit le petit être de rouille
en tournure d'os
stigmate latéral de l'œil ensanglanté
souffle cartilage chiffré de son crâne
mer à la fleur harassée
la neige parle
de ce qui ne meurt pas
au sein des lourds sillons de l'air là où les mers s'assemblent
le regard de rasoir du chat
peau d'un bœuf olive
bassine de fer quelques radis
étain cuir chanvre
parfums cuits dans la boue
sentant le tourment sourd des chairs
naître en tremblant
la lueur grise du bois l'abreuvoir
l'eau boueuse le visage floral d'un cochon
matin chargé de peur
nuages effacés par le feu
poudres de fleurs
gravées d'étoiles troubles
lumière cuite sourde hors dents l'arbre empâté sous le ciel de juin
fourmis jeunes lézards crasse du mur
la paume sous l'arrondi du champ buvant cette levée de poussière
rauque cèdre dans l'impensé des chemins plomb mûr du val chardons orties
dureté bitumeuse des voix quelques migrateurs ce silence en copeaux
tuiles et menthe l'argile du chagrin soleil caillouteux sous la langue
une fille que l'on disait idiote
visage en couteau
des yeux de mésange bleue
creusant la glaise des mots
son cœur de silex s'emballait parfois
un soubresaut de fleur
dans la lumière d’hiver
le baiser d'une tête difforme de mère
des bêtes mangeaient dans sa paume
le sang se convertissait en songe
on la retrouva un matin inerte
le visage perdu dans les herbes
étoile sale ce qui te brise encore
un parquet d'os où fane la poussière
fenêtre nue briques et fumées
filtrant la douleur brûlante des bêtes
scarabées aux lignes fauves
étreinte rapide sur ta main
baiser glabre de museaux meurtris
cendre d'une pensée
poumons fanés nage minérale
des dieux morts
la lointaine rumeur du grain concassé
l'effroi dans ce feu d'os
harnais lourdes cornes
sangles épaisses
le coin de l'œil encroûté
de glaise et de feu tendre
pain de maïs prie ami
pour ce lapin mort dans l'eau
SOLITUDE DES FEUX
écailles de l'arbre noir
leur linge d'abîme. les plaies
l'humus
supportant le dieu desséché.
cœur enfant de l'âne.
déborde vers le champ
l'orge les souris poussant le soleil.
le masque gris :
petite tête pointue.
bossu pierreux.
vers les tombes
écorchant seul
la noirceur des feux.
courbes osseuses des routes
plaie ombrée de soleil.
sa maigre peau d'insomnie.
l'amère marche des bêtes
chambre nue de l'abattoir.
de l'idiote le cri
dans la pâle lumière
venue du fond matriciel.
déborde le sang : sœur.
puits et planche du natal .
ce partage fangeux des ombres.
jeunes rats mordant la boue
traces d'ongles.
le cheval mort. dans la cour.
cadavre docile à ce teint d'ardoise
portant le poids de son cœur.
sa tête : soleil anthracite. un abîme seule
la blancheur des paupières.
une terne sueur drapant l'œil.
à tes pieds l'astre
et son poids d'industrie
brassant
la morve graisseuse du fleuve.
tête lourde.
l'ombilic du veau. la mère muette.
sa chair sans lendemain près du champ ensanglanté.
l'insecte mûrit enfin
dans les cendres du cerveau .
dans l'effondrement des lueurs : le mur blanc.
une panse d'air et de nuit. chute enfin le soleil plâtreux.
l'enfance. ardoise droite du ciel. sel et feu
drainant l'orage. débris de l'ancien silex.
la bête. dans un grand et noir gémissement. l'écurie chaude. grognements de l'homme. neige de sang. l'abreuvoir. les oies. humeur noire des jours. tête lourde bleuissante du cheval. frêle mâchoire. une compagnie de lueurs enfumées. lit de paille. cri : rêve d'écorché. feu où dégorge la pierre.
pluie sourde
du matin.
la truie grise
fouillant
dans l'herbe trop jeune.
orties à la bouche .
l'enfant avide.
sa course vers l'eau blême.
mur noir de la plaine.
l'usine à graisse
dans la lumière éventrée.
mer froide de novembre
feu lourd
ces pluies malsaines sur les champs.
lisières noires
poupées de terre.
blêmes cœurs des sœurs
où bêle et gémit
de cris brûlants
à même l'agneau
la plaie aphone.
bêtes douces. poitrails offerts aux lampes. feu tendre que brûle la poussière.
les cages à truies. l'homme trépané comptant ses pas.
une pomme pourrie. soleil pris dans les ronces. miel funèbre de l'âne
l'odeur froide des résédas. tout bas tombe le souffle. sa belle tête fanée.
emmuré dans son cercueil de neige l'âne placide et doux rumine les cendres.
on éteignit la lampe. un sein de bois fut scié. des larmes pour la nuit.
des grenouilles sautaient dans le lac d'or rouge.
la sœur dort à présent dans l'obscurité du sang. un bras sous la neige.
l'estomac anthracite d'un brave cochon avale la nuit.
OSMOSE
les tables sous la pluie d'été
une assiette de sang près de ta bouche
cheveux de la morte sur l'oreiller
la blancheur affolée des fleurs.
l'écorchement gris en toi
et cette laine meurtrie : chair nue des roses
fausses dents bronches desséchées
lune de cuir la craie noire de la lèvre
le sang durci
vieille pluie sur des champs d'os.
la mère nage dans la terre –– même une taie sur l'œil il y a la joie : la bouillie du soir –– ça rêve une truie –– elle fouille goûte lèche longuement une étoile herbue un mot crucifié. le café baigne dans une lumière jaune. des fleurs d’amertume. lueur veuve des dents. le désarroi du vieux cheval. face aux hauts murs de l'abattoir. l'ampoule grillée. cette ronce qui délire.
soeur-insecte tétant la terre
des brebis s'étreignent dans le froid
mur enfant des voix flagellées
matière rude ces sabots de l'ombre
aux rythmes noirs de la jument
tête matinale du cheval dans son tombeau de bois
voix de ferraille –– des rongeurs-enfants se baignent dans le champ
des souris pelées un bol de sang froid
traces d'ongles sur l'écorce mots cassés à la pioche
une lampe à cafards –– suture l'homme en toi
un vase de brouillard où une rose nue trempe sa tête froide
frère au bégaiement de pluie un agneau de sang
cette peau d'écorce chenue l'éléphant sénile les vers aiment son vagissement
glaise –– mur solaire des phalanges
sous la blancheur dure vibrante le père dormit dans le ventre chaud du cheval
navire-placenta
sa cargaison –– près du lac
poumons de glaise
ombre solaire : un œil de poisson
cercueil de silex du lapin
les mères, malaxant leur potée de cendre
près du feu gîtent de petits rats
rongeant un radis noir
il y a ces épines de sang dans le lit
des vaches florales dans les fosses
CE FEU D'OMBRE
pour Sophie Patry
figures dans l'écume des lumières
au bord une danse immobile la métamorphose
comme nuit entr'ouverte
l'entrelacement
de ses lignes corps
fertile mêlant murs et forêts
disparaître d'ici vers la chambre sans mots
insensible empreinte mordant le paysage
témoin nu du double
au seuil de la peau
seule –– en
compagnie des
formes ensevelies
voix d'une pâle lumière
l'informe, seule athlète
brassant son silence
porcelaine d'à peine mort
ce qui balbutie dans la lumière
éblouissant et nu le blanc modelé
d'un sein au
corps effacé la caresse morte
en sa dérive
écorce voilée
frais linceul égrenant
les fragments de l'animale au bord de l'œil,
la forêt sans voix esquissant une femme-lueur,
le difficile de la forme
taisant la douleur –– le chant à nu
transparences que trame l'animale aimée du songe
à même ses gestes et ce sommeil
disparaissant, feuilles, cils
au dehors ce qui en elle ronge
le demi jour la tête
volant vers le mur
matière d'os à nu malaxant ce paysage
voile du spasme vue hors
de la mémoire le front indocile
l'étendue incertaine du visage
comme en elle
le flou de l'envol
d'un blanc fixe,
battant l'œil perdu, son drame
ciel désert sophie
modelant ses fantômes ––
en toi germe un pied,
une racine
de lumière noire, la sœur
ronces : corps d'épines, barbelés
champ brisé où flotte l'image
sœur pétrie de pierre et de bois
la crucifiée en ses hanches
portant l'aphasie ––
la bouche : glaise fantôme, désert enfant
raturant sa présence
comme l'hydre minérale
ponçant
un jardin noir
le miroir blesse
ce feu blême à la lisière du noir
ce poids de lumière d'une vieille nuit
l'écorce mimant le souffle
comme nacre pure d'une sphynge
neige qu'égrène sa chair par ce feu
de cheveux noirs où brûle encore une
double lumière ––
sophie –– le nom secret
murissant son spectre
la fleur animale, son labyrinthe
SOLEIL DE BOUE
traverser la nuit épaisse ––
un fragment de ton visage
au hasard
d'un arbre mort ––
le désert de l'aube
l'herbe jaune les alignements de briques écarlates
la lune s'éteignant dans une lumière de glace
les fumées des usines ––
puis
le mouvement
d'un chien maussade
le grésillement d'une cigarette ––
la terre grise sous tes pas ––
pense à elle comme à une blessure ––
la boue
l'estuaire orné de vieilles épaves
l'horizon en fumée,
une ligne de silence
lente veine
au fond du sommeil
les racines d'une autre vie –– fantômes, avortons,
placenta du songe
ton cœur
devenu silencieux
l'orage étouffé
le miroir étranglé
de ta mémoire –– une
greffe de lumière noire –– la
terre boueuse où tu marchais ––
dans le matin blanc
ce chemin entre les arbres ––
la saveur sèche et poussiéreuse des feuilles,
se mêlant à l'air entrant dans ta bouche –– expire
autant que tu peux ––
sous la terre, l'échine brisée d'un chat mort ––
le ciel froid comme un cercle –– les
branches te semblaient avoir la sagesse
des vieux os –– pure illusion –– ton
souffle en miette –– ainsi que du pain rassis,
concassé ––
la boue creusée d'insectes –– un
feu éteint –– des agneaux emmurés ––
le jour a épuisé ses lumières –– tu remuais à peine
dans la lenteur grise de la plaine ––
le refuge d'une mansarde poussiéreuse –– la fenêtre coincée ––
au dehors,
les flaques sombres
longues taches sur une peau malade
en toi tournent des mondes morts –– la
lande érodée par le vent ––
un creux de temps ceux que l'on ménage dans la terre ––
tendre la main –– un peu de chaleur vierge
consumer le vide –– ce froid
que tu sens grandir sous le sternum
une araignée brisée dans la poussière –– tête fuselée : l'autre chat, celui à l'œil crevé, s'est de lui même effacé au sein d'un
recoin d'obscurité ––
une plaie sur ta main ––
l'image de ton enfance
des peupliers, des cyprès, sous le chant clair de la pluie –– vitres rendues opaques
par d'avides taies liquides
souvent : la sensation de n'être qu'un mauvais rêve –– tu ne sais pas
d'où vient ce rêve –– il ressemble à la pluie
dans la désolation des heures demeure indistinct l'horizon du sommeil ––
un verre d'eau, une fleur, une autre vitre –– miettes sur la table ––
lune rêche –– une huître un couteau –– la nuit n'apporte
aucun repos –– ton cœur s'est durci –– un soleil de boue
la douleur de nouveau mêlée au mur –– une flamme ronge tes pensées –– les voix des autres enfants –– lambeaux de mâchonnant cauchemars –– une main sur le mur –– ces yeux d’oiseaux –– l'herbe sauvage, quelques mots gravés sur une pierre
la lenteur dévorante de la brume –– arbres secs –– paumes vides ––
seule, pieds nus –– accroupie sur la terre d'encre noire –– dentelle
des étangs, les ruines, un cierge éteint dans une chambre –– quand vient la nuit s'approche un visage, façonné dans un sombre bosquet
le vent de tempête –– des journaux froissés s'envolant dans
les rues –– façons d'oiseaux absurdes –– les routes jonchées d'écorces,
feuilles, branches –– l'agonie d'un insecte au creux de ta main ––
de la porcelaine fêlée –– l'image d'un œil de baleine ––
des arbres gris de sommeil –– l'été pierreux –– un conte obscur ––
le tremblement d'une lumière –– les ronces, le sang des ânes,
l'oubli
souvenir d'un ciel clair –– d'une île –– trace d'un autre temps –– au matin pourtant, même lenteur du monde, l'horizon enlisé
jour noir-museau –– murs semblables aux fragments grisâtres d'un astre mort –– champs inondés, cri des vieux oiseaux…
ta chair creusée de silence douce, émue au milieu des arbres noirs ––
cette mort dans la forêt –– l'extinction des souffles –– plaine
vide –– bouche muette, l'idiotie –– blessure lovée dans la terre ––
le lit était froid –– tu pensais à une main de momie –– une corneille
contre la vitre –– l'odeur du pain chaud –– une âme de porcelaine vieillie –– étendue de terres salines –– le chantonnement anonyme de l'hiver
un chien mange une vieille rose –– souvent, tu scrutais ta silhouette
dans le miroir noirci des eaux –– une anguille ensanglantée dans une baignoire –– une poupée de chiffons se noyant dans une mare –– feu de bivouac –– l'odeur d'un alcool blanc
ces êtres sans langage –– l'écho de ton propre silence –– bleus
au visage –– une vache timide –– l'abreuvoir –– une fourche à
l'abandon ––
cabane de vieilles planches –– les couinements d'une portée
de souris –– l'odeur âcre de la fumée –– les ajoncs brûlés de lumière ––
la saveur froide des marais –– courir dans la brume –– l'âne attaché
à son poteau, une plaie sur le flanc droit ––
tu tenais dans tes mains un petit animal –– un feu doux ––
ses os délicats roulant sous le pelage –– le souvenir de leurs cendres –– bientôt la nuit