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OS –– FLEURS DE POUSSIÈRE [poèmes inspirés des sculptures de Sabrina Gruss]
OS –– FLEURS DE POUSSIÈRE
[poèmes inspirés des sculptures de Sabrina Gruss]
[le vers "le cirque d'os et ses élégances" date de 2012 ; il a servi de titre à une exposition de 2015]
https://www.sabrinagruss.com/expos/
« Nous nous savions poudreux
mais peut-être pas à ce point »
Denis Pouppeville
c'est un chant
pour le cœur amer
les bouches desséchées
le cirque d'os et ses élégances
le jardin sec
les écorces ––
il nous faudra entrer
à sa suite
dans le cimetière sauvage
●
ainsi tu admiras
la fière sorcière
sa chevelure de plumes
chevauchant l'oiseau-squelette
image morte statue ivoirine
une coquille d'escargot lui faisant un œil aveugle
et l'autruche ramenée à son armure osseuse
la face lunaire du défunt stégosaure
becs durs reposant dans cet écrin d'ombre
●
il y avait aussi
le cheval d'os
portant sur son dos
le léger cavalier
contrefait d'os
les yeux de pierre
du chat-squelette
le panier pour le rat
son doux museau
si aimant
●
comme elle
tu te souviens
des tournesols séchés
tournant leur âmes délavées
vers l'unique chair
notre ciel-linceul
●
cette maigre peau
ton cœur sec et doux
urne aimante
pour les âmes fossiles
●
dans leur berceau de terre
ils aimèrent tant la vie
les sous-bois la rouille des os
le grincement des bouches
les libellules brisées
●
des crânes ornés de crocs
soudé à l'os
accrochaient d'authentiques lueurs ––
ainsi au sein de toutes ces têtes dures et froissées
tu reconnus le digne fauconnier
à la ligne cornue de ses cheveux
à son bras tendu
d'où s'envolait le magma osseux d'un rapace
●
de vieilles mariées
fardées de cendres
des bouffons à grelots
glissaient au fond du rêve
comme l'alcool avalé d'un trait
●
l'homme à la tête de rat
pareil à une terre mal cuite
son tablier de cuir
son chapeau ressemblant à une dent de fonte
tenant dans sa main blanche
un rat couleur de craie
yeux écarquillés
oreilles déployées –– à la façon des éléphants
une petit bouche d'ombre menue
d'où s'écoule la maigreur d'un souffle froid
●
corps de racines
filaments végétaux
pour une âme déshydratée –
entre ses bras
il berçait
l'ami
le rat blanc
hors sinusite
●
tendresse
du pourrissoir
sa trogne d'oubli
dont
la joie livide
berce les morts
●
l'indispensable momie
mal fagotée
aux yeux de lémuriens
souriante édentée
un brin morose pourtant
tenant à bout de bras
l'oiseau noir
telle une âme d'un autre ciel
●
dans un petit théâtre
un cirque vertical
tricotant l'apesanteur
des rats à tête humaines
bonnets sur la tête
grelots au bout de leur serpentine queue
enjupés d'une maigre dentelle
s'élèvent dans la nuit bleue
●
une griffe osseuse
en guise de marque page
l'ange décati grimaçant
médite,
tandis que s'érigent
et rêvent
ses ailes d'oiseau blanc
●
la barque-nid
où les oisillons squelettes
chantonnent
comme un arbre de sons
berçant
le dormeur au crâne charmé
dans son lit de brindilles
et de peaux de terre
●
divin équilibre
de l'homme oiseau
où se mire l'œuf
●
qui pourrait consoler
ce roi fragile
si ce n'est à présent
la belle orbe noire
de son enfant lézard ––
il y eut
tant de mauvais rêves
de reines mortes
de conseillers chenus
de traîtres pendus
qu'un trouble lunaire
s'est gravé à demeure
sur la face crayeuse
si creusée du dentelleux souverain
●
Ariel fossile
au bout de son arbre sec
elle n'est que ce fragment
de douleur filandreuse
●
à demi enterré
dans la rouille et l'humus
émondé de bras et de jambes
–– si inconfortables paraît-il
il était semblable
à une poule humaine
ses yeux bleus gris aveuglés
souriant de toute sa face
à l'aimante lune
●
toujours nous aimerons la tisseuse
de sang sec de feuilles de terre et d'os
sœur aînée –– brune faite de ce sombre lait
âme troublante
dans le songe des idiots
●
dans le trou d'écorce du ventre
l'avorton grumeleux
comme ciselé dans la peur
pria longtemps pour que jamais maman ne l'extirpe
de son giron de bois mort
●
tu te sentais penaud
d'être ainsi le support
d'une étrange
germination ta vie cendreuse
s'en trouvait bouleversée ––
trous d'ombres
petites bouches fixes
la graine le champignon mort t'aimaient
la nuit tu rêvas de ta poitrine si sèche
en forme de méduse
●
les poupées-sœurs :
mains entrelacées
dans le cercueil d'écorce ;
la petite comme un kyste
l'œil lunaire de l'ange-rat
brisant la chair
●
langée d'herbes sèches
tête blanchie
paupières closes
elle demeurait
dans le lit,
le cerveau muré
la pierre et l'os
pour seul paysage
●
épines
ronces ––
dans le cercueil
du rêve ––
tête nue
ficelée
dans son suaire ––
le sang séché
des heures ––
en dedans
vivante
muette
●
pâle
desséchée
dans le nid cendreux
qu'est ce vieux corps
mal tressé ––
promise à l'oubli
dans son linceul
de dentelle ––
les bougies
comme des vierges
rêvant
de poussière
●
tu te souviens de ta grand-mère
confite dans un siège
ciselé d'ombre
ses grandes mains trop blanches
sa tête de coquillage brisé
berçant d'heure en heure
quelque chose
d'inexistant
●
au sein
de ces
vêtements
de charbon,
de ces chiffons
de sommeil,
tu
accouchais
d'une sœur
à la tête rouillée