Le dépôt
Harold Pinter - Poèmes 1949-1977 - Traduction G&J
Florence Hyde FHyde@unitedagents.co.uk
Judy Daish JDaish@unitedagents.co.uk
Les traductions signées G&J (Gilles & John) peuvent être faites par Pierre Lamarque, ce qui est le cas pour les traductions des Poèmes d'Harold Pinter de ce recueil.
Sa première pièce, Kullus, a été écrite quand Pinter avait 19 ans - le volume dans son ensemble, traduit à partir du livre Harold Pinter Poems and Prose 1949 - 1977, paru en anglais chez Eyre Methuen Ltd. London, est révélateur à la fois de son développement en tant qu’écrivain et de la précision stylistique qu’il atteint constamment même en dehors du contexte plus familier de ses pièces.
Les 34 poèmes traduits par G&J sont intimement liés aux pièces. Par exemple, un poème écrit dans une ville des Midlands où Pinter était acteur en représentation hebdomadaire, ou bien encore un affectueux, émouvant souvenir de l’acteur-metteur en scène Anew McMaster.
La plupart des poèmes et des œuvres en prose furent publiés de façon fragmentaire dans de petites revues ou éditions limitées. Comme l’a écrit Irving Wardle dans le Times, « notre meilleur dramaturge », est, tout simplement, l’un des poètes les plus accomplis en langue anglaise.
Les poèmes d'Harold Pinter, tout comme ses nouvelles, sont dans sa carrière de dramaturge des pièces rares et précieuses, façonnées au fil du temps. Poèmes comme nouvelles sont d'une triomphante modernité. Triomphe de l'humain et de sa beauté moderne.
G&J
New Year in the Midlands
Now here again she blows, landlady of lumping
Fellows between te boards,
Singing ‘O Celestial Light’, while
Like a T-square on the
Flood swings her wooden leg.
This is the shine, the powder and blood, and here am I,
Straddled, exile always in one Withered Ale Town,
Or such.
Where we went to the yellow pub, cramped in an alley bin,
A shoot from the market,
And found the thin Luke of a queer, whose pale
Deliberate eyes, raincoat, Victorian,
Sap the answer in the palm.
All the crush, camp, burble and beer
Of this New Tear’s Night; the pslam derided;
The black little crab women with the long
Eyes, lips and claw in a can of chockfull stuff.
I am rucked in the heat of treading; the well-rolled
Sailor boys soon rocked to sleep, whose ferret fig
So calms the coin of a day’s fever.
Now in this quaver of a rusty bar, the wansome lady
I blust and stir,
Who pouts the bristle of a sprouting fag —
Sprinkled and diced in these Midland lights
Are Freda the whipping glassy bawd, and your spluttered guide,
Blessed with ambrosial bitter weed. — Watch
How luminous hands
Unpin the town’s genitals—
Young men and old
With the beetle glance,
The drawing brass whores, the clamping
Red shirted boy, rage full, thudding his cage.
1950
Nouvel An dans les Midlands
La voilà qui s'essouffle à nouveau, la patronne des dockers
entre les planches,
chantant « O Celestial Light », tandis que
telle une équerre sur les flots
elle balance sa jambe de bois.
Tout est splendeur, poudre et sang, et me voilà,
à califourchon, exilé à jamais
dans une ville à bière éventée,
quelque chose comme ça.
où nous allions au pub jaune, à l'étroit dans une poubelle,
à deux pas du marché,
et où nous retrouvions le maigre Luke, un type bizarre en ciré victorien
dont les yeux froids et calculateurs
tiraient les réponses de la paume de sa main.
Toute cette foule, le camp, le brouhaha, la bière
de la nuit de la nouvelle année ; l'hymne ridiculisé ;
les petites femmes noires comme des crabes, avec leurs longs
yeux, leurs lèvres et leurs griffes dans une boîte pleine à ras bord.
Je suis bousculé par la chaleur de la foule ; les marins bien roulés
s'endorment rapidement, dont la mine de furet
vite calme la fièvre d'une journée.
À présent, dans ce tremblement de bar rouillé, une dame blanche
que je secoue et remue,
la bouche en coeur, aux brins de cigarette qui germent —
Aspergée et taillée en dés par la lumière du Midland
sont Freda, la catin fouettée au yeux vitreux, et votre guide bégayant,
bénis par une herbe amère et ambrosiale. — Regardez
comme des mains lumineuses
dégagent les parties génitales de la ville —
Jeunes hommes et vieux
au regard de scarabée,
prostituées en laiton, garçon en chemise rouge
qui serre les dents, plein de rage, frappant sa cage.
1950
The midget
I saw the midget in the ringing airs,
That night upon the crest.
The bowed trees, the silent beast,
Under the wind.
And Saw the voyagers stand stiff,
Deathsure, stiff and coffined
In that still place,
Hands clasped, tall hats on.
1950
Le nain
J'ai vu le nain dans l'air vibrant,
sur la crête, cette nuit-là.
Les arbres inclinés, les bêtes silencieuses,
sous le vent.
Et j'ai vu les voyageurs se tenant raides,
comme morts, raides et embaumés
dans ce lieu dormant,
les mains jointes, coiffés de grands chapeaux.
1950
Christmas
Choose the baby's coctail,
To drink in an eartrumpet.
Deprivation angers, at least
rejoice in his captivity
Give Maurice lemons.
He's broken the pottery,
Arses round the attic,
Gorging biscuits and olives.
This is a happy family.
Come, sing of the harbour,
Nights guzzling bouillabaisse.
We'll syringe to the next flat,
Make another party.
1950
Noël
Choisissez le cocktail du bébé,
à boire dans un cornet acoustique.
Rage du dénuement, à moins
de se réjouir en captivité.
Donnez des citrons à Maurice.
Il a cassé la poterie
avec son postérieur dans le grenier,
se goinfrant de biscuits et d'olives.
Voilà une famille heureuse.
Venez chanter au port
les nuits à arroser la bouillabaisse.
Nous irons à la seringue dans l'appartement d'à côté
Continuer la fête.
1950
Chandeliers and Shadows
'I'le goe hunt the badger by owle-light : 'tis a deed of darkness.'
The Duchess of Malfi
The eyes of a queen germinate
In this brothel, in this room,
The kings are fled, the potentates
Shuffle kingdoms with the sweet fingers.
Mountains, kingdoms, valets erudite,
Muffling flaunts of deliverate ecstasy
Slips, shoves, the deluded whore,
The hectoring mice, the crabs of lemon,
Scrawled thick tails across the stateroom.
Masks gape in the floodlit emperies,
Where wax violins, donkey splendour falls,
The brocaded gown of servants and moths,
The horsefly, the palsied stomacher,
Worlds dying, suns in delirium,
Catch the sleek counsellor,
Hold the crystal elixir of muffs.
Enwrapped in this crust, this crumpled mosaic,
Camphor and rosefall stifle the years,
Yet I, lunatic from lunatic spheres,
Shall run crazy with lepers,
And bring God down the chimney,
A tardy locust,
To plunder and verminate man's pastures, entirely.
Sudden I stay blinded with Orion's menace, The sky cuts the ice-shell
With the strip and fall of a darting star, The split, the splintered palace.
Let tham all burn together
In a trite December,
A necromantic cauldron of crosses,
And on Twelfth Night the long betrayed monster
Shall gobble their gilded gondolas.
1950
Lustres et ombres
« Je vais chasser le blaireau au hibou : c'est un acte des ténèbres. »
La Duchesse de Malfi
Germent les yeux d'une reine
dans ce bordel, dans cette chambre,
les rois ont fui, les potentats
bousculent les royaumes de leurs doigts délicats.
Montagnes, royaumes, valets érudits,
étouffent les démonstrations d'extase délibérée.
Elle glisse, pousse des souris tyranniques,
la traînée égarée, des crabes citronnés
gribouillent de leurs 'épaisses queues à travers la cabine.
Les masques bouche bée dans les empires inondés de lumière,
où chutent les violons de cire, la splendeur des ânes,
les robes brodées des serviteurs et des papillons de nuit,
le taon, le corset spasmodique,
des mondes mourants, des soleils en délire,
attrapez cet élégant conseil,
prenez de l'élixir cristallin de mitaine.
Enveloppés dans cette croûte, cette mosaïque froissée,
le camphre et une pluie de roses étouffent les années,
pourtant moi, fou issu des folles sphères,
je courrai comme un lépreux,
et ferai descendre Dieu par la cheminée,
tardive sauterelle,
pour piller et infester les pâturages de l'homme, entièrement.
Soudain, je reste aveuglé par la menace d'Orion, Le ciel coupe la couche de glace
avec la chute et la bande d'une étoile filante,
fissure, palais éclaté.
Qu'ils brûlent tous ensemble
dans le morne décembre,
dans un chaudron en croix nécromantique,
et le douzième jour de l'année, le monstre longtemps trahi
dévorera leurs gondoles dorées.
1950
Hampstead Heath
I, lying on grass, lie
in the thunderclapping moment,
eradicate voice
In the green limit.
Stone in the fruitwomb,
world under grass,
alone under alone.
Suggested lines my body
consume, in the day’s graph.
Note the brown ant
in his blade jungle.
I am my pupil’s blank, rule
out of magnitude the ant,
decrease the seed’s activity
this blunt minute.
Below the transparent fly
insect equation quite strides
the slim glass of word,
instructs the void.
Exterior tricks : the click
of bush; the oblong trade
of noise; the posture of these
High boughs.
1951
Hampstead Heath
Moi, allongé dans l'herbe
dans le fracas du tonnerre
j'éradique la voix
en bordure du vert.
Pierre dans le ventre du fruit,
monde sous l'herbe,
seul sous seul.
Lignes suggérées que mon corps
consomme dans le graphique du jour,
remarque la fourmi brune
dans sa jungle de tiges.
Je suis le vide de la pupille
privant la fourmi de toute grandeur,
diminuant l'activité de la graine
en cette minute émoussée.
Sous une mouche transparente
un insecte en équation passe à grands pas
le mince verre du mot,
instruit le vide.
Trucs extérieurs : le cliquetis
du buisson ; le long échange
de bruits ; le port des
hautes branches.
1951
I shall tear off my Terrible Cap
I in my strait jacket swung in the sun,
In a hostile pause in a no man’ time.
The spring his green anchor had flung.
Baroud me only the walking brains,
And the black of their one legged dreams
As I hung.
I telle them this —
Only the deaf cat hear and the blind understand
The miles I gabble.
Through these my dances of dunce and devil,
It’s only the dumb can speak through the rubble.
Time shall drop his spit in my cup,
With this vicious cut he shall close my trap
And gob me up in a drunkard’s lap.
All spirits shall haunt me and all deuils drink me;
O despite their dark drugs and the digs that they rib me,
I’ll tear off my terrible cap.
1951
J'arracherai ma terrible casquette
Moi, dans ma camisole de force balancée au soleil
en une trêve hostile, dans un temps où personne n'était là.
Le printemps jetait son ancre verte.
Baroud seulement pour moi et les cerveaux volants
et le noir de leurs rêves unijambistes
tandis que je pendais.
Je leur dis ceci :
seuls les chats sourds entendent et les aveugles peuvent comprendre
les kilomètres que je bredouille
dans mes transes de bouffon endiablé.
Seuls les muets peuvent parler aux ruines.
Le temps laisse filer sa salive dans ma chope,
de cette plaie torpide il fermera ma gueule
et m'engloutira dans les bras d'un ivrogne.
Tous les esprits me hanteront et tous les démons me boiront ;
Ô malgré leurs sombres drogues et les coups qu'ils me donnent,
J'arracherai ma terrible casquette.
1951
A Glass at Midnight
Time of the mongrel at my foot
Scraping for a coin that’s born
In the carpet in a grave of hair.
Miles of the poles in the room corners.
Th eskimostars in an octagon. Worlds
Within this bow.
I hold the cipher of the voided world,
Four fingers holding the sea in a glass,
Incumbent an arm on the ashtray table.
Time in the tughoot night stops
A religion that grows on the window.
I let the glass drop. A bridge falls.
Flatten the midnight on the fingered tightrope.
All the dumb days draw on.
1951
Un verre à minuit
C'est l'heure du roquet à mes pieds
qui gratte pour trouver une pièce
sur le tapis, dans le cimetière à cheveux.
Des kilomètres de poteaux dans les coins de la pièce.
Des étoiles esquimaudes dans un octogone. Des mondes
dans ces noeuds.
Je détiens le code du monde vide,
quatre doigts tenant la mer dans un verre,
un bras posé sur la tablette du cendrier.
Le temps s'arrête en cette nuit agitée.
Une religion pousse sur la fenêtre.
Je laisse tomber le verre. Un pont s'effondre.
Aplatir minuit sur la corde raide des doigts.
S"étirent les jours muets.
1951
Book of Mirrors
My book is crammed with the dead
Youth of years.
Fabulous in image I walked the Mayworlds,
Equal in favor the concubant winds,
Set by my triangle the sextant sounds,
Till crowed lips I kissed,
Supped with a blood of snapping birds,
In a doom and ring of belladonna to sleep.
Spruced, I welcomed their boneating smiles,
Till I grew bound and easy with ills,
Strewing for décorante a hundred grails.
And anger-rich with gallows and banks,
The world raped on her back,
From the shanks of my widowing kids
I played Adam’s uncle’s jokes.
In the house of my heart spawned
The invited doves.
May springroot slum their hurt limbs,
That they chirp the early ladies
And prop the mad brideworld up.
May they breathe sweet; the shapes
That ounced my glad weight
With ripe and century fingers,
That looked the skeleton years
With a gained grief.
1951
Livre des miroirs
Mon livre est plein de morts
de ma jeunesse.
Fabuleuses images, j'ai parcouru le monde en mai,
égal en faveur aux vents concubins,
réglé par mon triangle, le son du sextant,
jusqu'à ce que j'embrasse des lèvres en croix,
que je me nourrisse du sang d'oiseaux déchirant
leur destin et d'un anneau de belladone pour dormir.
Rayonnant, j'accueillis leurs sourires oiseux,
jusqu'à me lier complaisamment au mal,
Saupoudrant pour les décorer une centaine de graals.
Et riche de colère contre les potences et les banques,
le monde violé sur le dos,
avec les jarrets de mes enfants veufs
je rejouais les blagues de l'oncle d'Adam.
Dans la maison de mon cœur se reproduisaient
les colombes invitées.
Que les racines printanières soignent leurs pattes blessées,
afin qu'elles gazouillent pour les jeunes filles
et soutiennent un monde fou de mariées.
Qu'elles respirent doucement les formes
qui soulevèrent mon poids joyeux
de leurs doigts secs centenaires
ayant connu les années squelettiques
et le chagrin accompli.
1951
The Islands of Aran seen from the Moher Cliffs
The three whales of Aran
Humped in the sun’s teeth,
Make tough bargain with the cuff
And statement of the sea.
I stand on Moher, the cliffs
Like coalvaults, see Aran
In mourning thumped to losses
By its season’s neighbor.
Aran like three black whales
Humped on the water,
With a whale’s barricade
Stares out the waves.
Aran with its black gates locked,
Its back to the traders,
Aran the widower,
Aran with no legs.
Distended in distance
From the stone of Connemara’s head,
Aran without gain, pebbled
In the fussing Atlantic.
1951
Les îles d'Aran vues depuis les falaises de Moher
Les trois baleines d'Aran
gonflées sous les rayons du soleil,
négocient âprement avec les vagues
et la fureur de la mer.
Je me tiens sur les falaises de Moher
qui ressemblent à des galeries de charbon, et je vois Aran
en deuil, frappée par les pertes
infligées par sa voisine saisonnière.
Aran, telle trois baleines noires
gonflées sur l'eau,
une barricade de baleines
regardant fixement les vagues.
Aran avec ses portes noires verrouillées,
le dos tourné aux marchands,
Aran le veuf,
Aran sans jambes.
Éloigné
de la tête rocheuse du Connemara,
Aran sans revenu, caillouteux
dans l'agitation de l'Atlantique.
1951
The Drama in April
So March has become a museum,
And the April curtains move.
I travel the vacant gallery
To the last seat.
In the spring decor
The actors pitch tents,
In a beak of light
Begin their play.
Their cries in the powdered dark
Assemble in mourning over
Amçasadors from the wings.
And objects and props in the rain
Are the ash of the house
And the grave unnumbered stones
In the green.
I move to the interval,
Done with this repertory.
1952
Le drame en avril
Mars est donc devenu un musée,
et s'ouvrent les rideaux d'avril.
Je parcours la galerie vide
jusqu'au dernier siège.
Dans le décor printanier
les acteurs plantent leurs tentes.
Dans un rayon de lumière
ils commencent leur pièce.
Leurs cris dans l'obscurité poudrée
se rassemblent en deuil sur
les ambassadeurs des coulisses.
Et les objets et accessoires sous la pluie
sont les cendres de la maison.
Innombrables pierres tombales
dans la verdure.
Je passe à l'entracte,
J'en ai fini avec ce répertoire.
1952
Jig
Seeing my potholed women
Fall on the murdered deck,
In rage in my iron cabin.
Faster my starboard women,
Spun by the metal breeze,
Dance to a cut-throat temper.
Seeing my men in armor
Brand the gallery bark,
I skip to dry dock.
Women and men together,
All in a seaquick temper,
Tick the cabin clock.
1952
Gabarit
Je vois mes femmes criblées de nids de poules
s'affaler sur le pont meurtri,
j'enrage dans ma cabine de fer.
Plus vite, les filles à tribord,
balottées par la houle métallique,
dansez au rythme endiablé.
Je vois mes hommes en armure
marquer au fer rouge le bois de la passerelle,
je saute dans le bassin de radoub.
Femmes et hommes ensemble
tous en fureur marine,
faisons tinter la cloche de cabine.
1952
The Anaesthetist’s Pin
The anaesthetist’s pin
Blinds up the bawl of pain.
The amputator’s saw
Breaks the condition down.
In the division of blood
That stems the fractured bow,
The wrist-attacking hound
Snipes out the stair below.
At that incision sound
The lout is at the throat
And the dislocated word
Becomes articulate.
1952
L'aiguille de l'anesthésiste
L'aiguille de l'anesthésiste
emporte les cris de douleur.
La scie de l'amputeur
rompt l'état du patient.
Dans la distribution du sang
qui jaillit de l'arc fracturé,
le chien attaquant au poignet
arrache l'escalier dessous.
Le bruit est à l'incision
la brute est à la gorge
et le mot disloqué
devient articulé.
1952
Camera Snaps
The politician tricks the mouse,
Whose bites are rancid
In that aloud wound.
The sun’s in the cabinet.
The sun’s in the cabinet.
That drudge undoes the skeleton,
And shops the scientific dug.
Light across the picture.
Dark across the picture.
The basement midget, rabid
As the stoat, periscopes
The tick shop of the moon.
The churchman at his game
Unrolls his fishing-line,
Jabs an even pool.
Dark across the cabinet.
1952
Clics d'appareil photo
Un politicien piège une souris
aux rances morsures
à la béante plaie.
Soleil dans le placard.
Le soleil est dans le placard.
Ce bourreau défait le squelette,
puis vend ses fouilles scientifiques.
Lumière à travers l'image.
Obscurité à travers l'image.
Le nain du sous-sol, enragé
comme une hermine observe au périscope
le magasin de puces de la lune.
L'ecclésiastique déroule
sa ligne de pêche à l'aise,
pique un bassin lisse.
L'obscurité envahit l'armoire.
1952
You in the Night
You in the night should hear
The thunder and the walking air.
You on that shore shall bear
Where mastering weathers are.
All that honored hope
Shall fail upon the slate,
And break the winter down
That glamours at your feet;
Though the enamoring altars burn,
And the deliberate sun
Make the eagle bark,
You’ll tread the tightrope.
1952
Toi dans la nuit
Toi dans la nuit, tu devrais entendre
Le tonnerre et l'air circuler.
Toi, sur ce rivage, tu devras endurer
Les tempêtes qui sévissent .
Tout cet espoir qui t'honore
échouera sur l'ardoise,
Et fera taire l'hiver
Qui fait rage autour de toi.
Même si brûlent les autels adorés
Et que le soleil tenace
Fait glatir l'aigle,
Tu marcheras sur la corde raide.
1952
The second Visit
My childhood vampire wallows those days,
Where panting sea threatened and surf was flint,
And consummate doves flanked the eyes.
Now an actor in this nocturnal sink,
The strip oxlip is toothed away,
And flats and curtains canter down.
So grows in stream of planetary tides
The sun abundant in hanging sands.
And aquiline weapons barb and fanged
Conceive amid their holy jaws
An echoed Siberia in the mind,
Where the comet fist had crushed,
And sent back trees to a gulped barrenness.
Denebola and Alphard like countertenors
Sing, and their malicious minstrel of song
Silence the tongue’s gush,
And the quick opus of thighs.
My childhood vampire unpacks a new stay,
But I defy and send him off to war,
On the credit of Leo and his gods,
Against the falling down parents
Devoured by children, and the toy Czars.
1952
La deuxième visite
Mon enfance vampire se complaît ces jours-là,
quand la menaçante mer haletait et quand les vagues étaient silex,
quand de parfaites colombes encadraient le regard.
Actrice de ce cloaque nocturne, à présent
la bande d'acanthe s'est effilochée,
et les appartements et les rideaux dégringolent.
Ainsi grandit, dans le flux des marées planétaires,
le soleil abondant suspendu aux sables.
Et des armées d'aigle, dentées et barbelées,
conçoivent entre leurs mâchoires sacrées
une Sibérie en écho de l'esprit,
quand le poing de la comète avait écrasé
et renvoyé les arbres à une sécheresse engloutie.
Denebola et Alphard contre-ténors
chantent, et leur malveillant ménestrel
réduit au silence le jasement de la langue
et la brève oeuvre des cuisses.
Mon vampire d'enfance déballe un nouveau séjour,
mais je le défie et l'envoie à la guerre,
sur la foi de Lion et ses dieux,
contre des parents déchus
dévorés par leurs enfants, et les jouets des tsars.
1952
Stranger
That you did barter
And consort with her.
That you did ash
The fire at her departure.
That you did enter
Where I was a stranger.
That you did cajole
When the pendulum hung.
That you interposed
In her curious dream.
That you did instruct
From your alphabet home.
That you did confusion
Her eliyed to stone.
That you so did render
The echo unheard
That you might divide
When the echo was gone.
That you did condition
Her widowhood on.
That you were the stranger
That stranger the calm
That you did engender
The thunder to storm.
That yours was the practice —
No case.
1953
Étranger
Que tu aies troqué
et fréquenté cette femme.
Que tu aies éteint
le feu à son départ.
Que tu sois entré
là où j'étais un étranger.
Que tu l'aies cajolée
quand la pendule s'est arrêtée.
Que tu te sois interposé
dans son rêve étrange.
Que tu lui aies enseigné
l'alphabet chez toi.
Que tu aies semé la confusion
dans son esprit jusqu'à le pétrifier.
Que tu aies ainsi rendu
l'écho inaudible
pour pouvoir vous séparer
quand s'est éteint l'écho
Que tu aies conditionné
son célibat.
Que tu fus l'étranger
cet étranger, le calme
Que tu aies engendré
le tonnerre de la tempête.
Que ce fût ta pratique —
peu importe.
1953
A walk by waiting
A walk by listening.
A walk by waiting.
wait under the listening
winter, walk by the glass.
Rest by the glass of waiting.
walk by the season of voices.
Number the winter of flowers.
walk by the season of voices.
wait by the voiceless glass.
1953
Une marche en attente
Une marche à l'écoute.
Une marche en attente.
Attente sous l'écoute.
Marche à la vitre, en hiver.
Pause à la vitre de l'attente.
Marche à la saison des voix.
Comptage de l'hiver en fleurs.
Marche à la saison des voix.
Attente à la vitre sans voix.
1953
Poem
I walked one morning with my only wife,
Out of Sandhills to the summer fair,
To buy a window and a white shawl,
Over the boulders and the sunlit hill.
But a stranger told us the fair had passed,
And I turned back with my only wife.
And I turned back and I led her home.
she followed me closely out of the summer,
Over the boulders and the moonlit hill,
Into Sandhills in the early evening,
And went to our home without a window,
And the long year moved from the east.
My only wife sat by a candle.
The winter keened at the door.
A widów brought us a long black shawl.
I placed it on my true wife’s shoulders.
The widow went from us into Sandhills,
Away from our home without a window.
The year turned to an early sunrise.
I walked one morning with my only wife,
Out of Sandhills to the summer fair,
To selle a candle and a black shawl.
We parted ways on the sunlit hill,
The silent, I to te farther west.
1953
Poème
Un matin, j'allais avec mon unique femme,
de Sandhills à la foire d'été,
pour acheter une fenêtre et un châle blanc,
au-delà des rochers de la colline ensoleillée.
Mais un étranger nous a dit que la foire était passée,
et je suis revenu avec mon unique femme.
Je suis revenu et l'ai ramenée à la maison.
Elle m'a suivi de près à la fin de l'été,
au-delà des rochers de la colline éclairée par la lune,
dans les dunes, à la tombée de la nuit,
et nous sommes rentrés dans notre maison sans fenêtre,
et une longue année s'est écoulée dans l'ouest.
Mon unique épouse était assise près d'une bougie.
L'hiver gémissait à la porte.
Une veuve nous a apporté un long châle noir.
Je l'ai posé sur les épaules de ma fidèle épouse.
La veuve s'est éloignée de nous dans les dunes,
loin de la maison sans fenêtre.
L'année s'est achevée à l'aube.
Un matin, je marchais avec mon unique épouse,
sortant des dunes pour aller à la foire d'été,
vendre une bougie et un châle noir.
Nous nous séparames sur la colline ensoleillée,
En silence, moi vers l'ouest.
1953
The Task
The last time Kullus, seen,
Within a distant call,
Arrived at the house of bells,
The leaf obeyed the bud,
I closed the open night
And tailormade the room.
The last time Kullus, known,
Obeyed a distant call,
Within the house of night,
The leaf alarmed the bud,
I closed the open bell
And tailormade the room.
The last time Kullus saw
The sun upon the bough,
And in a distant call,
The bud about to break,
I set about my task
And tailormade the room.
The last time Kullus saw
The flower begin to fail,
He made a distant call,
The bud became a bell,
I disobeyed that cry
And pacified the room.
1954
La tâche
La dernière fois que Kullus vu
lors d'un lointain appel,
est arrivé à la maison des cloches,
la feuille obéissait au bourgeon,
j'ai refermé la nuit ouverte
et j'ai taillé la chambre sur mesure.
La dernière fois que Kullus reconnu
a obéi à un appel lointain,
dans la maison de la nuit,
la feuille a alerté le bourgeon,
j'ai refermé la cloche ouverte
et j'ai taillé la chambre sur mesure.
La dernière fois que Kullus a vu
le soleil par-dessus la branche,
et dans un appel lointain,
le bourgeon sur le point d'éclore,
je me suis mis à la tâche
et j'ai adapté la chambre.
La dernière fois que Kullus a vu
la fleur se mettre à faner,
il a lançé un appel lointain,
le bourgeon est devenu cloche,
j'ai désobéis à ce cri
et j'ai apaisé la chambre.
1954
The Error of Alarm
A woman speaks :
A pulse in the dark
I could not arrest.
The error of the alarm
I could not dismiss.
A witness to that bargain
I could not summon.
If his substance tautens
I am the loss of his blood.
If my thighs approve him
I am the sum of his dread.
If my eyes cajole him
That is the bargain made.
If my mouth allays him
I am his proper bride.
If my hands forestall him
He is deaf to my care.
If I own to enjoy him
The bargain’s bare.
The fault of alarm
He does not share.
I die the dear ritual
And he is my bier.
1956
L'erreur d'alarme
Une femme parle :
Un battement dans l'obscurité
que je n'ai pu arrêter.
L'erreur de l'alarme
que je n'ai pu ignorer.
Un témoin de ce pacte
que je n'ai pu appeler.
Si son corps se tend
je suis la soustraction de son sang.
Si mes cuisses l'approuvent
je suis la somme de sa crainte.
Si mes yeux le cajolent
c'est le pacte absolu.
Si ma bouche l'apaise
je suis sa femme légitime.
Si mes mains le retiennent
il est sourd à mes soins.
Si j'avoue prendre du plaisir avec lui
le pacte est conclu.
La faute à l'alarme
qu'il ne partage pas.
Je meurs dans ce cher rituel,
il est mon cercueil.
1956
Daylight
I have thrown a handful of petals on your breasts.
Scarred by this daylight you lie petalstruck.
So your skin imitates the flush, your head
Turning all ways, bearing a havoc of flowers over you.
Now I bring you from dark into daytime,
Laying petal on petal.
1956
Lumière du jour
J'ai jeté une poignée de pétales sur tes seins.
Marquée par la lumière du jour, tu gis couverte de pétales.
Ta peau imite alors la rougeur, ta tête
tourne dans tous les sens, portant sur toi un chaos de fleurs.
À présent, je te fais passer de l'obscurité au jour,
en posant pétale sur pétale.
1956
Afternoon
Summer twisted from their grasp
After the first fever.
Daily from the stews
They brought the men.
And placed a wooden peg
Into the wound they had made,
And left the surgery of skin
To barbers and students.
Some burrowed for their loss
In the ironmonger’s bin,
Impatient to reclaim,
Before the journey start,
Their articles of faith.
Some nosed about in the dirt,
Deaf to the smell of heat
And the men at the rubber pit,
Who scattered the parts of a goat
For their excitement and doubt.
Oneblind man they gave
A demented dog to sniff,
A bitch that had eaten the loot.
The dog, bare to his thought,
Came his mastiff at night,
His guardian the thief of his blood.
1957
Après-midi
L'été s'échappait de leurs mains
suite à la première fièvre.
Chaque jour, issus des soupes populaires
ils ramenaient des hommes
et enfonçaient un piquet de bois
dans la blessure qu'ils avaient faite,
en laissant la chirurgie de la peau
aux barbiers et aux étudiants.
Certains fouillaient leur malheur
dans la poubelle du ferrailleur,
impatients de récupérer,
avant le début du voyage,
leurs objets de foi.
Certains fouillaient dans la saleté,
insensibles à l'odeur de la chaleur
et aux hommes de la fosse commune
qui dispersaient les morceaux d'une chèvre
dans l'excitation et le doute.
À un aveugle ils donnèrent
un animal dément à renifler,
la chienne qui avait mangé le butin.
L'animal, nue dans ses pensées,
Vint à lui dans la nuit,
son maître, voleur de son sang.
1957
A view of the Party
1
The thought that Goldberg was
A man she might have known
Never crossed Meg's words
That morning in the room.
The thought that Goldberg was
A man another knew
Never crossed her cyes
When, glad, she welcomed him
The thought that Goldberg was
A man to dread and know
Jarred Stanley in the blood
When, still, he heard his name.
While Petey knew, not then,
But later, when the light
Full up upon their scenc,
He looked into the room.
And by morning Petey saw
The light begin to dim
That daylight full of sun)
Though nothing could be done.
2
Nat Goldberg, who arrived
With a smile on every face,
Accompanied by McCann,
Set a change upon the place.
The thought that Goldberg was
Sat in the centre of the room,
A man of weight and time,
To supervise the game.
The thought that was McCann
Walked in upon this feast,
A man of skin and bone,
With a green stain on his chest.
Allied in their theme,
They imposed upon the room
A dislocation and doom,
Though Mcg saw nothing done.
The party they began,
To hail the birthday in,
Was generous and affable,
Though Stanley sat alone.
The toasts were said and sung,
All spoke of other years,
Lulu, on Goldberg's breast,
Looked up into his eyes.
And Stanley sat —alone,
A man he might have known,
Triumphant on his hearth,
Which never was his own.
For Stanley had no home.
Only where Goldberg was,
And his bloodhound McCann,
Did Stanley remember his name.
They played at blind man's buff,
Blindfold the game was run,
McCann tracked Stanley down,
The darkness down and gone
Found the game lost and won,
Meg, all memory gone,
Lulu's lovenight spent,
Petey impotent;
A man they never knew
In the centre of the room,
And Stanley's final eyes
Broken by McCann.
1958
Une vision du Parti
1
L'idée que Goldberg était
un homme qu'elle aurait pu connaître
n'effleura jamais les pensées de Meg
ce matin-là dans la chambre.
L'idée que Goldberg était
un homme connu d'une autre
ne traversa jamais son esprit
quand, heureuse, elle l'accueillit.
L'idée que Goldberg était
un homme à connaître et à craindre
froissa Stanley au plus profond de lui-même
quand, immobile, il entendit son nom.
Petey le sut, pas à ce moment-là,
mais plus tard, lorsque la lumière
illumina la scène,
il regarda dans la pièce.
Et au matin, Petey vit
la lumière commencer à baisser
(cette lumière du jour pleine de soleil)
même si rien ne pouvait y faire.
2
Nat Goldberg, qui arriva
souriant à tous les visages,
accompagné de McCann,
apporta un changement dans la pièce.
L'idée que Goldberg était
assis au centre de la pièce,
en homme important et expérimenté,
Pour superviser le jeu.
L'idée que McCann
entrait dans cette fête,
en homme maigre et osseux,
une tache verte sur la poitrine.
Unis dans leur démarche,
ils imposèrent à la pièce
une dislocation et un destin funeste,
même si McCann ne vit rien se passer.
La fête qu'ils avaient commencée,
pour célébrer l'anniversaire,
était généreuse et affable,
même si Stanley était assis seul.
Les toasts furent prononcés et chantés,
tous parlèrent des années passées,
Lulu, sur la poitrine de Goldberg,
le regardait dans les yeux.
Et Stanley était assis, seul,
un homme qu'il aurait pu connaître,
triomphant dans un foyer,
qui n'avait jamais été le sien.
Car Stanley n'avait pas de foyer.
L'unique endroit où il se trouvait,
avec son limier McCann,
était celui où Stanley se souvenait de son nom.
Ils jouaient à colin-maillard,
les yeux bandés, le jeu se déroulait,
McCann traqua Stanley,
l'obscurité tomba puis disparut
Le jeu était perdu - gagné,
Meg, tous souvenirs envolés,
la nuit d'amour de Lulu passée,
Petey impuissant ;
Un homme qu'ils n'avaient jamais vu
au milieu de la pièce,
et pour finir les yeux de Stanley
crevés par McCann.
1958
The Table
I dine the longest
All this time
My feet I hear
Fall on the fat
On cheese and eggs
On weekend bones
The sound of light
Has left my nose.
Tattooed with all
I couldn’t see
I whisper in
My deafest ear
My name erased
Was sometime here
Or total bluff
Preserved its care.
To this enchained
With this in love
I move on fours
Without a word
And stuffed with tributes
Hog the scraps
Breathless,
Under this enormous table.
1963
La table
Je dîne plus longtemps
que jamais.
Mes pieds je les entends
tomber dans la graisse
sur le fromage et les œufs
sur les os du week-end.
Le bruit de la lumière
a fui mon nez
tatoué de tout
ce que je ne vois pas.
Je murmure dans
mon oreille la plus sourde.
Mon nom effacé
était là avant
ou, total bluff, a pris soin de lui.
Enchaîné à ça,
à cet amour,
je me déplace à quatre pattes
sans un mot
et gavé d'hommages
je m'empare des restes
à bout de souffle
sous l'immense table.
1963
Poem
Always where you are
In what I do
Turning you hold your arms
My touch lies where you turn
Your look is in my eyes
Turning to clasp your arms
You hold my touch in you
Touching to clasp in you
The one shape of our look
I hold your face to me
Always where you are
My touch to love you looks into your eyes.
1964
Poème
Toujours où tu es
dans tout ce que je fais
je me tourne vers toi, tu tends les bras.
Mon toucher se pose là où tu te tournes
ton regard est dans mes yeux
Je me retourne pour serrer tes bras
tu gardes mon toucher en toi
Je te touche pour serrer en toi
la forme unique de notre regard.
Je retiens ton visage contre moi.
Toujours où tu es
mon toucher qui t'aime regarde dans tes yeux.
1964
All of That
All of that I made
And, making, lied.
And all of that I hid
Pretended dead.
But all of that I hid
Was always said,
But, hidden, spied
On others’ good.
And all of that I led
By nose to bed
And, bedding, said
Of what I did
To all of that that cried
Behind my head
And, crying, died
And is not dead.
1971
Tout ça
Tout ça, je l'ai fait
en le faisant, j'ai menti.
Et tout ça, je l'ai caché
faisant semblant d'être mort.
Mais tout ce que j'ai caché
a toujours été dit,
mais, caché, espionné
pour le bien d'autrui.
Et tout ça, je l'ai mené
par le bout du nez jusqu'au lit
et, au lit, j'ai dit
ce que j'avais fait
à tout ce qui pleurait
derrière ma tête
et, en pleurant, est mort
et n'est pas mort.
1971
Poem
they kissed I turned they stared
with bright eyes turning to me blind
I saw that here where we were joined
the light that fell upon us burned
so bright the darkness that we shared
while they with blind eyes turning to me turned
and I their blind kiss formed
1971
Poème
Ils s'embrassaient, je me retournai, ils me fixèrent
de leurs yeux brillants tournés vers moi, aveugles.
Je vis qu'ici, où nous étions réunis,
la lumière qui tombait sur nous brûlait
si fort que l'obscurité nous enveloppait
tandis qu'ils se tournaient vers moi, les yeux aveugles
et que je leur rendais leur aveugle baiser.
1971
Later
Later. Il look out at the moon.
I lived here once.
I remember the song.
Later. No sound here.
Moon on linoleum.
A child frowning.
Later. A voice singing.
I open the back door.
I lived here once.
Later. I open the back door
Light gone. Dead trees.
Dead linoleum. Later.
Later. Blackness moving very fast.
Blackness fatly.
I live here now.
1974
Plus tard
Plus tard. Je regarde la lune.
J'ai vécu ici autrefois.
Je me souviens de la chanson.
Plus tard. Il n'y a aucun bruit ici.
La lune sur le linoléum.
Un enfant fronce les sourcils.
Plus tard. Une voix chante.
J'ouvre la porte arrière.
J'ai vécu ici autrefois.
Plus tard. J'ouvre la porte arrière.
La lumière s'est éteinte. Des arbres morts.
Du linoléum mort. Plus tard.
Plus tard. Une obscurité bouge très vite.
Une obscurité épaisse.
Je vis ici maintenant.
1974
Poem
and all the others
wary now
attentive to flowers
and all the others
unsmiling
recalling others
smiling in gardens
attentive to flowers
wary now
who recall others
wary now
tendering flowers
who recall faces of others
recalling others
unwary in gardens
who tender their gardens
recalling others
wary with flowers
1974
Poème
Et tous les autres
méfiants désormais,
attentifs aux fleurs,
et tous les autres,
sans sourire,
se souvenant des autres,
souriant dans les jardins,
attentifs aux fleurs,
méfiants désormais
qui se souviennent des autres,
méfiants désormais,
offrant des fleurs
qui se souviennent des visages des autres
se souviennent des autres
insouciants dans les jardins.
Qui prennent soin de leurs jardins
se souvenant des autres
méfiants envers les fleurs
1974
Paris
The curtain white in folds,
She walks two steps and turns,
The curtain still, the light
Staggers in her eyes.
The lamps are golden.
Afternoon leans, silently.
She dances in my life.
The white day burns.
1975
Paris
Le rideau blanc plissé,
elle fait deux pas et se retourne,
rideau immobile, la lumière
Titube dans ses yeux.
Les lampes sont dorées.
L'après-midi s'incline, silencieusement.
Elle danse dans ma vie.
Le jour blanc brûle.
1975
I know the place
I know the place.
It is true.
Everything we do
Corrects the space
Between death and me
And you.
1975
Je connais cet endroit
Je connais cet endroit.
c'est vrai.
Tout ce que nous faisons
corrige l'espace
entre la mort et moi
et toi.
1975
Message
Jill. Fred phoned. He can’t make tonight.
He said he’d call again, as soon as poss.
I said (on your behalf) OK, no sweat.
He said to tell you he was fine,
Only the crap, he said, you know, it sticks,
The crap you have to fight.
You’re sometimes nothing but a walking shithouse.
I was well acquainted with the pong myself,
I told him, and I counseled calm.
Don’t let the fuckers get you down,
Take the lid off the kettle a couple of minutes,
Go on the town, burn someone to death,
Find another tart, give her somme hammer,
Live while you’re young, until it palls,
Kick the first blind man you meet in the balls.
Anyway he’ll call again.
I’ll be back in time for tea.
Your loving mother.
1977
Message
Jill. Fred a téléphoné. Il ne peut pas venir ce soir.
Il a dit qu'il rappellerait dès que possible.
J'ai dit (en ton nom) OK, pas de problème.
Il m'a dit de te dire qu'il allait bien,
Que c'était juste la merde, tu sais, celle qui colle,
La merde contre laquelle il faut se battre.
Parfois, on n'est rien d'autre qu'une merde ambulante.
Je connais bien cette puanteur,
lui ai-je dit, et je lui ai conseillé de rester calme.
Ne laisse pas ces enfoirés te démoraliser,
soulève le couvercle de la marmite quelques minutes,
va en ville, brûle vif quelqu'un,
trouve-toi une autre tarte, donne-lui une bonne raclée,
profite de ta jeunesse, jusqu'à ce que ça te lasse,
donne un coup de pied dans les couilles du premier aveugle que tu croises.
De toute façon, il rappellera.
Je serai de retour pour le thé.
Ta mère qui t'aime.
1977
The Doing So
It is the test they set that will not go,
The failing of the doing so,
Ungainly legacy that they bestow.
I know the tricks and yet I cannot show
Why you and I in all our afterglow
Just fail the test of doing so.
It is the legacy that they bestow,
And they remorselessly will have it so.
It is the test of those who cannot row
Upon a burning sea where charred winds blow
The ghastly empires of the dead and tow
Them to their ghastly deaths to show
Them dead and ghastly, smiling, slow.
It is the test they set that will not go.
And all our dead and all their dead friends know
We have no gift for lying low,
No gift at all for doing so.
The test they set you will not go.
It is the legacy that they bestow,
The failing of the doing so.
1977
Le faire ainsi
C'est l'épreuve qu'ils ont fixée qui ne passera pas,
l'échec du faire ainsi,
l'héritage ingrat qu'ils nous lèguent.
Je connais les astuces, mais je ne peux pas démontrer
pourquoi toi et moi, dans toute notre splendeur passée
nous échouons à l'épreuve du faire ainsi.
C'est l'héritage qu'ils nous lèguent,
et ils s'acharneront pour que cela reste tel.
C'est l'épreuve de ceux qui ne savent pas ramer
sur une mer en feu où mugissent des vents brûlants.
Les empires fantomatiques des morts traînent
vers leur mort épouvantable pour montrer
mort et effroi, souriants, lents.
C'est l'épreuve qu'ils ont imposée qui ne passera pas.
Et tous nos morts et tous leurs amis morts savent
que nous n'avons pas le don de nous faire discrets,
pas le don du faire ainsi.
L'épreuve qu'ils ont imposée ne passera pas.
C'est l'héritage qu'ils nous lèguent,
l'échec du faire ainsi.
1977
Denmark Hill
Well, at least you’re there,
And when I come into the room,
You’ll stand, your hands linked,
And smile,
Or, if asleep,
Wake.
1977
Colline du Danemark
Au moins, tu es là,
et quand j'entre dans la pièce,
tu te lèves, mains jointes,
et tu souris,
ou, si tu dors,
tu t'éveilles.
1977