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AUTEUR-E-S - Index I

6 - Jean-Michel Maubert

CENDRES DES JOURS [poèmes]


Pour Marie-Paule




comme

ce champ vide

la lumière grise

la lampe brisée


ton corps

dans le sommeil des eaux




une blessure de nuit


quelques gouttes


de lait de sang


ce lit laissé au silence


l'arrondi des collines s'estompant dans le gris des pluies




germèrent au large

des cieux de tempête

la fêlure d'un soleil vide

nous vivions

dans l'hiver marchions vers les tombes

ramassant

les fleurs malmenées

ta bouche se gerça

en ces temps de boue

en ce temps de mort lente

nos mains comme de mauvais rêves

creusaient la terre froide




tu demeures


l'ombre si lente


cet enfant


des cortèges innommés


contemplant sans voix


les cernes dans le blanc du visage


le gravier du cimetière


les saules semblables à des veines d'ombre



tel jadis un maigre linceul


le dur chagrin


rongera les paupières



je revois


tête nue la sœur douce


sa longue main sur le front


puis dans nos mains


le froid du sommeil



chair de larmes



tremble


le visage des sœurs


il n' y a déjà plus de chemin



les cierges

l'herbe brûlée




nous nous enfoncerons

dès demain

dans le labyrinthe de l'hiver


là où dort

la boue nue

les bêtes closes

dans la plaine empoisonnée


souvent

je repense

à ces vieilles vaches

aux têtes prostrées



le feu pâle des après-midi




viendront un jour peut être


dans l'air amer


les jonquilles les ciels de lin



malgré l'ombre de l'été mort


le deuil de toute lumière


dans cette nuit où elle brûle




tu sentis

une larme

tombant

sur le drap blanc

une ride claire

le calme revenu

de son torse menu

les mains immobiles

sur le lit

des douleurs

la lampe

blessant

la chair




sœurs


il y a ici


un arbre mort


le rectangle lumineux d'une fenêtre


l'âme d'un feu si ancien


pour toi pour elle


le vent tel la lame du rasoir



les roses germent


tu le sais


dans le lit des vieux os



s'écoule comme nuit le temps désert


ainsi amour seule


par les roses demeurer


muette et blanche


comme la cire



tu retrouves

toi aussi

au creux

du sommeil

l'ombre

décharnée


si frêles

tremblent

ces dentelles

de la neige veuve



l'immobile blancheur

telle

l'écorce

devenant

poussière



il y eut

ce bref instant

d'enfance

un éclat d'or

ce trottoir où marchait

le garçon au corps tordu

un maigre visage


des vers

nageaient

dans le sang du poisson



au retour

l'assiette de soupe froide


la nuit

encore



la brume

au matin

étrangle la rivière



son visage

contre

la paume de ta main

rappelant

le souffle mort




en

ce creux de terre

que flétrit le temps avide

les fièvres fleurissent dans le froid

il y a cette blessure scellée à ton front

tes lèvres blanches

se mêlent

à la poussière

poussent

des œillets

comme des taches de sang




la cendre du visage

effacera

les lentes

solitudes

cette urne

ta main

dans la mienne