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CENDRES DES JOURS [poèmes]
Pour Marie-Paule
comme
ce champ vide
la lumière grise
la lampe brisée
ton corps
dans le sommeil des eaux
une blessure de nuit
quelques gouttes
de lait de sang
ce lit laissé au silence
l'arrondi des collines s'estompant dans le gris des pluies
germèrent au large
des cieux de tempête
la fêlure d'un soleil vide
nous vivions
dans l'hiver marchions vers les tombes
ramassant
les fleurs malmenées
ta bouche se gerça
en ces temps de boue
en ce temps de mort lente
nos mains comme de mauvais rêves
creusaient la terre froide
tu demeures
l'ombre si lente
cet enfant
des cortèges innommés
contemplant sans voix
les cernes dans le blanc du visage
le gravier du cimetière
les saules semblables à des veines d'ombre
tel jadis un maigre linceul
le dur chagrin
rongera les paupières
je revois
tête nue la sœur douce
sa longue main sur le front
puis dans nos mains
le froid du sommeil
chair de larmes
tremble
le visage des sœurs
il n' y a déjà plus de chemin
les cierges
l'herbe brûlée
nous nous enfoncerons
dès demain
dans le labyrinthe de l'hiver
là où dort
la boue nue
les bêtes closes
dans la plaine empoisonnée
souvent
je repense
à ces vieilles vaches
aux têtes prostrées
le feu pâle des après-midi
viendront un jour peut être
dans l'air amer
les jonquilles les ciels de lin
malgré l'ombre de l'été mort
le deuil de toute lumière
dans cette nuit où elle brûle
tu sentis
une larme
tombant
sur le drap blanc
une ride claire
le calme revenu
de son torse menu
les mains immobiles
sur le lit
des douleurs
la lampe
blessant
la chair
sœurs
il y a ici
un arbre mort
le rectangle lumineux d'une fenêtre
l'âme d'un feu si ancien
pour toi pour elle
le vent tel la lame du rasoir
les roses germent
tu le sais
dans le lit des vieux os
s'écoule comme nuit le temps désert
ainsi amour seule
par les roses demeurer
muette et blanche
comme la cire
tu retrouves
toi aussi
au creux
du sommeil
l'ombre
décharnée
si frêles
tremblent
ces dentelles
de la neige veuve
l'immobile blancheur
telle
l'écorce
devenant
poussière
il y eut
ce bref instant
d'enfance
un éclat d'or
ce trottoir où marchait
le garçon au corps tordu
un maigre visage
des vers
nageaient
dans le sang du poisson
au retour
l'assiette de soupe froide
la nuit
encore
la brume
au matin
étrangle la rivière
son visage
contre
la paume de ta main
rappelant
le souffle mort
en
ce creux de terre
que flétrit le temps avide
les fièvres fleurissent dans le froid
il y a cette blessure scellée à ton front
tes lèvres blanches
se mêlent
à la poussière
poussent
des œillets
comme des taches de sang
la cendre du visage
effacera
les lentes
solitudes
cette urne
ta main
dans la mienne