Le dépôt
INSOMNIE [poèmes]
mer tâche noire pour ton œil vibre l'air se raréfie strates lignes plan brise leur désert bouche du lémurien tasse ébréchée décharge publique grillages arrête toi la désolation arbre en fragments estuaire poussière de cheval néotène ridé terrain vague le feu ajoncs tempête de nuit la viande véreuse vase guettant des fleurs de cauchemar l'ennui coulure de pluie sur la vitre mur d'angoisse dans sa tête le corps toute cette rouille soleil automate
dans le sable orage la lune prête à rouler sur la terre boule de rouille quasi écarlate tours grises champs noirs vent coupant comme scalpel impossible de compter toutes ces fenêtres quadrillant la nuit le ciel penchant encore vers la terre au dessous membres translucides maïs pourri par la pluie blé noirci soleil de boue cohorte de mouches vertes brillantes grasses cette colonie
le cheval crache du sang sur la neige s'endort entre les derniers arbres cette vaste étendue ondulante ses jambes des muscles puissants autrefois à présent étrange paillage froid la ligne des arbres rideaux noires barres verticales dressées vers quoi hautes silhouettes grises la masse du ciel oui toujours pesant sur chaque chose la forêt sa profondeur de rêve œil jaune serres branches un mulot éventré dans une mare de neige fondue une feuille d'arbre couvrant sa tête reflet plombé du ciel dans l'eau
ciel souillé lumière temps grumeleux d'où s'égoutte la nuit épaisse le chien déféquant lentement vapeur chaude de ses entrailles la nuit bientôt un vieux pansement de nuages îlots de lumière phare cyclope lueur ambrée de l'alcool matin sa grisaille de cigarette froide morne angoisse des mouettes belliqueuses tous ces ténèbres à peine repentis les rails la rivière glaciale dans sa chambre elle dort nue de désespoir son sang rêvant à d'autres rêves
la grève ondulation indifférente dunes noircies têtes nues le froid la jetée quelques maisons vides une langue de sable s'étirant au loin cargo dont la silhouette ferrailleuse dort en équilibre une tasse de thé brûlant quelques grammes de vapeur derrière une vitre comme un rêve de chaleur une lampe à l'ancienne pigeon disait mon père plus loin les champs damiers ciel irrespirable je cherche ton visage chaque nuit
lamproies lottes gargouilles semées dans les profondeurs ce qui de nos têtes s'enfonce dans la nuit sommeil le plus froid là où vont nos souffles de méduses l'oscillation des lumières et des songes et plus loin des lieux plus secrets un ciel fossile
ombre verticale de l'arbre blanc l'île son intraitable compacité résultant par hypothèse d'un ajointement de fragments indociles austère comme carnaval un minerai crevant l'étendue calme la lagune sœur immature de l'île refaçonnant le sommeil
l'imminence du ciel de nuit pesant carnage sarcophage du moine taillé dans un rutilant bois noir table nue bouteille translucide parole calcinée paume de ta main ouvrir le sommeil comme une porte