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Simples poèmes

Alain Rivière, Une vie - Robert Anselme, extrait du livre "L'espèce humaine -



enfant il mange des maisons

il les dévore les unes après les autres

il n'en laisse aucune dans la banlieue

ses parents sont inquiets


adulte il mange des villes entières

il n'oublie pas les tas de gratte-ciel

qui recouvrent la terre

sa femme le soutient comme elle peut


vieillard il mange encore il a faim

il a peur de partir avant d'avoir fini

ce serait dommage de ne pas être fou

dit-il à son petit-fils qui avale des cabanes



Alain Rivière






Si tout à coup la salle s'éclairait, on verrait un enchevêtrement de loques zébrées, de bras recroquevillés, de coudes pointus, de mains mauves, de pieds immenses ; des bouches ouvertes vers le plafond, des visages d'os couverts de peau noirâtre avec les yeux fermés, des crânes de mort, formes pareilles qui ne finiront pas de se rassembler, inertes et comme posées sur la vase d'un étang. On verrait aussi des solitaires, assis, des fous tranquilles et mâchant dans la nuit le biscuit des chiens, et d'autres, devant la porte, piétinant sur place, courbés sur leur ventre.


Robert Anselme - extrait de "L’espèce humaine"- Ed. Gallimard