Le dépôt
APHASIE – CHAMBRE – FEU NOIR [poèmes]
supplicié
sans linceul
fauves brûlants
forêt de souffles
larve sans lèvres
pauvre né
suis-je cela
pour toi
à germer ici
sans cesse
dans la chair la boue
désossé édenté
t'attendant
en mille plissements
et involutions
est-ce moi
la bouche d'ici-bas
affamée
mordant la terre
tandis que pousse en elle
ce rêve d'ombre
cherchant
ce qui reste
spasmes et cendres
de la vie nue
sevrée
sans larmes
nourris-moi
encore
veines à peine visible une seule étoile
scandant le ciel morcelé d'hiver
rasoir de mer––l'encre sur la bouche
pâle fente––entre les draps––
crachin d'os––vieille bouche
nuit d'une pauvre chair entrelacée
à l'autre sommeil /
cette zone d'ombre
où nage mon cœur-momie
happé par l'énigme
d'un vaste feu central
souvent : en toi
comme une abeille de sang
l'étrange
langue des chrysanthèmes
corbeau / main de sel / la rumeur de la mer /
le chien sourd dans le labyrinthe––
animal songeur / son cœur de
soleil––viande faisandée
dans le lait gris du vieux monde
dort ce visage de craie
la ville s'efface
en amas de fumées
dans les arrières cours
tout n'est que
chuintements têtes parquées au dehors
de vieux mulots
blottis
dans les mottes
d'herbe coupée
puis leur
sang dans la terre
les museaux écorchés
des fourmis dans les yeux
pommes
tachées
le travail de la douleur
crache
un peu de ce sang
noir fumet
d'avorton
il est là
blême –– racorni
irascible
un fragment
de masque
une cassure
elle ne sait pas
comment
nommer
ce qui
dans le coin
de la chambre
sans cesse remue
tête du jamais sommeil
grogner –
on dirait le frère mort
une petite chose
un rêve corrompu
l'ombre
ne s'arrête pas
chair des cargos
baleine morte
l'œil gelé - morsure au fond
comme
suspendu sur le mur
de tes cauchemars
immobile dans son cadre
berceau
poussière
sur ces dents
de rats
rieurs,
priant
l'étoile rousse, juteuse,
drainant les reins
feu
acier écartelant
la chair
étalée hurlante
au fond
d'un lit de boue
sa réserve de faim
s'étiole
coupeur de nuit
indélicat fossile
cierge, lumière cornue
l'abeille,
centre noir, son lait ––
florale aréole
dans sa crêpe noire
l'araignée moite
comme un miroir
au creux de ta paume, un pétale de dent
le lapereau en poussière
visage dans les mains
cheveux brûlant
les épaules dans le sel
sillons noirs du soleil
mouettes stériles
têtards crachant ta tête de sodium
ces cargos défunts
brisant l'étendue froide des lignes
lente bouillie des lunes plates
un carnaval féru en os
le cierge
mêlé
à ton lait de rêve - chaque nuit, mords
le ventre du cafard
la méduse électrique,
familière
grignotant
ces jours savonneux
cherche ami
l'indigne calvaire
sous le vieux ciel sans dents