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PLACE AUX POÈMES

LIVRE ZOOM

85 - QUENEAU


"Si tu t'imagines"


si tu t'imagines fillette fillette

si tu t'imagines

xa va xa va xa va

durer toujours

la saison des za

la saison des za

saison des amours

ce que tu te goures fillette fillette

ce que tu te goures

Si tu crois petite

si tu crois ah ah

que ton teint de rose

ta taille de guêpe

tes mignons biceps

tes ongles d'émail

ta cuisse de nymphe

et ton pied léger

si tu crois petite

xa va xa va xa va

durer toujours

ce que tu te goures fillette fillette

ce que tu te goures

Les beaux jours s'en vont

les beaux jours de fête

soleils et planètes

tournent tous en rond

tu marches tout droit vers

sque tu vois pas

très sournois s'approchent

la ride véloce

la pesante graisse

le menton triplé

le muscle avachi

allons cueille cueille

les roses les roses roses de la vie

et que leurs pétales

soient la mer étale

de tous les bonheurs

allons cueille cueille

si tu le fais pas

ce que tu te goures fillette fillette

ce que tu te goures. 


Lien source : https://www.poesie-francaise.fr/raymond-queneau/poeme-si-tu-t-imagines.php



L'Explication des métaphores


Un beau jour on se lève et on voit que le ciel est bleu on se dit que c'est une métaphore on se dit que le ciel est comme un drap de lit qu'il est comme une nappe qu'il est comme une fleur on se dit qu'il est bleu comme le regard d'un enfant ou comme le sang des rois ou comme une veine sur le dos de la main on se dit tout cela et puis on s'aperçoit que le ciel est tout simplement bleu et qu'il n'y a pas besoin de métaphores le ciel est bleu le ciel est bleu le ciel est bleu on est bien content de le savoir et de pouvoir le dire sans faire de chichis.


Lien source : https://www.poetica.fr/poeme-345/raymond-queneau-un-poeme/



Ballade en proverbes du vieux temps



Il faut de tout pour faire un monde

Il faut des vieillards tremblotants

Il faut des milliards de secondes

Il faut chaque chose en son temps

En mars il y a le printemps

Il est un mois où l'on moissonne

Il est un jour au bout de l'an

L'hiver arrive après l'automne


La pierre qui roule est sans mousse

Béliers tondus gèlent souvent

Il n'est pas de route si douce

Qu'on n'y trouve kékchose de gênant

C'est encor pis si tu raisonnes

La mort t'a toujours au tournant

L'hiver arrive après l'automne

Petit à petit l'oiseau fait son nid

Mais on ne fait pas d'omelette

Sans casser les œufs c'est fini

Et l'on range sa bicyclette

Quand on n'a plus de jambes nettes

On s'assoit devant sa personne

On attend que sonne la clochette

L'hiver arrive après l'automne.


Lien source : https://www.poemes.co/ballade-en-proverbes-du-vieux-temps.html



L'Amphigouri


Les oiseaux bleus dans l'air sont verts dans la prairie qui les entend les voit qui les voit les entend leur aile déployée élargit leur patrie mais à travers leur plume un feu toujours s'étend


Caméléons du ciel agiles que l'œil transperce nuages qui vivants assument tour à tour la forme d'une idée et puis l'idée inverse ils s'envolent au vent qui souffle sur le jour


Rien n'est jamais acquis à l'homme ni sa force ni sa faiblesse ni son cœur et quand il croit ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix et quand il croit serrer son bonheur il le broie sa vie est un étrange et douloureux divorce.


Lien source : https://www.eternels-eclairs.fr/poemes-queneau.php




Un poème


Bien placés bien choisis quelques mots font une poésie les mots il suffit qu'on les aime pour écrire un poème on ne sait pas toujours ce qu'on dit lorsque naît la poésie faut ensuite rechercher le thème pour intituler le poème mais d'autres fois on pleure on rit en écrivant la poésie ça a toujours kékchose d'extrême un poème.


Lien source : https://www.poetica.fr/poeme-345/raymond-queneau-un-poeme/



Présentation


La poésie de Raymond Queneau est un champ de force où se télescopent la rigueur mathématique et la fantaisie populaire. Fondateur de l'Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle), il a théorisé la contrainte comme un libérateur d'imaginaire, fuyant l'inspiration romantique au profit du jeu combinatoire. Son écriture se distingue par l'usage du néo-français, intégrant l'oralité, l'argot et les audaces phonétiques dans la noblesse du vers. Queneau traite les thèmes les plus graves, comme la mort, l'usure du temps ou le néant, avec une légèreté apparente et un humour qui agit comme une politesse du désespoir. Son œuvre est une tentative permanente d'épuiser les possibles du langage tout en dénonçant les prétentions du discours sérieux.



Biographie


Raymond Queneau naît au Havre en 1903. Après des études de philosophie et de mathématiques, il se lie un temps aux surréalistes avant de rompre avec le groupe pour explorer une voie plus structurée et moins automatique. Tout au long de sa carrière chez Gallimard, où il dirige la collection de la Pléiade, il mène de front une œuvre poétique et romanesque considérable. Son roman Zazie dans le métro lui apporte une gloire populaire, tandis que ses Cent mille milliards de poèmes font de lui une référence mondiale de la littérature expérimentale. Élu à l'académie Goncourt en 1951, il reste jusqu'à sa mort en 1976 un chercheur infatigable, convaincu que la poésie est une science qui s'ignore et que le rire est la forme la plus haute de la métaphysique.



Espace bibliographique


Chêne et chien, poème autobiographique, 1937. Les Ziaux, poésie, 1943. Exercices de style, 1947. L'Instant fatal, 1948. Petite cosmogonie portative, 1950. Cent mille milliards de poèmes, 1961. Le Chien à la mandoline, 1965. Courir les rues, 1967. Morale élémentaire, 1975.