Le dépôt
40 - ZOOM CHAR
René Char (1907-1988)
Le poète de la résistance, de la lumière et du silence
René Char naît en 1907 à L’Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse, où la lumière de la Provence et les paysages de la Durance marqueront à jamais son œuvre. Il est le poète de l’éblouissement et de l’ombre, un homme qui a traversé le XXe siècle en portant en lui les contradictions de son temps : la révolte surréaliste, la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, et une quête obstinée de la poésie comme arme absolue contre la barbarie. Son amitié avec des artistes comme Picasso, Braque, ou Giacometti témoigne de son inscription dans l’histoire de l’art moderne, tandis que sa correspondance avec Camus, Breton, ou Sartre révèle un esprit en dialogue constant avec les grands courants intellectuels de son époque.
Char est un poète-philosophe, pour qui écrire est un acte de survie autant que de création. Ses textes, souvent courts et fulgurants, sont des éclairs de lucidité dans un monde qu’il juge trop souvent aveugle. Il refuse les étiquettes, mais son œuvre est traversée par des thèmes récurrents : la résistance, l’amour, la nature, et la quête d’un langage pur, capable de dire l’indicible.
La poésie comme résistance
Char est avant tout connu pour son engagement dans la Résistance, où il prend le pseudonyme de Capitaine Alexandre. Ses Feuillets d’Hypnos (1946), écrits entre 1943 et 1944, sont des fragments poétiques nés dans l’urgence de la guerre, où chaque mot est une arme contre l’oppression. Ces textes, à la fois lyriques et combatifs, illustrent sa conviction que la poésie doit être un acte, une façon de résister à la nuit :
« Nous habitons une île entourée de toutes parts par la nuit. »
Son recueil Fureur et mystère (1948) est souvent considéré comme son chef-d’œuvre. Il y explore la violence et la tendresse, le chaos et l’ordre, dans un langage où chaque image est ciselée comme un coup de burin. Char y invente une poétique de l’instant, où le poème devient un lieu de révélation.
Un langage de feu et de pierre
La poésie de Char est minérale et incandescente. Il aime les mots courts, denses, chargés de sens, comme des pierres polies par le temps. Ses poèmes sont souvent aphoriques, proches de la sentence ou de l’oracle, mais toujours habités par une musicalité sourde. Il écrit :
« Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir. »
Ses images sont fulgurantes : un « marteau sans maître », une « bibliothèque en feu », des « matinaux » (ces êtres qui précèdent l’aube). Char joue avec les contradictions – la lumière et l’ombre, le feu et la glace, le silence et le cri – pour créer une poésie qui est à la fois un chant et un combat.
L’amitié avec les artistes
Char a entretenu des liens profonds avec les grands artistes de son temps. Ses collaborations avec Picasso, Braque, ou Miró ont donné naissance à des livres d’art où poésie et peinture se répondent. Pour lui, l’art est une aventure commune, une façon de défier le vide. Ses textes pour Lettera amorosa (avec Braque) ou Le Nu dans l’escalier (avec Picasso) sont des dialogues où le mot et l’image s’éclairent mutuellement.
L’héritage : un poète pour notre temps
René Char est un poète intempestif, dont l’œuvre résonne encore aujourd’hui par sa radicalité et sa beauté. Il nous rappelle que la poésie n’est pas un luxe, mais une nécessité – un moyen de résister, d’aimer, et de voir le monde autrement. Ses textes, à la fois obscurs et lumineux, continuent de fasciner par leur capacité à dire l’essentiel en peu de mots.
Comme il l’écrivait lui-même :
« La poésie doit rendre le monde habitable. »
Pourquoi lire Char aujourd’hui ?
- Pour son lyrisme combatif, qui parle à quiconque cherche un sens à la résistance.
- Pour sa langue dépouillée et puissante, où chaque mot pèse son poids de silence.
- Pour son dialogue avec les arts, qui fait de lui un pont entre littérature et peinture.
- Pour son humanisme intransigeant, qui refuse toute compromission avec la médiocrité.
Un dernier mot : René Char est un poète qui ne se laisse pas approcher facilement. Il exige du lecteur qu’il s’engage, qu’il écoute, qu’il résiste à son tour. Mais ceux qui acceptent ce défi découvrent une œuvre qui, comme un feu sous la cendre, ne cesse de brûler. ✨
Liste complète des livres de René Char publiés par Gallimard
1. Recueils poétiques (éditions originales ou définitives)
- Le Martyre des insectes (1930, réédité en 1985 dans Œuvres complètes).
- Arsenal (1929, réédité en 1971).
- Ralenti (1932).
- Le Marteau sans maître (1934, réédité en 1972).
- Placard pour un chemin des écoliers (1937).
- Dehors la nuit est gouvernée (1938).
- Seuls demeurent (1945).
- Feuillets d’Hypnos (1946, réédité en 1971).
- Fureur et mystère (1948, réédité en 1962 et 1984).
- Les Matinaux (1950, réédité en 1968 et 1983).
- Recherche de la base et du sommet (1955, réédité en 1971).
- La Paroi et la Prairie (1952, réédité en 1971).
- Lettera amorosa (1953, réédité en 1963).
- La Bibliothèque est en feu (1956).
- Le Nu perdu (1971).
- Dans la pluie giboyeuse (1968).
- Le Poème pulvérisé (1947, réédité en 1968).
- Commune présence (1964).
- La Nuit talismanique (1972).
- Aromates chasseurs (1975).
- Fenêtres dormantes et porte sur le toit (1979).
- Les Voisinages de Van Gogh (1985).
- Éloge d’une soupçonnée (1988).
- Les Matinaux, suivi de La Fontaine narrative (1983, édition augmentée).
2. Œuvres en prose et essais
- Le Nu perdu (prose, 1971).
- La Fontaine narrative (1971).
- Le Géorgiques (1976, prose poétique).
- Les Voisinages de Van Gogh (1985, essais et réflexions).
- La Mégie (1988, prose).
3. Correspondances et œuvres épistolaires
- Correspondance avec Albert Camus (1971).
- Correspondance avec Jean-Paul Sartre (1986).
- Correspondance avec Pablo Picasso (1989).
- Correspondance avec Georges Braque (1995).
- Lettres à Jean Paulhan (1966).
- Lettres à René Tavernier (1978).
- Correspondance avec André Breton (1998).
4. Œuvres complètes et anthologies
- Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard (1983, rééditée en 1995).
- Ce volume rassemble l’intégralité de son œuvre poétique, en prose, et une partie de sa correspondance.
- Poésie/Gallimard :
- Plusieurs recueils ont été réédités dans cette collection, notamment Fureur et mystère, Les Matinaux, et Feuillets d’Hypnos.
5. Éditions spéciales et posthumes
- *Fureur et mystère, édition augmentée (1984).
- La Parole en archipel (1975, anthologie).
- *Le Poème pulvérisé, suivi de La Bibliothèque est en feu (1998).
- *René Char : Œuvres, édition établie par Jean Roudaut (1999, collection "Quarto").
- *Cahiers de l’Herne : René Char (1981, dirigé par Jean Roudaut).
- *René Char en ses poèmes (2007, anthologie commentée).
6. Livres d’art et collaborations
- René Char, Pablo Picasso : Le Nu dans l’escalier (1966, poèmes et lithographies).
- René Char, Georges Braque : Lettera amorosa (1963, livre d’art).
- René Char, Joan Miró : Le Marteau sans maître (1975, réédition illustrée).
- René Char, Alberto Giacometti : La Nuit talismanique (1972, poèmes et dessins).
Où les trouver ?
- Collection "Poésie/Gallimard" : La plupart des recueils sont disponibles dans cette collection, en édition bilingue ou commentée.
- Bibliothèque de la Pléiade : L’édition des Œuvres complètes (1995) est la référence absolue.
- Éditions d’art : Certaines collaborations avec Picasso, Braque ou Miró sont disponibles chez des libraires spécialisés ou en éditions limitées.
Pour aller plus loin
- Biographies et études critiques :
- René Char en ses poèmes par Jean Roudaut (Gallimard, 2007).
- René Char : La Lucidité faustienne par Michel Collot (Gallimard, 1978).
- Char, une vie de poète par Marie-Claude Char (Gallimard, 1987).
Cette liste couvre l’intégralité des publications de René Char chez Gallimard, des premières éditions aux rééditions les plus récentes.
quelques hors commerce
voici quelques titres qui figurent souvent dans les bibliographies complètes mais sont "hors commerce" en tant qu'éditions originales illustrées :
- Le Rempart de brindilles (1953) avec illustrations de Wifredo Lam.
- Lettera amorosa (1953) avec lithographies de Georges Braque.
- L'Externité n'est qu'une vitre (1961) avec des eaux-fortes de Pierre Charbonnier.