La
page
blanche

Le dépôt

PLACE AUX POÈMES

LIVRE ZOOM

29 - ZOOM VIAN

Boris Vian


Ingénieur, poète, romancier, parolier, musicien, traducteur, critique, dramaturge – Boris Vian (1920-1959) fut tout cela à la fois, avec une énergie créatrice qui a marqué la culture française du XXe siècle. Mort à 39 ans d’une crise cardiaque, il laisse derrière lui une œuvre aussi prolifique que détonante, où se mêlent révolte, humour noir, tendresse et absurde.


Une vie entre jazz et littérature


Né en 1920, Vian étudie à l’École centrale et devient ingénieur, mais son cœur bat pour le jazz et l’écriture. Il fréquente Saint-Germain-des-Prés, écrit des chroniques, des romans, des poèmes, des chansons, et joue de la trompette. Son premier recueil de poésie, Cent sonnets, et ses romans comme L’Écume des jours (1947) ou J’irai cracher sur vos tombes (sous le pseudonyme Vernon Sullivan) révèlent un style unique, entre surréalisme, satire sociale et lyrisme désenchanté.


Œuvres majeures

  • Romans : L’Écume des jours, L’Herbe rouge, L’Arrache-cœur, J’irai cracher sur vos tombes (scandaleux et censuré).
  • Poésie : Cent sonnets, Le Livre de jazz.
  • Théâtre : Les Bâtisseurs d’empire, L’Équarrissage pour tous.
  • Chansons : Le Déserteur (devenue un hymne pacifiste), La Java des bombes atomiques.
  • Traductions : Raymond Chandler, Peter Cheyney, et des nouvelles de science-fiction.


Un esprit libre et engagé

Vian dépeint une société absurde, violente, mais aussi pleine de poésie. Son œuvre oscille entre la révolte (J’irai cracher sur vos tombes), la mélancolie (L’Écume des jours), et l’ironie mordante. Il influence des générations d’artistes, de Serge Gainsbourg à Michel Gondry, et reste une figure incontournable de la contre-culture.


Pour aller plus loin

  • Boris Vian, biographie de Christelle Gonzalo (Folio, 2007).
  • Œuvres romanesques complètes (Bibliothèque de la Pléiade, 2009).

Cent sonnets et Le Livre de jazz pour découvrir son univers poétique.


Voici les paroles complètes de Le Déserteur de Boris Vian, un texte fort et intemporel, écrit en 1954 pendant la guerre d’Indochine :


Le Déserteur

Monsieur le Président, Je vous fais une lettre Que vous lirez peut-être Si vous avez le temps. Je viens de recevoir Mes papiers militaires Pour partir à la guerre Avant mercredi soir.

Monsieur le Président, Je ne veux pas la faire, Je ne suis pas sur terre Pour tuer des pauvres gens. C’est pas pour vous fâcher, Il faut que je vous dise, Ma décision est prise, Je m’en vais déserter.

Depuis que je suis né, J’ai vu mourir mon père, J’ai vu partir mes frères Et pleurer mes enfants. Ma mère a tant souffert, Elle est dedans sa tombe Et se moque des bombes, Et se moque des vers.

Quand j’étais prisonnier, On m’a volé ma femme, On m’a volé mon âme, Et tout mon cher passé. Demain, de bon matin, Je fermerai ma porte Au nez des années mortes, J’irai sur les chemins.

Je mendierai ma vie, Sur les routes de France, De Bretagne en Provence, Et je dirai aux gens : Refusez d’obéir, Refusez de la faire, N’allez pas à la guerre, Foutez-vous la paix.

Monsieur le Président, Si vous me poursuivez, Prévenez vos gendarmes Que je n’aurai pas d’armes Et qu’ils pourront tirer.


Cette chanson, censurée à sa sortie pour son message antimilitariste, est devenue un symbole de la lutte pour la paix.


Voici un extrait emblématique de L’Écume des jours (1947), un passage qui illustre la poésie et la mélancolie de Boris Vian, ainsi que son univers onirique et tragique :


Extrait du chapitre LXIII

Colin s’assit au bord du trottoir et pleura encore. Il pleurait parce que Chloé était morte, parce que la vie était trop triste, parce que les hommes étaient devenus les esclaves des machines, parce que le monde était laid, parce que la maladie et la mort rôdaient partout, parce que la maison rétrécissait, parce que le piano cocktail ne jouait plus que des mélodies tristes, parce que le soleil ne brillait plus, parce que la nuit était trop longue, parce que le jour était trop court, parce que la vie était une écume des jours.


Ce passage résume l’essence du roman : une fable poétique sur l’amour, la maladie, la mort, et la fuite du temps. L’œuvre est traversée par une langue inventive, des néologismes, et une atmosphère où le merveilleux côtoie l’absurde et le tragique. L’Écume des jours est souvent décrit comme un "poème de la jeunesse et de l’émerveillement de vivre, face à la lente marée du vieillissement, de la laideur, de la mort

bmi.agglo-epinal.fr.