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62 - ZOOM RONSARD
Pierre de Ronsard
Pierre de Ronsard (1524 – 1585) est la figure dominante de la poésie française de la Renaissance. Chef de file de la Pléiade, il a enrichi la langue française en puisant dans l'Antiquité et en célébrant la beauté, l'amour et l'éphémère.
Poèmes
Les poèmes choisis représentent l'essence de Ronsard : l'Ode pétrarquiste, le thème du Carpe Diem (Cueille le jour), et la forme classique (Sonnet, Ode).
Mignonne, allons voir si la rose
(Extrait des Odes, Livre I, 1550)
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu, ceste vesprée,
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las ! las ! ses beautés laissé choir !
O vraiment marâtre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.
- Lien Source BNF/Gallica (Édition des Odes numérisée)
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle
(Sonnet pour Hélène, Second Livre des Sonnets pour Hélène, 1578)
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébroit du temps que j'étais belle.
Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,
Bénissant vostre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et vostre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
- Lien Source BNF/Gallica (Édition des Sonnets numérisée)
Ô fontaine Bellerie
(Extrait des Odes, Livre V, 1552)
Ô fontaine Bellerie,
Belle fontaine chérie
De nos Nymphes, quand au jour
Elles vont prendre séjour
Dans le creux de ta lessive,
Et de ta source naïve
Éclaboussent tout ce bois ;
Quand l’été je me revois
Souvent à l’ombre étendu
De ce chêne un peu pendu
Qui tout au large se penche :
Comme la nymphe l’eau blanche
Qui pour se jouer t’émeut,
Las ! mon œil aussi se meut
D’une larme qui t’arrose,
Pour ma triste métamorphose.
Je n'ai plus que les os...
(Derniers vers adressés à Cassandre, Les Derniers Vers, 1586)
Je n'ai plus que les os, un squelette je semble,
Déchiré des douleurs, que la mort me rassemble,
Tant je suis consumé, tant je suis exténué.
Je ne suis que fantôme, encor tout charnu né.
Ne vous moquez de moi, ma maîtresse, en pleurant,
Ne vous moquez de moi, je suis celui d’avant :
Le temps m’a transformé de jeune en vieillard blême ;
Mais toujours, ô ma flamme, ardent, je vous aime.
- Lien Source BNF/Gallica (Édition des Derniers Vers numérisée)
Je vous envoie un bouquet que ma main
(Sonnet tiré du Premier Livre des Amours, 1552)
Je vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanies ;
Qui ne les eust à ce vespre cueillies,
Foisse à l’aurore elles fussent au main.
Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautés, bien qu’elles soient fleuries,
En peu de temps cherront toutes flétries,
Et, comme fleurs, emporteront leur brin.
Le temps s’en va, le temps s’en va, ma Dame,
Las ! le temps non, mais nous nous en allons,
Et tost serons étendus sous la lame ;
Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, il n’en sera plus âme :
Pour ce aimez-moi, tandis que nous sommes beaux.
- Lien Source BNF/Gallica (Édition des Amours numérisée)
Présentation : L'Humaniste et le Réformateur de la Langue
Le Contexte Historique : La Pléiade
Né en 1524, Pierre de Ronsard émerge dans le contexte de la Renaissance, marqué par la redécouverte des textes antiques. En 1549, avec Joachim Du Bellay, il fonde la Pléiade (initialement Brigade), un groupe de sept poètes dont l'objectif est d'enrichir et de défendre la langue française contre le latin et les dialectes régionaux. Leur manifeste est Défense et Illustration de la Langue Française (Du Bellay, 1549).
La Poétique : Le Triomphe de la Forme
Ronsard est le Prince des Poètes de son vivant. Sa poésie se caractérise par :
- L'Imitation des Anciens : Il adapte les formes grecques et latines (Odes, Hymnes, Épigrammes) en français, donnant à la poésie française sa musicalité et sa grandeur formelle.
- Le Lyrisme Personnel et Galant : Ses cycles poétiques (Les Amours de Cassandre, Sonnets pour Hélène) explorent les passions, adoptant le pétrarquisme (culte de l'aimée inaccessible) tout en conservant une grande sensualité française.
- La Musique de la Strophe : Sa maîtrise des mètres et des rimes est inégalée pour son époque, créant une texture sonore riche et mélodieuse.
- Le Thème de la Fugacité : L'obsession du Carpe Diem (thème de la rose qui fane, de la vieillesse) traverse toute son œuvre, conférant à ses vers une mélancolie profonde et universelle.
III. Espace Bibliographique
Les Amours (1552)Lien BNF/Gallica : Les AmoursOdes MajeuresLes Odes (1550-1552)Lien BNF/Gallica : Odes ComplètesCycle PostérieurSonnets pour Hélène (1578)Lien BNF/Gallica : Sonnets pour HélèneÉdition CritiqueŒuvres Complètes (Pléiade ou édition Classiques Garnier)Non disponible en ligne (droits modernes)Essai sur la PléiadeLa Défense et Illustration de la Langue Française (Du Bellay)Lien BNF/Gallica : Manifeste de la Pléiade