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PLACE AUX POÈMES

LIVRE ZOOM

37 - ZOOM IFLAND

Alta Ifland



Alta Ifland est née en Roumanie sous le régime communiste. Après avoir vécu trente ans aux États-Unis, elle s’installe en France, où elle poursuit une carrière littéraire et académique. Elle est l’auteure de recueils de poèmes en prose, de nouvelles, de romans et d’essais, souvent marqués par une ironie mordante, une sensibilité multiculturelle et une réflexion sur l’exil, la mémoire et la traduction. Son dernier recueil Voix de glace est paru réédité en version bilingue anglalis français en 2025 chez Punctumbooks. Alta Ifland est invitée au dépôt Lpb.


Une vie entre langues et cultures

Alta Ifland étudie la philosophie avec Jean-Luc Nancy et Philippe Lacoue-Labarthe à l’Université de Strasbourg. Son parcours personnel – de la Roumanie communiste aux États-Unis, puis à la France – nourrit une œuvre où se mêlent satire, mélancolie et une profonde curiosité pour les marges de la société. Elle est également traductrice, passant du français à l’anglais (Raymond Queneau, Marguerite Duras, Lorand Gaspar) et de l’anglais au français (W.S. Merwin), ainsi que du roumain à l’anglais (Norman Manea, Mariana Marin).

Son écriture, souvent qualifiée de "surrealiste" ou "d’outsider", explore les tensions entre les cultures, les langues et les identités, avec un style à la fois poétique et provocateur.


Œuvres majeures


  • Recueils de poèmes en prose : Voix de glace/Voice of Ice (2008, Prix Louis Guillaume), The Snail’s Song.
  • Nouvelles : Elegy for a Fabulous World (2010, finaliste du Northern California Book Award), Death-in-a-Box (2010, Subito Press Fiction Prize).
  • Romans : The Wife Who Wasn’t (une comédie satirique sur les Moldaves et les Californiens), Speaking to No One (2021), The Darkroom (2021, traduction du scénario de Le Camion de Marguerite Duras).
  • Essais et traductions : The DARKROOM (Contra Mundum Press, 2021), ainsi que de nombreux articles et traductions littéraires.

Extraits significatifs


« Voix de glace/Voice of Ice » (2008)

"Je suis une femme qui parle plusieurs langues, mais aucune ne m' appartient. Je suis une étrangère dans chaque mot que j’écris. Je suis une traductrice de moi-même, une passeuse entre les mondes, une ombre qui glisse entre les lignes. La glace ne fond pas dans ma bouche. Elle reste là, froide et pure, comme un souvenir qui refuse de s’effacer."

Référence : Alta Ifland, Voix de glace/Voice of Ice, Éditions L’Atelier Contemporain, 2008.


"Je collectionne les silences. Celui de ma mère, lourd comme une pierre tombale. Celui de mon père, léger comme une feuille morte. Celui de mes amants, bruyant comme un cri étouffé. Et le mien, transparent comme un verre d’eau. Les mots sont des oiseaux migrateurs. Ils partent, reviennent, se perdent. Moi, je reste. Immobile. À attendre qu’un mot me reconnaisse."

Référence : Alta Ifland, Voix de glace / Voice of Ice, L’Atelier Contemporain, 2008, p. 23.


"On m’a appris à parler avant de savoir ce que je disais. Les mots étaient des jouets, des armes, des pièges. Je les ai avalés sans mastiquer. Maintenant, ils me brûlent l’estomac. Je rêve en roumain, je pense en anglais, j’écris en français. Trois langues pour une seule trahison : celle de ne jamais dire exactement ce que je veux dire. La glace, elle, ne ment jamais. Elle fond ou elle reste. Elle ne promet rien."

Référence : Alta Ifland, Voix de glace / Voice of Ice, L’Atelier Contemporain, 2008, p. 45.


"Je suis une femme qui a appris à se taire dans trois langues. Le silence est ma patrie. Je l’ai portée comme un manteau, comme une armure, comme une seconde peau. Parfois, un mot s’échappe. Un mot en roumain, doux et amer comme une prune. Un mot en anglais, dur et brillant comme un couteau. Un mot en français, léger et futile comme un soupir. Les autres écoutent, hoche la tête, sourirent. Ils ne comprennent pas. Moi non plus."

Référence : Alta Ifland, Voix de glace / Voice of Ice, L’Atelier Contemporain, 2008, p. 67.



« Elegy for a Fabulous World » (2010)

"Dans notre pays, les mensonges étaient si beaux qu’on les croyait vrais. Les gens vivaient dans des histoires qu’ils s’inventaient pour échapper à la réalité. Moi, j’ai appris à mentir avant de savoir parler. La vérité, c’était un luxe qu’on ne pouvait pas se permettre. Un jour, j’ai traversé l’océan et j’ai découvert que les mensonges, là-bas, étaient encore plus beaux. Mais ils avaient un autre goût. Ils sentaient le plastique et le sucre, pas la terre et la pluie."

Référence : Alta Ifland, Elegy for a Fabulous World, FC2, 2010.


« The Wife Who Wasn’t » (roman satirique)

"Les Moldaves et les Californiens ne se comprenaient pas. Les uns parlaient de vin, de terre et de souvenirs, les autres de yoga, de thérapie et d’avocats. Moi, j’étais entre les deux, comme un pont qui ne mène nulle part. — Tu es qui, toi ? me demanda un jour un Américain. — Je suis une erreur de casting, répondis-je. Une intruse dans mon propre rôle."

Référence : Alta Ifland, The Wife Who Wasn’t, New Europe Books, 2021.


Bibliographie


Œuvres d’Alta Ifland

  • Voix de glace/Voice of Ice, L’Atelier Contemporain, 2008.
  • Elegy for a Fabulous World, FC2, 2010.
  • Death-in-a-Box, Subito Press, 2010.
  • The Wife Who Wasn’t, New Europe Books, 2021.
  • Speaking to No One, New Europe Books, 2022.
  • The DARKROOM, Contra Mundum Press, 2021.

Ouvrages critiques et articles

  • Ifland, Alta, Traduction et excentricité : une lecture de Marguerite Duras, in Revue des Sciences Humaines, 2018.
  • Ifland, Alta, L’Écriture comme exil, in Po&sie, 2019.
  • Articles académiques disponibles sur Academia.edu.

Pourquoi lire Alta Ifland ?

Son œuvre, à la fois drôle et poignante, interroge les identités hybrides, les déracinements et les paradoxes de la communication humaine. Elle est une voix essentielle pour comprendre les enjeux de la migration, de la traduction et de la création littéraire dans un monde globalisé.