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32 - ZOOM BRETON
Zoom : André Breton (1896-1966)
André Breton, né le 19 février 1896 à Tinchebray (Normandie) et mort le 28 septembre 1966 à Paris, est le fondateur et le théoricien du mouvement surréaliste. Médecin de formation, il découvre la psychanalyse avec Sigmund Freud et en tire une nouvelle conception de la création artistique : libérer l’inconscient, explorer le rêve, et briser les frontières entre réalité et imagination.
Une vie dédiée à la révolution poétique
Breton participe à l’aventure dadaïste avant de rompre avec Tristan Tzara pour créer le surréalisme en 1924, avec la publication du Manifeste du surréalisme. Il rassemble autour de lui des artistes comme Paul Éluard, Louis Aragon, René Crevel, Salvador Dalí, Max Ernst, et bien d’autres. Le mouvement vise à transformer la société par la poésie, l’art, et la révolte, en s’appuyant sur l’automatisme psychique, le rêve, et l’amour fou.
Engagé politiquement, Breton adhère au communisme dans les années 1920, mais ses relations avec le Parti communiste français sont tumultueuses. Il voyage beaucoup (Mexique, Haïti, États-Unis) et défend une vision de l’art comme arme de libération individuelle et collective.
Œuvres majeures
- Manifestes : Manifeste du surréalisme (1924), Second Manifeste du surréalisme (1930).
- Recueils de poèmes : Les Champs magnétiques (1920, avec Philippe Soupault), Clair de terre (1923), L’Amour fou (1937).
- Romans : Nadja (1928), Les Vases communicants (1932), Arcane 17 (1944).
- Essais : Le Surréalisme et la Peinture (1928), Anthologie de l’humour noir (1940).
Extraits significatifs
« Tournesol » (in Clair de terre, 1923)
Je suis un homme qui marche dans la nuit Et je ne me retourne jamais Je suis un homme qui a peur de la lumière Et qui ne veut voir que ce qui brille dans l’ombre
Les étoiles sont des trous dans le ciel Par où passent les anges Les anges sont des oiseaux de feu Qui chantent dans les branches de la nuit
Je suis un homme qui écoute Les pas des anges dans les feuilles mortes Je suis un homme qui attend Que la nuit se lève comme un soleil noir
Référence : André Breton, Clair de terre, Gallimard, 1923, p. 27.
L’Union libre » (in Clair de terre, 1923)
Ma femme à la chevelure de feu de bois Aux pensées d’éclairs de chaleur À la taille de sablier Ma femme aux hanches de lisse Aux hanches de lune sous le drap de la mer Ma femme aux seins de magma Aux yeux de bois toujours sous la hache Aux jambes de fusée Aux épaules de champ de bataille À la bouche d’étoile de dernière grandeur Aux dents d’empreintes de baisers de serpent Au cou de tourterelle et de cloche d’alarme Ma femme aux poignets d’allumettes Aux doigts de hasard et d’as de cœur Ma femme aux aisselles de martre et de fume De nuit de la Saint-Jean Ma femme aux bras de mer Aux bras d’écume de mer et d’étoile Ma femme aux jambes de fusée Aux pieds de griffe et d’aube Ma femme à la nuque de pierre roulée À la voix d’attelage de grelots d’or Ma femme aux yeux de forêt toujours sous la hache Ma femme aux yeux de niveau d’eau De niveau d’air de terre et de feu
Référence : André Breton, Clair de terre, Gallimard, 1923, p. 55-56.
« Le Verbe être » (in Clair de terre, 1923)
Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Je connais la haine ses petits bonheurs. Au fond de toutes les poches il y a des doigts qui se terrent. Je connais la honte ses habits de lumière. Je connais l’espoir et ses chimères. Je connais les règles le jeu et la raison. Je connais les mots qui tuent les mots qui font vivre. Je connais la vie la mort la vie la mort. Je connais le verbe être et le verbe avoir. Je les ai mesurés. Je sais qu’il ne faut pas dire Je suis Mais Je suis en train d’être Toujours Je suis en train de passer Je ne suis qu’un point de passage Pour toutes les lignes de l’univers Je ne suis qu’un carrefour Où les mots se rencontrent Où les contraires s’épousent Je ne suis qu’un écho Je ne suis qu’un miroir Je ne suis qu’un passage Je suis la porte ouverte entre le dedans et le dehors Je suis la membrane entre le moi et le monde Je suis le souffle qui va et qui vient Je suis la vague qui monte et qui descend Je suis l’arbre qui plonge ses racines dans la terre Et qui tend ses branches vers le ciel Je suis le pont entre l’invisible et le visible Je suis la voix qui murmure au fond de chaque silence Je suis l’étincelle qui jaillit de chaque nuit Je suis l’éclair qui précède le tonnerre Je suis l’aube qui précède le jour Je suis l’instant qui précède l’éternité.
Référence : André Breton, Clair de terre, Gallimard, 1923, p. 33-34.
Manifeste du surréalisme (1924)
"Surréalisme, n.m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. Le surréalisme repose sur la croyance en la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, en la toute-puissance du rêve, en le jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie."
Référence : André Breton, Manifeste du surréalisme, Gallimard, 1924, p.
32.
Nadja (1928)
"La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas." "Qui suis-je ? Si par exception je m’en rapportais à un adage : en effet pourquoi tout ne reviendrait-il pas à dire que je ne suis pas ce que je suis ?"
Référence : André Breton, Nadja, Gallimard, 1928, p. 160.
L’Amour fou (1937)
"La beauté de l’amour, c’est qu’il est, plus que l’amour, la lumière. Elle est ce qui nous permet de voir, au-delà des apparences, la vérité des êtres et des choses. L’amour fou, c’est cette lumière qui consume et qui révèle, qui détruit et qui crée."
Référence : André Breton, L’Amour fou, Gallimard, 1937, p. 25.
Clair de terre (1923)
"Il y a des fleurs qui ne fanent pas, des étoiles qui ne s’éteignent pas, des rêves qui ne finissent pas. La poésie est cette lumière qui traverse les siècles, qui éclaire les cœurs, qui unit les hommes."
Référence : André Breton, Clair de terre, Gallimard, 1923, p. 45.
Bibliographie
Œuvres d’André Breton
- Les Champs magnétiques (avec Philippe Soupault), Au Sans Pareil, 1920.
- Clair de terre, Gallimard, 1923.
- Manifeste du surréalisme, Gallimard, 1924.
- Nadja, Gallimard, 1928.
- Second Manifeste du surréalisme, Gallimard, 1930.
- L’Amour fou, Gallimard, 1937.
- Arcane 17, Éditions du Sagittaire, 1944.
- Œuvres complètes, 3 tomes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1988-1999.
Ouvrages critiques et biographiques
- Polizzotti, Mark, André Breton, Gallimard, 1995.
- Bonnet, Marguerite, André Breton : Naissance de l’aventure surréaliste, José Corti, 1975.
- Alexandre, Didier, André Breton, le principe d’incertitude, Gallimard, 2012.
- Nadeau, Maurice, Histoire du surréalisme, Seuil, 1964.