Le dépôt
89 - ZOOM BYRON
POÈMES
1. She Walks in Beauty
She walks in beauty, like the night Of cloudless climes and starry skies; And all that’s best of dark and bright Meet in her aspect and her eyes; Thus mellowed to that tender light Which heaven to gaudy day denies.
One shade the more, one ray the less, Had half impaired the nameless grace Which waves in every raven tress, Or softly lightens o’er her face; Where thoughts serenely sweet express, How pure, how dear their dwelling-place.
And on that cheek, and o’er that brow, So soft, so calm, yet eloquent, The smiles that win, the tints that glow, But tell of days in goodness spent, A mind at peace with all below, A heart whose love is innocent!
Elle marche en beauté, comme la nuit
Des cieux sans nuages et des cieux étoilés ;
Tout ce qu’il y a de meilleur en l’ombre et la lumière
Se rencontre en son aspect et ses yeux ;
Ainsi adouci par cette douce lumière
Que le ciel refuse au jour clinquant.
Une ombre de plus, un rayon de moins,
Auraient à moitié altéré cette grâce sans nom
Qui ondule en chaque boucle de jais,
Ou s’attarde doucement sur son visage ;
Où des pensées sereines et douces s’expriment,
Combien pures, combien chères, leur demeure.
Et sur cette joue, et sur ce front,
Si doux, si calme, pourtant éloquent,
Les sourires qui séduisent, les teints qui rayonnent,
Ne parlent que de jours passés dans la bonté,
Un esprit en paix avec tout ici-bas,
Un cœur dont l’amour est innocent.
2. So, We’ll Go No More a Roving
So, we’ll go no more a roving So late into the night, Though the heart be still as loving, And the moon be still as bright.
For the sword outwears its sheath, And the soul wears out the breast, And the heart must pause to breathe, And love itself have rest.
Though the night was made for loving, And the day returns too soon, Yet we’ll go no more a roving By the light of the moon.
Ainsi, nous n’irons plus rôder
Si tard dans la nuit,
Bien que le cœur soit toujours aussi amoureux,
Et la lune toujours aussi brillante.
Car l’épée use son fourreau,
Et l’âme use le sein,
Et le cœur doit s’arrêter pour respirer,
Et l’amour lui-même a besoin de repos.
Bien que la nuit soit faite pour l’amour,
Et que le jour revienne trop tôt,
Nous n’irons plus rôder
À la lumière de la lune.
3. When We Two Parted
When we two parted In silence and tears, Half broken-hearted To sever for years, Pale grew thy cheek and cold, Colder thy kiss; Truly that hour foretold Sorrow to this.
The dew of the morning Sunk chill on my brow— It felt like the warning Of what I feel now. Thy vows are all broken, And light is thy fame; I hear thy name spoken, And share in its shame.
They name thee before me, A knell to mine ear; A shudder comes o’er me— Why wert thou so dear? They know not I knew thee, Who knew thee too well:— Long, long shall I rue thee, Too deeply to tell.
In secret we met— In silence I grieve, That thy heart could forget, Thy spirit deceive. If I should meet thee After long years, How should I greet thee?— With silence and tears.
Quand nous nous quittâmes
En silence et en pleurs,
Le cœur à moitié brisé
Pour des années de séparation,
Ton visage devint pâle et froid,
Plus froid encore ton baiser ;
Vraiment cette heure annonçait
Le chagrin d’aujourd’hui.
La rosée du matin
Glissa froide sur mon front
— Elle semblait un avertissement
De ce que je ressens maintenant.
Tous tes serments sont rompus,
Et légère est ta renommée ;
J’entends ton nom prononcé,
Et j’en partage la honte.
On te nomme devant moi,
Comme un glas à mon oreille ;
Un frisson me parcourt
— Pourquoi fus-tu si chère ?
Ils ne savent pas que je t’ai connue,
Moi qui t’ai trop bien connue :
Longtemps, longtemps je te regretterai,
Trop profondément pour le dire.
Nous nous rencontrions en secret
— En silence je souffre,
Que ton cœur ait pu oublier,
Ton esprit tromper.
Si je te rencontrais
Après de longues années,
Comment te saluerais-je ?
— En silence et en pleurs.
4. Le Prisonnier de Chillon (extrait)
My hair is grey, but not with years, Nor grew it white In a single night, As men’s have grown from sudden fears: My limbs are bowed, though not with toil, But rusted with a vile repose, For they have been a dungeon’s spoil, And mine has been the fate of those To whom the goodly earth and air Are banned, and barred—forbidden fare; But this was for my father’s faith I suffered chains and courted death; That father perished at the stake For tenets he would not forsake; And for the same his lineal race In darkness found a dwelling-place; We were seven—who now are one, In youth, in prime, in manhood gone, Cut off, even as my father was, Leaving a sonless sire to pass A life of lonely wretchedness; But I, the youngest and the last, Was spared to be the heir of pain, A plaything for the tyrant’s gain.
Mes cheveux sont gris, mais non par l’âge,
Ni ne sont devenus blancs
En une seule nuit,
Comme ceux des hommes blêmis par des peurs soudaines :
Mes membres sont courbés, non par le labeur,
Mais rouillés par un repos infâme,
Car ils ont été la proie d’un cachot,
Et mon sort fut celui de ceux
À qui la bonne terre et l’air
Sont interdits, barrés
— nourriture défendue ;
Mais ce fut pour la foi de mon père
Que j’ai souffert les chaînes et courtisé la mort ;
Ce père périt sur le bûcher
Pour des principes qu’il refusait d’abjurer ;
Et pour les mêmes, sa lignée
Trouva sa demeure dans les ténèbres ;
Nous étions sept — qui ne sommes plus qu’un,
Dans la jeunesse, la force, l’âge mûr, tous disparus,
Fauchés, comme mon père l’avait été,
Laissant un père sans fils pour vivre
Une existence de misère solitaire ;
Mais moi, le plus jeune et le dernier,
J’ai été épargné pour hériter de la douleur,
Un jouet pour le gain du tyran.
5. Oraison vénitienne (extrait de Childe Harold’s Pilgrimage)
Oh Venice! Venice! when thy marble walls Are level with the waters, there shall be A cry of nations o’er thy sunken halls, A loud lament along the sweeping sea! If I, a northern wanderer, weep for thee, What should thy sons do?—anything but weep: And yet they only murmur in their sleep. In contrast with their fathers—as the slime, The dull green ooze of the receding deep, Is with the dashing of the spring-tide foam, That drives the sailor shipless to his home, Are they to those who won and wore thy crowns, Rulers of nations then, and now their clowns.
Ô Venise ! Venise ! quand tes murs de marbre
Seront au niveau des eaux, il y aura
Un cri des nations sur tes salles englouties,
Une plainte retentissante sur la mer déchaînée !
Si moi, un errant du Nord, je pleure pour toi,
Que devraient faire tes fils ? — autre chose que pleurer :
Et pourtant ils ne murmurent que dans leur sommeil.
En contraste avec leurs pères — comme la vase,
La boue verte terne des profondeurs qui se retirent,
Est au choc de l’écume du flot de printemps,
Qui ramène le marin sans navire à son foyer,
Sont-ils comparables à ceux qui gagnèrent et portèrent tes couronnes, Maîtres de nations alors, et maintenant leurs bouffons.
PRÉSENTATION
Lord Byron (1788–1824) est le poète romantique par excellence : révolte, mélancolie, exotisme. Né à Londres, marqué par un pied-bot, il hérite jeune du titre de baron et d’un domaine en ruine. Ses voyages en Grèce, en Italie et en Orient nourrissent une œuvre où se mêlent lyrisme, satire et épopée.
Byron incarne l’idéal romantique : défenseur des opprimés, amant passionné, héros maudit. Ses poèmes, comme Don Juan ou Le Pèlerinage de Childe Harold, allient aventure, ironie et désenchantement. Sa vie tumultueuse et sa mort à Missolonghi, combattant pour l’indépendance grecque, en font une légende.
BIBLIOGRAPHIE
Recueils majeurs (en français)
- Le Corsaire et autres poèmes orientaux, Gallimard, 2021.
- Don Juan, José Corti, 1989.
- Poèmes, Hachette, 1874 (rééditions).
- Le Prisonnier de Chillon, 1822.
Ouvrages critiques
- Byron, un self-portrait, P. Quennell, Oxford, 1990.
- Lord Byron, poète révolté, BnF Essentiels, 2020.
Ressources en ligne
- Poèmes de Byron sur Wikisource : lire ici
- Œuvres complètes sur Gallica : consulter ici